Explorer d’autres méthodes de dépistage du VIH afin de respecter l’engagement du Canada envers les cibles 90-90-90 d’ONUSIDA

Publication Summary

Le 26 avril 2018, SHARE, les laboratoires nationaux de recherche sur le VIH/Sida, le Laboratoire national de microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), le projet SHARE de la Saskatchewan (recherche sur le VIH/sida) ainsi que le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses (CCNMI) ont réuni des partenaires et des participants pour engager une réflexion sur d’autres méthodes de dépistage du VIH. Durant la séance, on a présenté de nouvelles technologies et approches de test qui pourraient potentiellement élargir les options de test du VIH au Canada si elles étaient étendues pour atteindre les gens là où ils se trouvent.

Partenaires :

  • Dr John Kim, laboratoires nationaux sur le VIH/sida, LNM-ASPC
  • Stéphanie Lavoie, laboratoires nationaux sur le VIH/sida, LNM-ASPC
  • Geneviève Boily-Larouche, CCNMI
  • Sugandhi del Canto, projet de recherche sur le VIH/sida en Saskatchewan (SHARE)
  • Laurel Challacombe, CATIE
  • Dre Nitika Pant Pai, Université McGill
  • Dre Deborah Kelly, Université Memorial
  • Geri Bailey, Conseil tribal de la Saskatchewan

Introduction

Partout au Canada et dans le monde, l’insuffisance et la faible utilisation des méthodes standards de dépistage du VIH par les populations marginalisées sont sont lieu commun. De nouvelles méthodes de dépistage du VIH sont nécessaires afin que le Canada respecte son engagement d’atteindre d’ici 2020 les cibles 90-90-90 d’ONUSIDA.

Partout au Canada et dans le monde, l’insuffisance et la faible utilisation des méthodes standards de dépistage du VIH par les populations marginalisées sont sont lieu commun. De nouvelles methodes de dépistage du VIH sont nécessaires afin que le Canada respecte son engagement d’atteindre d’ici 2020 les cibles 90-90-90 d’ONUSIDA.

Le 26 avril 2018, SHARE, les laboratoires nationaux de recherche sur le VIH/Sida, le Laboratoire national de microbiologie de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), le projet SHARE de la Saskatchewan (recherche sur le VIH/sida) ainsi que le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses (CCNMI) ont réuni des partenaires et des participants pour engager une réflexion sur d’autres méthodes de dépistage du VIH. Durant la séance, on a présenté de nouvelles technologies et approches de test qui pourraient potentiellement élargir les options de test du VIH au Canada si elles étaient étendues pour atteindre les gens là où ils se trouvent.

Les objectifs d’apprentissage de cette séance étaient les suivants :

  1. Présenter aux participants quatre solutions de rechange pour le dépistage du VIH en examinant les preuves relatives aux rendements technologiques et à la portée de ces modèles innovants de prestation de services.
  2. Analyser les obstacles aux nouvelles approches de test dans différents contextes et les catalyseurs permettant leur mise en œuvre.
  3. Discuter de stratégies visant à augmenter le nombre de tests de dépistage du VIH au Canada, notamment en ce qui concerne l.identification, les besoins en matière de recherche, la mise en œuvre et les politiques.

Programmes et comptes-rendus

Mot d’ouverture

La séance a débuté par des observations préliminaires sur le contexte par le Dr John Kim, chef à l’ASPC. Dr Kim a rappelé à l’auditoire qu’en 2015, la ministre canadienne de la Santé avait approuvé les cibles 90-90-90 du Programme commun des Nations Unies sur le VIH/sida (ONUSIDA) et que les premières estimations nationales avaient été publiées en 2016. Les cibles ont été définies comme suit : à l’horizon 2020, 90 % de toutes les personnes vivant avec le VIH connaissent leur statut sérologique, 90 % de toutes les personnes infectées par le VIH dépistées reçoivent un traitement anti rétroviral durable et 90 % des personnes recevant un traitement antirétroviral ont une charge virale durablement supprimée. Sur les 65 040 personnes vivant avec le VIH en 2014 au Canada (fourchette plausible : de 53 980 à 76 100), 80 % (76 % à 87 %) d’entre elles avaient reçu un diagnostic, 76 % (70 % à 82 %) des personnes ayant reçu un diagnostic suivaient un traitement et 89 % (84 % à 93 %) des personnes suivant un traitement avaient une charge virale supprimée.

