Introduction
La résistance aux antimicrobiens (RAM) n’est pas une chose nouvelle; en fait, il s’agit d’un phénomène biologique naturel connu depuis la découverte des antibiotiques. Au début du XXe siècle, elle s’établissait lentement et constituait un problème qui généralement pouvait être résolu au moyen d’une solution simple : la création de nouveaux médicaments. Aujourd’hui, cependant, la surutilisation des antimicrobiens a provoqué une augmentation alarmante de l’éclosion et de la propagation des RAM, ce qui a entraîné l’apparition de superbactéries ne pouvant pas être traitées à l’aide des médicaments existants. En raison de la rapidité avec laquelle apparaissent et se propagent les RAM, ce problème est universellement reconnu comme constituant une préoccupation pour la santé publique à l’échelle mondiale. Les pays du monde entier conviennent de l’ampleur du problème, notamment depuis la publication d’un rapport de 2014 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS, 2014) signalant la gravité cet enjeu.
Les conséquences de la RAM à l’échelle mondiale nécessitent la prise de mesures immédiates. Bien que les experts en santé publique admettent que le monde est arrivé à un point de bascule critique, la plupart s’entendent pour dire que la situation peut être renversée et que les gouvernements et les décideurs ont le pouvoir de mettre un frein à la propagation de la RAM. Ce renversement ne pourra cependant se faire au moyen de la solution simple qui prévalait au début du XXe siècle, soit la création de nouveaux médicaments. Cette solution n’est plus viable pour diverses raisons, la plus préoccupante étant le taux accéléré de propagation de la RAM. Une intervention rapide et coordonnée entre les pays et au sein de ceux-ci est donc nécessaire pour faire face à cet enjeu, sans quoi le milieu de la santé mondiale risque d’être bientôt confronté à la menace d’un retour à l’ère pré-antibiotiques.
Une première étape à franchir dans la lutte contre ce problème grandissant de santé publique est de mieux comprendre comment nous en sommes arrivés à ce point de bascule critique et quelles mesures peuvent prendre les gouvernements, les décideurs ainsi que les systèmes et les fournisseurs de soins de santé pour renverser ou juguler la progression des cas de RAM. De l’avis général, des interventions sont nécessaires dans divers secteurs et à différents niveaux et celles-ci doivent comprendre les éléments suivants : des campagnes mondiales de sensibilisation du public à la question de la RAM et de l’utilisation des antimicrobiens (UAM), une amélioration de l’assainissement et de l’hygiène afin de contrôler la propagation des infections, une réduction de l’UAM non thérapeutique en agriculture, une augmentation des investissements dans la vaccination et dans les solutions de rechange aux antimicrobiens, une surveillance accrue de l’UAM et de la RAM, l’élaboration d’un essai de diagnostic rapide afin d’améliorer les pratiques de prescription, des investissements en capital humain dans le domaine de la lutte contre les maladies infectieuses, ainsi que des mesures d’incitation à la recherche et à la mise au point de nouveaux antimicrobiens (O’Neill, 2016). Compte tenu du fait que [traduction] « le recours à un antimicrobien n’importe où peut accroître la résistance à tout antimicrobien partout ailleurs » (O’Brien, 2002), il est nécessaire de connaître les différents contextes dans lesquels les antimicrobiens sont utilisés, comme la santé humaine, la santé animale et l’agriculture, afin de dresser un portrait complet de la situation et de comprendre ce qui cause l’accélération sans précédent de la RAM et comment elle peut être renversée.
Qu’est-ce que la RAM et pourquoi est-ce une préoccupation?
La RAM survient lorsqu’un microorganisme (microbe) causant des infections acquiert une résistance aux effets du médicament utiliser pour le détruire. Cette résistance lui permettant de survivre et de se propager, il devient alors une superbactérie susceptible de causer des infections difficiles à traiter. Les médicaments utilisés pour combattre les infections sont appelés agents antimicrobiens et comprennent les antibiotiques, les antiviraux, les antifongiques et les antiparasitaires comme les anthelminthiques et les antipaludiques.
Un microbe devient résistant à la suite d’un changement de ses caractéristiques biologiques en raison d’une mutation génétique ou de l’acquisition de gènes de résistance provenant de sources externes. Lorsqu’un traitement ne tue pas tous les microbes d’une infection, les souches ayant une résistance ont plus de chance de survivre et de se multiplier que les autres et finissent ainsi par remplacer les souches sensibles, ce qui a pour effet de rendre inefficace un médicament qui auparavant fonctionnait pour traiter une infection. Différents agents antimicrobiens servent à traiter différents microbes et l’UAM renvoie à la façon dont les médicaments sont utilisés, notamment en ce qui concerne le dosage, la voie et la fréquence d’administration ainsi que le temps de traitement. On trouve généralement des microbes résistants dans les contextes où le recours aux antimicrobiens est fréquent et où les maladies sont courantes, comme dans les hôpitaux, les cliniques vétérinaires et les installations d’élevage intensif de bétail (ASPC, 2015). Toutefois, au cours de la dernière décennie, l’augmentation de la RAM a fait en sorte que les cas de résistance sont devenus de plus en plus communs au sein de la communauté en générale (O’Neill, 2016), la situation canadienne ne faisant pas exception à ce chapitre (Fishman, 2006).
De plus en plus de spécialistes s’entendent pour dire que le principal facteur de risque d’éclosion des RAM et d’accélération de leur propagation est un recours excessif et inapproprié aux antimicrobiens (Bronzwaer, 2002; Holmes et al., 2015). Il y a cependant des débats et des désaccords autour de la question de savoir d’où proviennent en majorité les usages inappropriés, c’est-à-dire de savoir s’il s’agit de l’UAM dans le secteur de la santé humaine ou dans celui de la santé animale qui contribue le plus à la RAM.
En 2013, approximativement 1,4 million de kilogrammes d’antimicrobiens importants sur le plan médical1 ont été distribués ou vendus au Canada. De cette masse totale, 78 % ont été utilisés chez les animaux élevés pour la production alimentaire, 21 % chez les humains, 1 % chez les animaux de compagnie et moins de 1 % pour les cultures (ASPC, 2015). Ainsi, environ 1,4 fois plus d’antimicrobiens ont été distribués pour utilisation chez les animaux que chez les humains, en tenant compte de la population et du poids (ASPC, 2015). Ces chiffres excluent cependant certaines catégories d’antimicrobiens importés pour utilisation chez les animaux d’élevage.2 Ils constituent donc probablement une sous-estimation de la quantité réelle d’antimicrobiens utilisée chez les animaux destinés à l’alimentation.3
Dans la mesure où les mêmes catégories d’antimicrobiens importants sur le plan médical sont généralement utilisées à la fois dans le secteur de la santé animale et celui de la santé humaine, il ne fait aucun doute que les deux secteurs contribuent à la RAM et aux répercussions imminentes de celle-ci sur la santé humaine (ASPC, 2015). Il est par conséquent essentiel de comprendre le rôle de chacun pour juguler la RAM et possiblement renverser sa propagation accélérée, qui constitue une menace pour la santé publique mondiale. Les décideurs et les communautés scientifiques ayant des priorités et des points de vue différents (santé humaine versus santé animale) doivent trouver un consensus relativement à l’UAM, notamment en ce qui concerne les risques et les avantages (Bell, 2001). Pour que cela soit possible, il importe de recueillir des données cohérentes, pertinentes et précises sur l’UAM dans tous les secteurs concernés au moyen d’un accroissement de la surveillance, de la gestion et de l’échange d’information à l’échelle internationale. L’ensemble plus complet de données qui en résultera entraînera par la suite une augmentation des capacités de recherche sur les interventions à entreprendre pour lutter de manière durable et sécuritaire contre la RAM.