Cet exercice a permis de mettre au jour les lacunes existantes en matière de dépistage au Canada. À l’échelle nationale, 20 % des personnes vivant avec le VIH ignorent leur état. Le test de dépistage est la porte d’entrée aux soins et aux traitements : il permet d’engager des discussions plus larges sur la santé, de créer des liens avec les services de santé (incluant les services en toxicomanie et en santé mentale) et d’établir un lien de confiance avec les personnes qui, autrement, n’auraient pas accès à ces services. Les efforts du Canada pour atteindre les cibles 90-90-90 seront surpassés si on augmente la disponibilité et l’accessibilité des services de test intégrés et centrés sur le patient. Une plus grande coordination des efforts multisectoriels est donc essentielle pour rejoindre les gens là où ils se trouvent, au bon moment et avec les programmes les plus efficaces qui soient. Il n’existe pas de modèle unique; diverses approches doivent être combinées pour répondre aux besoins de toutes les personnes vivant au Canada.

Explorer de nouvelles approches de test : quatre technologies, quatre modèles de prestation de services

Quatre panélistes ont été invités à présenter une initiative particulière, comportant une nouvelle option de test. Ils ont tous présenté un aperçu de la technologie de test utilisée et de son fonctionnement; ils ont décrit le modèle de prestation de services qu’ils ont mis en œuvre pour leur approche de test, en réfléchissant aux populations qu’ils essayaient d’atteindre et ont discuté de l’adéquation entre la technologie utilisée et le modèle de prestation de service mis au point.

Les quatre approches présentées au cours de la séance étaient les suivantes : test à faire soi- même, test sur les lieux de soins (POCT) fourni par la pharmacie, test multiplex et test d’échantillon de sang séché (DBS). Le programme complet se trouve en annexe 1.

Test à faire soi-même : Dre Nitika Pant Pai, a passé en revue le corpus de preuves internationales actuellement disponibles en matière de tests à faire soi-même. Elle a décrit la mise en œuvre d’initiatives d’auto-évaluation supervisées et non supervisées menées auprès d’étudiants de l’Université McGill à Montréal, de clients de la clinique l’Actuel, une clinique pour hommes gais située à Montréal, et de travailleurs de la santé en Afrique du Sud.

Test du VIH sur les lieux de soins, fourni par la pharmacie : Dre Deborah Kelly, de l’Université Memorial, a présenté deux études pilotes mettant à l’épreuve le test du VIH sur les lieux de soins (POCT) INSTITM, offert dans des pharmacies en Alberta et à Terre-Neuve. Elle a parlé du processus de mobilisation et de formation des pharmaciens pour effectuer des tests et fournir des résultats à leurs clients sur place. Dre Kelly a résumé les expériences des clients et des pharmaciens à la lumière de projet et a passé en revue les leçons tirées de cette expérience.

Test multiplex : Dre Pai a parlé du test multiplex qui permet de détecter simultanément plusieurs infections, notamment le VIH, les hépatites B et C et la syphilis. Elle a passé en revue le rendement du dispositif et son potentiel d’amélioration de l’intégration du dépistage du VIH à d’autres tests de dépistage des ITSS et de la gestion de la co-infection par le VIH.

Échantillon de sang séché : Le Dr John Kim et Geri Bailey du Conseil tribal de Saskatoon (CTS) ont parlé de l’initiative de dépistage par un échantillon de sang séché (DBS), mise en œuvre dans plusieurs communautés du CTS en Saskatchewan. L’utilisation du test DBS représente un moyen innovant de recueillir et de conserver des échantillons de sang pour le test du VIH. Une fois que l’échantillon prélevé a été étalé et séché sur un papier-filtre, on peut l’envoyer par courrier ordinaire au laboratoire national pour qu’il soit testé à l’aide de méthodes de laboratoire conventionnelles. Geri Bailey a parlé du rôle prépondérant des chefs tribaux et des chefs de communauté pour guider le public tout au long des étapes de la mise en œuvre et de l’exécution des tests DBS.

Approfondir les questions de mise en œuvre et de politiques

Après la table ronde, les participants ont été invités à choisir, par un exercice de « dotmocracie », les questions qu’ils souhaitaient voir abordées par les panélistes.

Neuf thèmes ont été soumis aux participants et les trois questions comportant le plus grand nombre de points ont été sélectionnées pour la discussion (nombre de points placés à côté de chaque question).

• Quelles stratégies avez-vous adoptées pour résoudre les problèmes de stigmatisation et de confidentialité? (13)
• Comment avez-vous sollicité la participation des communautés locales? Qui étaient vos partenaires? (12)
• Quelle était votre stratégie publicitaire pour amener les gens à se faire tester? (10)
• De quelle façon les résultats étaient-ils transmis aux participants? (13)
• Quels étaient les mécanismes en place pour faire le lien avec les soins, la formation, les services-conseils et l’assurance qualité? (14)
• Qui étaient les testeurs? Avaient-ils été formés? Par qui? (10)
• Les résultats ont-ils été partagés avec le système provincial de santé publique et de surveillance? (6)
• Comment seront soutenus les tests dans ces communautés/milieux? Que faut-il pour qu’ils soient soutenus? (4)
• A-t-on fait appel au laboratoire provincial de santé publique, si oui, comment? (1)
• Qu’est-ce qui a changé depuis ce projet dans la communauté/population ciblée? (1)

Stigmatisation/Confidentialité et stratégie publicitaire

En premier lieu, les panélistes et les participants ont eu l’occasion de partager leurs expériences sur les approches en place pour lutter contre la stigmatisation et la confidentialité. Plusieurs points sont ressortis de cette discussion.