Bien que le coût estimé de la lutte contre les RAM à l’échelle internationale puisse s’élever à 40 milliards de dollars américains sur 10 ans, ne pas agir coûtera encore plus cher. Selon les estimations actuelles, 700 000 personnes meurent chaque jour de causes attribuables à la RAM. À partir d’un scénario supposant l’acquisition d’une résistance par six pathogènes, il est estimé qu’en l’absence d’intervention, le nombre de décès pourrait atteindre 10 millions par années d’ici 2050, ce qui entraînerait un coût cumulatif à l’échelle mondiale en perte de production économique se chiffrant à 100 billions de dollars américains. Et il ne s’agit là que d’une estimation prudente des coûts, car l’inaction pourrait également mener à une augmentation du risque de mortalité associé aux interventions médicales qui rendent les patients vulnérables aux infections, comme les traitements contre le cancer, les transplantations d’organes et les chirurgies effractives. La croissance continue de la RAM sapera la viabilité de nombreuses interventions médicales et provoquera ainsi une transformation désastreuse des systèmes de soins de santé (O’Neill, 2016).
Utilisation des antimicrobiens chez les humains
Il est sans conteste que la surutilisation d’antimicrobiens chez les humains est l’une des causes de la propagation de la RAM. De fait, aux États-Unis, la moitié des 23 millions de kilogrammes d’antibiotiques distribués annuellement sont utilisés chez les humains, tandis que le reste sert à des fins agricoles (Levy, 2002). Au Canada, environ 21 % des 1,4 million de kilogrammes d’antimicrobiens distribués ou vendus en 2013 ont été utilisés chez les humains (ASPC, 2015).
L’UAM dans le secteur de la santé humaine est généralement analysée selon deux domaines principaux : 1) l’UAM en milieu extra-hospitalier ou en milieu communautaire et 2) l’UAM chez les malades hospitalisés ou traités à l’urgence.4
Si l’on examine le premier domaine, soit l’utilisation en milieu extra-hospitalier ou communautaire, on peut constater qu’au Canada, à l’instar d’autres pays développés, le taux de prescription d’antimicrobiens en milieu extra-hospitalier ou communautaire est élevé (ECDC, 2015; Conly et Johnston, 2000). Bien que des données récentes indiquent l’amorce d’une diminution, les chiffres relatifs aux ordonnances exécutées par les pharmacies communautaires au Canada montrent que 70 % des antimicrobiens utilisés en 2013 au pays pour la santé humaine ont été prescrits pour utilisation en milieu extra-hospitalier ou communautaire (ASPC, 2015). Les recherches effectuées à l’extérieur du Canada présentent des résultats similaires. Certaines indiquent même que de 85 à 90 % de l’ensemble des antimicrobiens prescrits sont destinés à des patients en consultation externe en milieu communautaire. Une constatation commune à toutes les études, y compris celles menées au Canada, est que 50 % des antimicrobiens délivrés en milieu extra-hospitalier ou communautaire sont jugés inappropriés ou inutiles (Owens, 2008; Fishman, 2006; Lautenbach, 2003; Simpson et al., 2007; Conly et Johnson, 2000; Holmes et al., 2015).
Bien qu’un taux de 50 % soit considéré élevé par les chercheurs qui tentent d’établir un lien entre la RAM et l’utilisation des antimicrobiens pour la santé humaine, aucun n’affirme cependant que les personnes ayant besoin d’antimicrobiens devraient se voir refuser une ordonnance par crainte de la RAM. Les recherches en appellent plutôt à une meilleure compréhension de ce taux d’utilisation jugée inappropriée ou inutile, à savoir principalement quels sont les diagnostics pour lesquels des antimicrobiens sont prescrits et pour quelles raisons les médecins les prescrivent. Une étude canadienne a montré qu’en milieu communautaire 51 % des antimicrobiens sont prescrits pour traiter des patients souffrant d’une infection des voies respiratoires supérieures, d’un rhume simple ou d’une infection virale, trois maladies pour lesquelles les antimicrobiens sont inefficaces et leur prescription par conséquent inappropriée (Conly et Johnson, 2000; Wang et al., 1999). En 2013, les médecins en milieu communautaire du Canada ont recommandé la prise d’antimicrobiens dans 8 % de tous les diagnostics qu’ils ont posés, principalement pour le traitement de pneumonies, de bronchites aiguës et de sinusites aiguës. Or, la bronchite aiguë et la sinusite aiguë sont généralement des infections d’origine virale qui ne peuvent être soignées efficacement au moyen d’antimicrobiens (ASPC, 2015). Cette étude met ainsi en évidence la possibilité de pratiques inappropriées et excessives de prescription en milieu communautaire au Canada. Cependant, l’explication de cette situation et le changement des habitudes de prescription sont une tâche beaucoup plus ardue. Par exemple, comme les médecins ne disposent pas d’analyses hors laboratoire rapides leur permettant de déterminer les microorganismes présents et la sensibilité médicamenteuse, très souvent les ordonnances qu’ils délivrent sont fondées sur des données empiriques fournies par le patient et l’évaluation physique.
Malgré les difficultés pour cerner les raisons précises expliquant cette situation, la recherche démontre qu’il y a présence de pratiques inappropriées et excessives de prescription en milieu communautaire et plusieurs études préconisent une diminution des prescriptions d’antimicrobiens dans ce contexte afin de freiner la RAM (Priest et al., 2001; van Weel et Grunsven, 1999; Lindbaek et Hjortdahl, 1998; Huovinen et Cars, 1998). Ces études laissent entendre que la prise de mesures ciblant les pratiques de prescription et l’UAM en milieu communautaire constituerait le point de départ le plus à même de donner les meilleurs résultats, puisqu’il s’agit du contexte où l’UAM chez les humains est la plus élevée (Hansen et al., 2015; Holmes et al., 2015).