  • Éviter de donner une visibilité sociale autour des projets de dépistage du VIH dans les petites communautés. Les personnes peuvent avoir peur d’être associées à des « comportements à risque » reliés au VIH lorsqu’elles se présentent à des cliniques de traitement des IST ou à un lieu de dépistage. Parmi les solutions ayant fait l’objet de discussions, on a vu une stratégie de publicité positive et une approche holistique du test.
  • Utiliser une stratégie publicitaire positive. Dans le cas du projet de test par échantillon de sang séché (DBS), la campagne pour la journée de dépistage a été conçue autour de la Journée de la santé du foie, ce qui a été perçu comme un message positif.
  • Des stratégies numériques, telles que HIVSmart!, ont également été perçues comme une bonne façon d’offrir des conseils avant et après les tests afin de respecter la confidentialité. Les tests à faire soi-même ont été vus comme une option de test à offrir aux personnes qui, autrement, ne se présenteraient peut-être pas sur un lieu de dépistage conventionnel par crainte d’être associées au VIH.
  • Créer un environnement accueillant et sûr pour effectuer les tests. Dans toutes les approches abordées, un environnement favorable (respectueux, sans jugement et sécuritaire pour la culture) était primordial pour soutenir et maintenir la participation des personnes aux tests et aux soins. Dre Kelly a expliqué comment les sites ont été triés sur le volet pour les approches de test en pharmacie pour garantir que seuls des pharmaciens très motivés et engagés participeraient au projet. Les panélistes ont souligné l’importance d’investir du temps au début du projet pour intéresser et former tout le personnel afin de fournir une expérience agréable et respectueuse aux participants. Dans les projets de test menés dans des communautés autochtones, ceux qui avaient une approche holistique et incluaient des perspectives adaptées à la culture, telles que la roue médicinale, ont eu le plus de succès.
  • Formuler le message de manière appropriée, adaptée à la communauté et respectueuse du niveau des connaissances de cette communauté. Tout le monde n’a pas le même niveau de connaissances, et il est important de garder à l’esprit la manière dont le message est reçu par la communauté.
  • Les pairs sont les mieux placés pour établir des ponts entre les prestataires de soins de santé et les communautés et favoriser la participation aux initiatives de dépistage et de soins, particulièrement dans les populations qui ont vécu de l’oppression et qui manquent de confiance dans le système. « Les pairs sont les yeux et les oreilles de la communauté. »

Participation de la communauté locale et partenariats locaux

Le deuxième thème abordé concernait la participation de la communauté et la création de partenariats locaux.

  • L’adhésion de la communauté et la participation des aînés sont absolument nécessaires pour une mise en œuvre réussie du projet et sa pérennité. Un panéliste a fait remarquer aux participants que le processus de mobilisation avançait souvent à petits pas, et qu’il était primordial de respecter ce rythme.
  • Respecter la disposition de la communauté et fournir une éducation qui corresponde aux besoins de la communauté. Dans les communautés des Premières nations où on recourrait au test DBS, la réception des résultats de tests sur place, le jour même, était considérée comme un obstacle aux tests pour des raisons de confidentialité. Le DBS était alors adapté au contexte, car le processus de remise des résultats respectait les besoins de la communauté.
  • Investir du temps pour engager le dialogue avec les décideurs, les communautés et les organisations communautaires, les praticiens et le gouvernement afin de mettre en place un processus adéquat pour établir des liens vers les soins et de créer des options adaptées aux besoins de la communauté.
  • Mesurer les bons indicateurs pour comprendre la valeur d’un projet. Les participants et les panélistes ont souligné l’importance de mesurer le bon ensemble d’indicateurs pour évaluer le succès d’une initiative. Un participant a souligné que la possibilité de faire les tests par soi-même et un environnement de test favorable sont des facteurs de réussite. Pour évaluer réellement la qualité d’une initiative, il est important de recueillir des données qui permettent d’évaluer la qualité des relations entre les participants et les fournisseurs.

Des médiateurs pour la mise en œuvre de nouvelles stratégies de test

Dans l’ensemble, trois points sont ressortis de cette discussion. Les membres du panel et les participants ont convenu que, pour réussir, les initiatives de test devraient inclure les caractéristiques suivantes.