Par contre, le lien entre l’UAM et la RAM en santé humaine est beaucoup plus complexe que le donne à penser la seule question de pratiques excessives ou inappropriées de prescription, c’est pourquoi une même compréhension uniforme de la RAM ne saurait être utilisée dans des contextes variés (Holmes et al., 2015). Les politiques et les démarches adoptées doivent en effet tenir compte des facteurs divers et concomitants qui influencent RAM, et il importe de créer des politiques intégrées à la fois pour les milieux communautaires et les milieux hospitaliers (Holmes et al., 2015).
En examinant plus étroitement le second domaine de l’UAM en médecine humaine, soit chez les malades hospitalisés ou traités à l’urgence, les données relatives aux ordonnances exécutées par les pharmacies indiquent que les achats d’antimicrobiens dans les hôpitaux représentent 30 % de l’ensemble des antimicrobiens utilisés en médecine humaine au Canada, selon le nombre de doses thérapeutiques quotidiennes (DTQ) par 1000 habitants-jours (ASPC, 2015). Bien que l’UAM globale soit plus faible dans les hôpitaux que dans les milieux communautaires (30 % contre 70 %), les prescriptions inutiles en milieu hospitalier sont plus élevées. La raison exacte d’un pourcentage plus élevé de prescriptions inutiles dans les hôpitaux et les salles d’urgence est méconnue, mais l’acuité des symptômes et les contraintes de temps pour prescrire un traitement, en particulier en salle d’urgence, ainsi que les ordonnances de médicaments prophylactiques pour les chirurgies effractives et la chimiothérapie y sont certainement pour quelque chose (Owens, 2008; Fishman, 2006; Lautenbach, 2003; Simpson et al., 2007; Conly et Johnson, 2000; Holmes et al., 2015).
Les infections nosocomiales sont des infections contractées par des patients en milieu hospitalier tandis qu’ils reçoivent des soins pour un tout autre problème de santé. L’OMS estime que 7 % de tous les patients admis à l’hôpital dans un pays industrialisé contracteront une infection nosocomiale. Cette statistique grimpe à un sur trois pour les patients admis au service des soins intensifs (O’Neill, 2016; OMS, 2011). Tout comme dans les milieux communautaires, l’apparition de microorganismes résistants en milieu hospitalier est intrinsèquement liée à une utilisation excessive et inappropriée des antimicrobiens et favorise l’éclosion de certaines infections nosocomiales (O’Neill, 2015; CARA, s.d.). Les études laissent entendre que le taux de RAM et la transmission des microorganismes chez les patients hospitalisés sont directement influencés par les pratiques de prévention et de lutte contre les infections (PLI) dans les établissements et que la prévention des infections nosocomiales peut être un moyen efficace de diminuer l’UAM, et par le fait même de réduire la RAM, qui est en constante progression (Bell, 2001). Les infections nosocomiales et les infections associées aux soins sont souvent causées par des microorganismes résistants et sont traitées de manière empirique avec des antimicrobiens à large spectre. D’après les études portant sur la RAM dans les milieux hospitaliers et les salles d’urgence, la résistance peut être mieux contrôlée par la mise en œuvre de politiques plus efficaces en matière d’UAM et de prescription, tandis que le taux de RAM et la transmission des microorganismes peuvent être réduits grâce à une amélioration de la prévention et de la lutte contre les infections en milieu hospitalier (Owens, 2008).
Bien qu’il existe des facteurs plus complexes qui influent sur la RAM dans les deux domaines de la santé humaine susmentionnés, la très grande majorité des spécialistes s’entendent pour dire qu’une utilisation excessive et inappropriée des antimicrobiens est la principale cause de l’augmentation de la RAM en santé humaine. Ainsi, dans la mesure où tous les antimicrobiens importants sur le plan médical au Canada nécessitent une ordonnance, les médecins prescripteurs, que ce soit en milieu communautaire ou dans les hôpitaux et les salles d’urgence, représentent selon les chercheurs un des plus importants facteurs de l’accroissement de la RAM (Avant, 2005; Livermore, 2005).
Diverses études ont examiné les habitudes de prescription et selon les conclusions de la plupart d’entre elles, il serait difficile et complexe d’établir un lien direct entre les pratiques de prescription et la RAM. Les recherches ont révélé que les pratiques de prescription sont influencées par divers facteurs, et non seulement les habitudes personnelles des médecins. Les facteurs ayant une corrélation directe avec des pratiques de prescription d’antimicrobiens excessives ou inappropriées comprennent l’expérience médicale, le nombre d’années de pratique ainsi que le manque de connaissances au sujet de la RAM. En d’autres mots, un médecin qui bénéficie d’une expérience médicale plus importante, qui possède plus d’années de pratique et qui connaît peu la question de la RAM est plus susceptible de prescrire des antimicrobiens. Des études indiquent que l’attitude des médecins, notamment l’ignorance concernant la RAM, la complaisance et la peur, est généralement associée à la prescription inutile d’antimicrobiens. Le dernier de ces éléments, la peur, présente deux volets principaux : la crainte d’une dégradation de l’état du patient si rien n’est entrepris et la crainte que le patient quitte le cabinet du médecin s’il ne reçoit pas ce que le médecin perçoit être son souhait. Cette dernière situation relève également de la complaisance du médecin, dans la mesure où il a été démontré que certains prescrivent des antibiotiques uniquement pour répondre à ce qu’ils perçoivent être les attentes de leurs patients. Des études indiquent que les médecins estiment que les patients ont des attentes en matière de prescription d’antibiotiques et que le refus de délivrer de telles ordonnances pourrait entraîner leur mécontentement (Hansen, 2015). L’incertitude quant au diagnostic et le désir de trouver une solution rapide ont également été cités comme de facteurs favorisant l’utilisation et la prescription inappropriées d’antimicrobiens (Teixeira Rodrigues et al., 2013).
Quoiqu’il soit irréfutable que la prescription excessive d’antimicrobiens augmente le risque de RAM, les données ne permettent pas d’indiquer clairement si une baisse du nombre des ordonnances entraînerait dans les faits une diminution de la RAM (Priest et al., 2001). Des recherches ont démontré l’existence d’un lien entre des changements apportés aux habitudes de prescription et une réduction du taux de RAM, mais les résultats obtenus étaient modestes (Simpson, 2007; Seppala et al., 1997; Wise, 2004; Holmes et al., 2015). En somme, la corrélation entre une diminution de l’utilisation et une diminution de la résistance demeure complexe, des études ayant produit des résultats positifs à ce propos alors que d’autres non. Certains suggèrent que cette complexité est attribuable au fait que le combat contre la RAM donne généralement lieu à des interventions multiples qui, étant menées en parallèle, rendent difficile la détermination exacte de ce qui a contribué ou non à la réduction de la résistance (Fishman, 2006).
Alors que certaines recherches laissent supposer qu’un changement dans les pratiques de prescription aura des répercussions considérables sur la RAM (Wise, 2004), d’autres rejettent cette idée et affirment que sans l’établissement d’une corrélation claire entre une diminution de la RAM et une diminution de l’UAM, la meilleure option pour lutter contre la RAM consiste à réduire l’apparition de nouvelles souches résistantes. On conviendra que ces deux approches sont également valables et nécessaires pour lutter contre la RAM. Toutefois, une meilleure compréhension de la corrélation entre la diminution de la résistance et la diminution de l’utilisation est aussi requise pour l’élaboration d’interventions efficaces (Holmes et al., 2015).
Au-delà du médecin prescripteur, les habitudes en matière d’UAM de certains patients contribuent également à la RAM selon l’avis de plusieurs. Aussi difficiles à mesurer que les pratiques de prescription, les habitudes en matière d’UAM des patients comprennent notamment la pratique consistant à ne pas terminer le cycle complet d’un traitement d’antibiotiques obtenu de son fournisseur de soins et à conserver les doses restantes en vue d’une automédication ultérieure (Simpson et al., 2007; Hart et al., 2006; Hansen et al., 2015; Muras et al., 2013).
Les connaissances et l’éducation des patients relativement aux antimicrobiens sont également considérées comme un facteur d’augmentation de la RAM, des études laissant entendre que jusqu’à un patient sur trois croit que les antibiotiques sont efficaces contre le rhume simple et la grippe (Hansen, 2015). Une enquête menée auprès de consommateurs canadiens en 2006 a révélé que 53 % des répondants croyaient que les antibiotiques jouent un rôle dans le traitement des infections virales et près de la moitié qu’ils seraient utiles pour lutter contre une pandémie de grippe. Fait intéressant, 63 % des personnes interrogées pensaient pouvoir éviter l’éclosion d’une infection résistante grâce à une utilisation judicieuse des antimicrobiens, ignorant que la RAM est liée à la bactérie elle-même, et non pas à la personne qui utilise les médicaments (CARA, s.d.). Ces constatations laissent supposer qu’un accroissement de la sensibilisation et de l’éducation du public concernant l’UAM et la RAM est nécessaire et que le rôle joué par le marketing pour stimuler la demande par les patients devrait faire l’objet d’un examen (Ardal et al., 2015; Holmes et al., 2015).
L’UAM en santé humaine est sans contredit une réalité complexe. Elle est présente dans différents milieux, elle est rattachée à divers comportements personnels et contextuels et elle constitue un aspect de la santé publique qui est à la fois difficile à mesurer et à contrôler. Cela dit, il est important de signaler que l’UAM en milieu communautaire et dans les hôpitaux a connu une baisse au Canada depuis 2001 (ASPC, 2015). Il demeure néanmoins nécessaire que toute intervention de lutte contre la RAM dans le secteur de la santé humaine comporte un changement de paradigme comprenant la compréhension qu’ont les prescripteurs, les patients et la société de l’UAM et de la RAM. La désolante réalité voulant que les médecins estiment qu’il est généralement plus rapide de rédiger une ordonnance que d’expliquer les raisons pour lesquelles la prise d’antimicrobiens est inutile doit également changer (Freidman, 2008). Il est en outre important de signaler la mise en garde suivante, formulée par de nombreux spécialistes faisant de la recherche sur la RAM dans le secteur de la santé humaine : bien qu’il soit évidemment essentiel de combattre la RAM dans le domaine de la santé humaine et dans les divers milieux de soins de santé, ces efforts, de même que les gains qu’ils ont permis de réaliser, pourraient être sérieusement compromis si rien n’est fait pour réduire l’utilisation prolifique et constante des antimicrobiens en santé animale et en agriculture (Ardal et al., 2015). Cela dit, des efforts déployés au Canada ont eu des effets positifs, quoique modestes, sur l’UAM et la RAM. Ceux-ci comprennent la distribution de trousses d’outils liés aux antimicrobiens à tous les médecins et vétérinaires, la création d’un site Web pour suivre les activités en cours liées à la RAM et le lancement de programmes visant à promouvoir des pratiques de prescription judicieuses (Conly et Johnston, 2000).
Utilisation des antimicrobiens chez les animaux
L’utilisation abondante d’antimicrobiens fait partie intégrante des pratiques de nombreux secteurs distincts de l’agriculture (secteurs de l’aquaculture ainsi que de la production bovine, laitière, porcine ou avicole, entre autres), où elle sert à accroître la production et à favoriser le bien-être des animaux en stimulant la croissance animale et en diminuant les taux de maladies et de mortalité, dans l’ultime but de produire à faible coût de grandes quantités de nourriture destinée à l’alimentation humaine (Page et al., 2012). On sait depuis longtemps que l’UAM chez les animaux d’élevage est associée à l’éclosion de RAM. Il se publie dans la littérature scientifique des examens de l’UAM et des mises en garde concernant les conséquences possibles de la RAM depuis des décennies, tels que le rapport Swann, commandé par le gouvernement du Royaume-Uni et publié en 1969 (Soulsby, 2007), et plusieurs études de grande envergure qui au cours des 20 dernières années ont aussi préconisé une amélioration de l’UAM chez les animaux, y compris une interdiction du recours aux antimicrobiens pour stimuler la croissance animale (Barza et al., 2002; DeVincent et al., 2006; O’Neill 2016).
Les données indiquant que l’UAM chez les animaux d’élevage contribue de manière importante à la résistance des pathogènes microbiens qui s’attaquent aux humains et aux animaux continuent de s’accumuler à mesure que s’effectuent de nouvelles études épidémiologiques. Il ressort également de ces études que la mondialisation du commerce des produits alimentaires peut compliquer l’établissement d’un lien direct entre l’UAM dans l’élevage de bétail et l’apparition d’infections ayant une RAM chez les humains, dans la mesure où une personne peut tomber malade après avoir consommé un seul repas contenant des produits animaliers provenant de partout sur la planète, ce qui rend alors la source de l’infection difficile à retracer (Mather et al., 2012).
En outre, de nouvelles méthodes d’analyse génétique ont permis de mener des investigations approfondies pour découvrir la source initiale des gènes de résistance (Larsen et al., 2015; Price et al., 2012; Robinson et al. 2015). Par exemple, des analyses génétiques ont démontré qu’une nouvelle souche de Staphylococcus aureus résistante à la méthicilline (SARM) éclose chez les animaux d’élevage provenait d’une souche d’origine humaine du Staphylococcus aureus sensible à la méthicilline. Cette nouvelle souche de SARM qui était au début présente uniquement chez les animaux d’élevage (CC398) a par la suite été observée dans des infections chez l’humain, tout d’abord principalement chez des personnes en contact étroit avec du bétail en Europe, en Asie et en Amérique du Nord, y compris chez des éleveurs de porcs canadiens (Khanna et al., 2008; Price et al., 2012). Plus récemment, des cas de transmission entre humains ont été attestés, notamment au Danemark, où même des personnes ne côtoyant pas d’animaux d’élevage ont été infectés (Robinson et al., 2015). Au Canada, l’UAM dans la production alimentaire a aussi des répercussions sur la santé humaine : par exemple, l’abandon partiel volontaire de l’UAM au sein de l’industrie des poulets à griller a entraîné une réduction importante des cas d’infections à Salmonella enterica résistantes aux antimicrobiens (Dutil et al., 2010).