  • Offrir un espace, respectueux de la culture et sécuritaire – la confiance et les relations sont les principaux facteurs de succès.
  • Travailler en amont pour susciter l’intérêt des parties prenantes et réfléchir de manière stratégique aux meilleures options d’éducation et de création de liens, adaptées aux besoins de la communauté et des clients. Respecter l’endroit où les gens se trouvent et ce qu’ils souhaitent.
  • Travailler avec les pairs et les communautés – ce sont les meilleurs atouts pour fournir un soutien, naviguer dans les systèmes et dialoguer avec les gens.

Résultats de l’évaluation

Plus de 50 personnes ont participé à la séance, et probablement davantage à la seconde moitié quand d’autres participants s’y sont joints. Dix-huit participants ont rempli un formulaire d’évaluation. Tous les participants (100 %, 18/18) ont estimé avoir appris l’existence de nouvelles technologies et de modèles de prestation de services au cours de cette séance. Lorsqu’on leur a demandé s’ils en savaient plus sur les obstacles et les éléments facilitant la mise en œuvre de nouvelles approches de test dans différents contextes, 89 % (16/18) des participants ont déclaré avoir appris de nouvelles informations. En ce qui concerne le troisième objectif de la séance, 89 % (16/18) des participants ont estimé qu’ils avaient été interpelés à réfléchir à des stratégies visant à accroître le dépistage du VIH au Canada, notamment en ce qui concerne la détermination des besoins en matière de recherche, de mise en œuvre et de politiques et la façon de les combler.

Sept participants ont indiqué que la discussion ouverte après les présentations était la partie la plus enrichissante de cette séance. Un participant a déclaré avoir aimé la présentation de l’ordre du jour et le déroulement de la séance, et un autre a déclaré avoir apprécié la présentation sur quatre différentes options. Deux autres ont souligné l’étendue des connaissances des panélistes et la richesse de leurs anecdotes. Enfin, deux participants ont manifesté leur intérêt pour la mise en œuvre du test DBS dans leurs communautés.

Lorsqu’on leur a demandé ce qui aurait pu mieux fonctionner, les participants ont suggéré de raccourcir les exposés afin de laisser plus de temps aux questions et à la discussion, d’utiliser le matériel audiovisuel à meilleur escient, d’organiser une séance d’une journée complète plutôt que d’une demi-journée et de conclure la séance par des recommandations concrètes.

Lorsqu’on leur a demandé ce qu’ils avaient obtenu de cette séance, cinq participants ont déclaré qu’ils plaideraient désormais en faveur de l’intégration de différentes approches de test dans leur région, l’un d’entre eux rapportant que la phlébotomie était la seule option actuellement disponible dans sa région. Autres réponses incluses :

  • Des stratégies pour favoriser les liens avec les soins et un engagement continu dans les soins.
  • La lutte contre la stigmatisation.
  • Les défis associés à chaque approche et une réflexion sur la façon de les surmonter.
  • Une initiative pour un test à faire soi-même.
  • La mise en œuvre du test DBS dans les communautés éloignées et rurales.
  • Les avantages de transmettre les résultats par d’autres moyens que les testeurs.
  • De nouvelles façons de mobiliser et de fidéliser les personnes.
  • Toutes ces leçons!

Enfin, un participant a fait remarquer que l’accent est souvent mis sur d’autres méthodes de test, sans doute pour corriger les lacunes constatées dans les tests standards, mais que les efforts visant à améliorer les tests par prélèvement sanguin manquent souvent dans la discussion.

Conclusion

La séance a été un succès et, comme on a pu l’entendre de manière informelle et dans les réponses du formulaire d’évaluation, les exposés et les discussions ont été bien accueillis par le public. Ce public, composé de délégués à la conférence de l’Association canadienne de recherche sur le VIH (ACRV), a manifesté un intérêt plus grand pour la mise en œuvre et la science que pour les questions politiques plus générales (telles que les questions de réglementation, les barrières du champ de pratique, le financement durable, l’intégration des résultats au système de surveillance, etc.)

L’adhésion et la participation de la communauté sont des éléments clés du succès, et pour élargir les options de test, on doit commencer par s’assurer que les stratégies envisagées répondent aux besoins de la communauté. Le succès d’une nouvelle approche dépend fortement de l’environnement créé pour le dépistage et les tests, car il s’agit de diffuser des messages et des services adaptés à la culture, en respectant le niveau de connaissances de la communauté, en offrant des soins adaptés et sûrs, en lien avec des mécanismes de soins adaptés aux besoins de la communauté. Cela souligne en outre la nécessité d’investir du temps dans le processus de planification et de mener un travail de fond approprié auprès des parties prenantes, avant de mettre en œuvre de nouvelles options de test.