Il a été démontré que l’éclosion de RAM chez les animaux d’élevage a des incidences sur la santé humaine par l’entremise des mécanismes suivants : 1) la contamination de la viande, du lait et des œufs; 2) le contact direct avec les animaux; 3) la contamination de l’environnement et la pollution de l’eau provoquées par l’épandage de fumier pour fertiliser les champs; 4) la constitution d’un « réservoir » de gènes de résistance. Les études laissent entendre que les gènes de résistance peuvent intégrer le microbiote normal des animaux et ensuite contaminer l’environnement ou être transmis à l’humain, dans lequel cas ils peuvent s’incorporer à la flore intestinale. Chez les animaux comme chez l’humain, lorsque des gènes de résistance ont été incorporés au microbiote naturel, ils deviennent alors une source de RAM qui possiblement peut être transmise aux pathogènes quand survient une infection (Page et al., 2012).
Il est difficile de déterminer la proportion des RAM qui découlent du recours aux antimicrobiens chez les animaux sans une connaissance claire de l’UAM dans les secteurs précis de l’élevage de bétail. La recherche et les données manquent sur l’UAM en agriculture, tout comme il y a un manque de données sur l’UAM chez les humains dans différents secteurs. L’UAM est de surcroît intrinsèquement plus complexe chez les animaux que chez les humains en raison des différences qui existent entre les méthodes de gestion de chaque industrie de l’élevage et entre les façons de traiter les animaux au moyen d’antimicrobiens.
L’UAM varie entre les différentes industries de l’élevage pour les raisons suivantes : 1) les méthodes d’élevage sont distinctes (productions intensives sans champ et où les animaux sont concentrés en un seul endroit versus productions en plein air sur un grand espace); 2) des agents antimicrobiens précis sont approuvés pour chaque espèce et des populations particulières d’une même espèce (par exemple, les antibiotiques dont l’usage est approuvé pour une vache laitière mature en lactation ne sont pas les mêmes que pour un jeune bœuf en parc d’engraissement); 3) il y a d’une espèce et d’un médicament à l’autre de la variation dans les délais d’attente entre la fin du traitement et le moment où l’animal peut être abattu pour la consommation humaine; 4) il y a des règles particulières quant à la façon dont les antimicrobiens peuvent être administrés (dans la nourriture ou dans l’eau versus par injection intramusculaire ou sous la peau). Ces règles et les règlements connexes varient d’un pays à l’autre et généralement entre les différentes régions d’un même pays (CNSBEAE, 2016; Page et al., 2012).
En outre, les animaux sont fréquemment traités en troupeaux ou en cheptels plutôt qu’individuellement, ce qui constitue le mode de traitement habituel chez les humains, et des facteurs comme le coût de traitement et la facilité d’administration jouent un rôle beaucoup plus déterminant dans le choix de l’antibactérien à utiliser dans le domaine de la santé animale que dans celui de la santé humaine (Page et al., 2012). Le large éventail des espèces servant à la production alimentaire, qu’il s’agisse du porc, de la volaille, des ruminants comme le bœuf et le mouton, des poissons élevés en aquaculture ou des abeilles, contribue également à complexifier la compréhension de ce qui représente un UAM approprié. La voie d’administration et la dose efficace ne peuvent pas toujours être aisément déterminées à partir du mode d’emploi sur l’étiquette dans la mesure où chaque espèce métabolise les médicaments de façon différente et où la dose absorbée peut être difficile à contrôler (par exemple, la quantité d’antimicrobien administré par la nourriture ou l’eau variera d’une bête à l’autre en fonction de la quantité de nourriture ou d’eau absorbée par chacune) (CNSBEAE, 2016).
Les efforts réglementaires déployés par le Canada ciblent l’UAM et la stimulation de la croissance animale. Ils exigent le retrait des allégations sur les étiquettes des médicaments concernant la stimulation de la croissance animale ainsi qu’un accroissement du rôle de la surveillance vétérinaire dans l’administration d’antimicrobiens aux animaux par la nourriture. Cette nouvelle réglementation est censée entrer en vigueur à compter décembre 2017.
Santé Canada propose de modifier le Règlement sur les aliments et drogues de manière à fournir une liste des médicaments admissibles ou non à l’importation pour usage personnel (Santé Canada 2016).
Généralement, on utilise les antibiotiques dans l’élevage de bétail pour trois raisons principales : stimuler la croissance animale, prévenir les maladies au sein d’un troupeau ou d’un cheptel, traiter les animaux atteints d’une infection bactérienne. De ces trois raisons, le recours aux antibiotiques pour stimuler la croissance animale est la forme d’UAM la plus courante en termes de poids, mais également et de loin la plus controversée, puisqu’elle n’apporte aucun avantage sur le plan de la santé et du bien-être des animaux et que, dans les faits, il a été démontré qu’elle accélère la RAM. Or, la demande de protéine animale ne cesse d’augmenter, en particulier dans les pays qui connaissent une croissance économique rapide, et de plus en plus d’éleveurs se tournent vers l’élevage intensif, qui généralement nécessite l’utilisation d’antimicrobiens afin de compenser des conditions d’assainissement déficientes et d’optimiser la production. Ainsi, selon une estimation prudente, la consommation mondiale d’antibiotiques dans l’élevage de bétail augmentera des deux tiers entre 2010 et 2030, c’est-à-dire qu’elle passera de 63 200 tonnes à 105 600 tonnes (Robinson et al., 2015).
La majorité de la littérature scientifique traitant de l’UAM et de la RAM chez les animaux préconise une interdiction du recours aux antimicrobiens pour stimuler la croissance animale et une limitation de leur utilisation pour la prophylaxie des maladies à l’échelle du troupeau ou du cheptel. En effet, un examen récent (O’Neill, 2016) de la littérature sur la RAM mené par le gouvernement du Royaume-Uni a relevé que, parmi un total de 280 articles universitaires évalués par les pairs (143 sans contribution de l’industrie) recensés, 100 préconisaient une limitation de l’UAM en agriculture, seulement 7 étaient contre une telle limitation et 36 étaient neutres sur cette question. On dénote par ailleurs une crainte que des intérêts financiers à court terme poussent certains groupes de l’industrie agricole à faire valoir le point de vue selon lequel il n’existe pas de preuve concluante démontrant que l’UAM en agriculture pose une menace pour la santé humaine (Hollis et al., 2013).
Lorsqu’elle est nécessaire, l’utilisation continue d’antimicrobiens pour traiter des maladies particulières est reconnue comme un moyen valable de garantir le bien-être animal et d’éviter les pertes économiques. Il est cependant essentiel que les vétérinaires adoptent des pratiques de prescription responsables et que les producteurs de bétail respectent les traitements et les protocoles de traitements prescrits. De la même façon que pour l’UAM chez l’humain, les données précises sur les ordonnances d’antimicrobiens prescrites par les vétérinaires et l’UAM par les éleveurs sont insuffisantes. Comme il a été mentionné ci-dessus, l’UAM chez les animaux, même lorsqu’il est question d’un traitement individuel ciblé, présente une complexité supplémentaire en raison de la difficulté de déterminer la dose exacte administrée (des études ont démontré que les éleveurs sont peu précis dans l’évaluation du poids corporel d’une bête à partir de son apparence visuelle) et des problèmes dans l’administration uniforme du médicament en fonction de la durée appropriée de l’effet d’une dose (il est difficile de forcer les animaux réfractaires à absorber la dose requise).
Il est largement reconnu qu’une surveillance vétérinaire est importante lors de l’administration d’antimicrobiens à des animaux. Toutefois, au Canada, des antimicrobiens importants sur le plan médical utilisés chez l’humain et les animaux sont souvent accessibles aux producteurs de bétail sans ordonnance d’un vétérinaire. Les politiques actuelles du Canada concernant l’UAM chez les animaux destinés à l’alimentation sont jugées inférieures aux normes internationales, puisqu’aucune supervision vétérinaire n’est requise (sauf au Québec) pour l’utilisation d’antibiotiques dans la nourriture ou l’eau des animaux et qu’aucune restriction n’est prévue quant à la catégorie d’antimicrobiens pouvant être ajoutée à la nourriture ou à l’eau des animaux. Les producteurs canadiens sont de plus toujours autorisés à importer des quantités non déterminées d’antimicrobiens en vue d’un usage chez les animaux d’élevage destinés à la consommation humaine. Ces antimicrobiens sont importés sans qu’une approbation vétérinaire ou réglementaire soit requise en vertu des dispositions concernant l’importation pour usage personnel (IUP) et les ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA). En outre, les pharmaciens et les vétérinaires qui font usage d’IPA ou en font l’IUP sont exemptés de l’exigence d’avoir un permis d’établissement approuvé par Santé Canada (CNSBEAE, 2016).
Les efforts réglementaires déployés par le Canada ciblent l’UAM et la stimulation de la croissance animale. Ils exigent le retrait des allégations sur les étiquettes des médicaments concernant la stimulation de la croissance animale ainsi qu’un accroissement du rôle de la surveillance vétérinaire dans l’administration d’antimicrobiens aux animaux par la nourriture. Cette nouvelle réglementation est censée entrer en vigueur à compter décembre 2017.
Utilisation de médicaments en dérogation des directives de l’étiquette au Canada
Au Canada, parce que les populations de bétail sont relativement petites, il est peu rentable pour les sociétés pharmaceutiques de répéter les essais d’innocuité nécessaires pour l’enregistrement des revendications thérapeutiques touchant les diverses espèces, les doses, les maladies traitées, les voies d’administration approuvées ou les périodes d’attente lorsque ces essais ont déjà été effectués et approuvés dans un autre pays (par exemple, aux États-Unis). Par exemple, l’industrie de l’élevage de chèvres est si petite au Canada comparativement à d’autres pays que très peu d’antimicrobiens mentionnent cet animal sur leur étiquette, même si l’utilisation de ces médicaments chez les chèvres a été approuvée dans d’autres pays. Les vétérinaires canadiens se sont donc vu accorder le droit de faire un usage de médicaments en dérogation des directives de l’étiquette afin de compenser l’étendue restreinte des médicaments et de doses approuvés pour le traitement des maladies de différentes espèces.
Le Canada a été critiqué pour ne pas avoir élaboré une stratégie interdisciplinaire nationale en matière d’UAM et de lutte contre la RAM, y compris des programmes complets et intégrés de surveillance de l’UAM et de la RAM. De tels programmes ont déjà été mis en place avec succès dans de nombreux pays de l’Union européenne, notamment au Danemark, en France et aux Pays-Bas, entre autres. La lente réaction du Canada à l’égard de l’UAM et de la lutte contre la RAM est compliquée par le mode de gouvernance qu’impose la fédération canadienne ainsi que par la complexité des cadres réglementaires qui en découlent. Par exemple, l’approbation et la vente des antimicrobiens sont réglementées par le gouvernement fédéral, tandis que l’UAM par les médecins et les autres prescripteurs, les vétérinaires, les pharmaciens et les producteurs est quant à elle réglementée par les provinces et les territoires. La prescription et la délivrance d’antimicrobiens sont considérées comme deux activités distinctes, bien que de nombreuses cliniques vétérinaires canadiennes prescrivent et délivrent (vendent) simultanément des antimicrobiens. Les critiques soutiennent que cette situation crée une possibilité de conflit d’intérêts dans la mesure où les producteurs peuvent se sentir obligés d’acheter des médicaments et où la vente de médicaments peut représenter une part importante des recettes de la clinique et ainsi inciter les vétérinaires à prescrire des antimicrobiens même lorsque ce n’est pas nécessaire. Bien que soient actuellement en place au Canada plusieurs systèmes et programmes fédéraux de surveillance des maladies faisant la collecte de données, y compris sur l’UAM et la RAM, aucun de ces systèmes et programmes n’a initialement été conçu expressément pour surveiller l’UAM et la RAM. Par conséquent, les données ne sont pas intégrées et il est difficile d’en faire des comparaisons afin d’obtenir un portrait clair de l’influence de l’UAM et de la RAM chez les animaux et l’humain au Canada.
Il existe peu de données sur l’UAM par les éleveurs de bétail qui se procurent et utilisent des antimicrobiens importants sur le plan médical sans ordonnance d’un vétérinaire, même s’il est largement reconnu que de veiller à choisir l’antimicrobien adéquat pour une maladie précise et à utiliser la dose, la voie d’administration ainsi que la fréquence et la durée de traitement appropriées constitue une tâche complexe nécessitant des compétences très spécialisées. En outre, pour obtenir l’efficacité optimale d’un antimicrobien, toutes les pathologies sous-jacentes doivent également être décelées par un vétérinaire et faire l’objet d’un traitement. Les vétérinaires canadiens disposent en plus de diverses ressources (ACMV, 2008) pour orienter le processus décisionnel quant au protocole de traitement approprié, y compris la nécessité de choisir la catégorie d’antimicrobiens ayant le moins d’importance sur le plan de la santé humaine chaque fois qu’il est possible de le faire. Ces ressources sont essentielles lorsqu’un vétérinaire prescrit l’utilisation d’un médicament en dérogation des directives de l’étiquette (souvent appelée « utilisation non indiquée sur l’étiquette »), qui dans certaines situations est souvent la chose appropriée à faire.
Les vétérinaires ont la responsabilité de s’assurer de l’efficacité du traitement, de son innocuité pour l’animal et de la sécurité des aliments. Cependant, parce que de nombreux antimicrobiens sont accessibles sans ordonnance aux éleveurs de bétail, chaque fois que ces derniers font un usage non indiqué sur l’étiquette d’un antimicrobien, ils commettent un acte illégal représentant un risque pour la sécurité animale, l’innocuité alimentaire et la santé publique.
Le manque de surveillance de l’UAM et de la RAM au sein des différentes industries de l’élevage de bétail ainsi que le manque de données sur l’UAM parmi les vétérinaires, les pharmaciens et les éleveurs de bétail au Canada rend difficile la détermination ou la quantification du rôle de l’un ou l’autre des secteurs agricoles dans l’éclosion des RAM chez les animaux destinés à l’alimentation.
L’obtention d’un agent antimicrobien auprès d’un vétérinaire nécessite au préalable l’établissement avec celui-ci d’une relation vétérinaire-client-patient (RVCP) afin qu’il puisse déterminer le besoin médical et prescrire ou délivrer un antimicrobien. Définie par les Lignes directrices sur l’utilisation judicieuse des antimicrobiens de l’Association canadienne des médecins vétérinaires (ACMV) de 2008, la RVCP comprend une référence à l’animal ou aux animaux patients concernés et une bonne connaissance de l’état pathologique traité, une surveillance de la progression du traitement, la possibilité d’un traitement de soins de suivi s’il y a lieu et une bonne connaissance de l’exploitation dont font partie l’animal ou les animaux patients traités. La RVCP est toutefois encadrée par la réglementation provinciale et il n’y a pas de données précises sur les pratiques réelles en matière de prescription. Un autre facteur qui complique la situation est le fait que de nombreuses cliniques vétérinaires vendent des antimicrobiens, ce qui peut créer une incitation financière à la vente, même si le vétérinaire ne s’est pas récemment rendu sur le lieu de l’exploitation concernée ou à la clinique pour conseiller le personnel. De plus, les programmes de fidélisation offerts par les sociétés pharmaceutiques peuvent possiblement être perçus comme créant une situation de conflit d’intérêts susceptible d’influencer le choix des traitements. Les sociétés pharmaceutiques ont également la possibilité de faire de la publicité dans les magazines et les journaux ciblant les producteurs, ce qui éventuellement peut inciter les éleveurs de bétail à exiger certaines marques de médicaments ou créer de la confusion en leur laissant croire qu’un antimicrobien donné est « meilleur » qu’un autre. La transparence est requise de la part à la fois des vétérinaires et des sociétés pharmaceutiques pour s’assurer que la catégorie d’antimicrobiens choisie est toujours la plus efficace pour traiter la maladie en cause et qu’elle est de la plus faible importance possible pour la médecine humaine.
Bien qu’il soit établi que les antimicrobiens sont nécessaires pour gérer les maladies des animaux, pour protéger leur bien-être et pour garantir leur sécurité alimentaire, il est de plus en plus admis que l’UAM chez les animaux doit être limitée et qu’elle ne devrait pas servir à compenser des conditions d’élevage inadéquates, comme la surpopulation d’un parc d’élevage et une ventilation insuffisante. Imposer des restrictions à l’UAM chez les animaux, en particulier dans les cas où elle n’apporte aucun bienfait sur la santé des animaux traités, est généralement reconnu comme une première mesure importante et efficace à adopter pour réduire l’UAM et prévenir l’éclosion de nouvelles RAM.
Limitation de l’UAM connue et recommandations quant aux mesures à prendre
Des données et des recherches appuient la supposition selon laquelle une diminution de l’UAM pourrait contribuer à réduire la RAM. Cependant, il n’y a pas de données de surveillance de qualité permettant de quantifier la diminution de l’UAM qui serait nécessaire pour obtenir une réduction de la RAM (Wise, 2004; Friedman, 2008). Bien qu’il existe beaucoup de données fragmentaires sur l’UAM et la RAM et que celles-ci soient utilisées pour lutter contre ce qui est connu, nous ne disposons d’aucune vue d’ensemble de la situation concernant la RAM (ASPC, 2015). Le manque de données détaillées de surveillance en matière d’UAM et de RAM, non seulement au Canada, mais dans le monde entier, constitue le principal obstacle à la lutte contre la RAM. Qui plus est, ce manque de données alimente le débat actuel quant à savoir sur quel secteur (celui de la santé humaine ou celui de la santé animale et de l’élevage de bétail) il faudrait rejeter la responsabilité de l’éclosion de nouvelles souches résistantes et de l’accélération de la RAM, ce qui ralentit la prise de mesures appropriées dans chacun des secteurs. Sans égard à l’éclairage que pourraient fournir des données détaillées, ce que l’on sait (et ce qui a été précédemment exposé dans le présent article), c’est que les deux secteurs ont un rôle à jouer en ce qui a trait à l’UAM et à la RAM, et que des interventions coordonnées et à volets multiples sont requises pour faire face au problème de manière adéquate.
Pour obtenir un portrait d’ensemble de l’UAM et de la RAM, il est essentiel que se mette en place immédiatement une coordination internationale pour la surveillance de l’UAM et de la RAM. Il faut que se déploie un effort mondial et coordonné de surveillance permettant de faire le suivi et l’analyse des données dans trois domaines : 1) la consommation d’antimicrobiens par les animaux et l’humain afin de mieux comprendre l’UAM; 2) le taux d’éclosion de résistances pour différents médicaments destinés aux humains et aux animaux; 3) les données moléculaires, afin de comprendre comment se développe l’éclosion d’une résistance. Afin de tenir compte de manière adéquate des divers facteurs contribuant à la RAM, cet effort mondial de surveillance doit reposer sur l’approche « Une santé ». Également, les différents pays doivent accroître l’efficacité de leurs politiques en matière d’échange de données afin d’améliorer la coopération internationale. Il est vrai que l’OMS pilote une portion de ce travail au moyen du Système mondial de surveillance de la résistance aux antimicrobiens (GLASS) et que l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) effectue un suivi d’une partie de l’UAM chez les animaux, mais d’importantes lacunes demeurent. Ces lacunes sont partiellement attribuables à une connaissance insuffisante des capacités de surveillance et en matière de laboratoires des divers pays ainsi que de leur niveau d’infrastructure sanitaire, de même qu’à une absence de vision claire de la façon dont une multitude de systèmes pourraient ensemble contribuer à la réalisation d’une intervention mondiale coordonnée. Non seulement il est difficile d’évaluer le coût que pourrait représenter une telle initiative, mais également, comme pour la plupart des enjeux auxquels nous devons faire face en cette époque de mondialisation toujours grandissante, il n’y a pas de fonds suffisants disponibles pour soutenir un projet de surveillance d’une telle ampleur (O’Neill, 2016).
Une initiative de surveillance reposant sur l’approche « Une santé » est l’idéal souhaité, mais d’autres initiatives de plus petite échelle peuvent immédiatement être mises en œuvre pour que s’amorce la lutte contre la RAM. Différentes façons de réduire la demande du public et des éleveurs de bétail en matière d’antimicrobiens ont été établies, comme la tenue de campagnes de sensibilisation du public à la question de l’UAM et de la RAM, une augmentation de la vaccination et un accroissement du recours à des solutions de rechange et à d’autres moyens non pharmaceutiques de prévenir les maladies. À la fois dans le domaine de la santé humaine et celui de la santé animale, une amélioration des essais de diagnostic rapides hors laboratoire contribuerait à réduire les prescriptions inutiles d’antimicrobiens et à augmenter la précision des prescriptions lorsqu’elles sont nécessaires, et pourrait ainsi contribuer à diminuer l’UAM. Dans le domaine de la santé animale en particulier, réduire l’utilisation non nécessaire des antimicrobiens chez les animaux destinés à l’alimentation, notamment en prohibant l’UAM pour stimuler la croissance animale et en mettant en œuvre des restrictions ou des interdictions concernant l’utilisation des antimicrobiens importants sur le plan médical, constitue une mesure immédiate qui pourrait donner des résultats considérables et être adoptée par de nombreux pays. Bien que ces initiatives de petite échelle puissent toutes jusqu’à un certain point être appliquée à partir de l’information actuellement disponible, l’accès à de meilleures données grâce à une surveillance accrue contribuerait à accroître leur efficacité à long terme et rendrait possible une évaluation continue des interventions afin d’être en mesure de choisir les plus efficaces.
Il n’a pas été possible dans le cadre du présent article de faire un examen complet des circonstances entourant la mise au point de nouveaux antimicrobiens, mais il est désormais manifeste que cette option ne peut plus constituer la principale solution au problème de la RAM. La découverte de nouveaux antimicrobiens exige non seulement de relever plusieurs défis scientifiques, mais les fonds en recherche et développement (R. et D.) nécessaires pour y arriver sont également pratiquement inexistants. Les raisons de cette situation sont difficiles à discerner, mais l’opinion générale sur la question est que les grandes sociétés pharmaceutiques n’investissent dans la R. et D. d’antimicrobiens parce que ce type d’activité requiert des fonds trop élevés pour un rendement incertain. Les essais cliniques sont coûteux et les ventes initiales de médicaments nouveaux sont habituellement basses, car dans certains cas les médicaments génériques fonctionnent toujours. Ainsi, cette combinaison entre coûts élevés et faibles ventes a eu pour effet de repousser les grandes sociétés pharmaceutiques (O’Neill, 2016).
Au-delà des divers défis associés à la mise au point de nouveaux antimicrobiens, Dennis Maki a soulevé pendant l’assemblée de 1998 de l’Infectious Disease Society of America un argument de taille en affirmant ce qui suit : [traduction] « mettre au point de nouveaux antibiotiques sans se doter de mécanismes permettant de s’assurer qu’ils sont utilisés de manière appropriée, c’est comme fournir à ses patients alcooliques un brandy de meilleure qualité » (Fishman, 2006).
D’autres ont indiqué que le fait de seulement favoriser la R. et D. de nouveaux antimicrobiens sans prévoir de mécanismes garantissant un usage adéquat de ceux-ci revient à simplement « changer le mal de place » (Bell, 2001). Cette expression décrit comment la pression sélective ne fera que se déplacer vers une résistance aux antimicrobiens nouvellement mis au point, sans résolution du problème de l’utilisation inadéquate. Bien entendu, de nouveaux antimicrobiens sont nécessaires et des incitatifs visant à stimuler la R. et D. dans ce domaine devraient être mis en place, mais il ne s’agit pas d’une solution à l’augmentation toujours constante de la RAM à l’échelle mondiale.
Conclusion
Il est aisé à comprendre pourquoi les antimicrobiens sont souvent qualifiés de « médicaments sociétaux » (Levy 1998, 2002; Owens 2008), puisque leur usage ou mésusage dans divers secteurs a des conséquences sociales qui dépassent l’individu ou le secteur qui les utilise. Il ne fait aucun doute que pour maintenir l’efficacité des antimicrobiens existants, nous devons en premier lieu réduire la demande de ceux-ci dans tous les secteurs, ce qui aura pour effet de diminuer l’UAM. Une surveillance internationale accrue des antimicrobiens utilisés ainsi que des lieux où ils le sont et de la manière dont ils le sont permettra d’orienter la prise de mesures pour réduire l’UAM et le choix des interventions les plus efficaces pour lutter contre la RAM.
Sans conteste, la grande majorité des écrits scientifiques sur l’UAM et la RAM sont en faveur d’une limitation de la vaste quantité d’antimicrobiens utilisée en agriculture, plus particulièrement en ce qui a trait à la stimulation de la croissance animale et à la prévention systématique des maladies sans qu’il y ait de risque précis à cet égard (O’Neill, 2016), et ce, malgré l’opposition de certains groupes de l’industrie agricole faisant valoir que les données sur la cause de la RAM ne sont pas concluantes (Hollis et al., 2013). Bien qu’il soit vrai que les données présentent des lacunes, il demeure qu’une réduction des quantités considérables d’antimicrobiens utilisées dans des contextes où ils n’apportent aucun bienfait pour la santé semble être le point de départ le plus sensé.
La sensibilisation du public à la menace que pose la RAM s’accroît également, en particulier relativement à l’agriculture intensive dans les « fermes-usines » et à l’utilisation des antimicrobiens pour stimuler la croissance animale afin d’augmenter la production alimentaire à faible coût. Tout comme les nombreux débats et la résistance qui pendant plusieurs décennies ont retardé la prise de mesures pour lutter contre les changements climatiques, malgré de solides preuves scientifiques, le discours actuel sur la RAM présente aussi les signes d’un risque d’inaction. Les fortes pressions politiques exercées dans le but de discréditer les données concernant la RAM et l’usage constant d’antimicrobiens pour accroître la production à faible coût de protéine animale destinée à la consommation humaine pourraient avoir des conséquences dévastatrices à l’échelle mondiale. En plus de la sensibilisation du public à la RAM et à son lien avec l’agriculture intensive, un leadership fort et des politiques claires seront nécessaires pour veiller à ce que la sécurité publique et la santé humaine soient les priorités absolues de toute initiative mise en œuvre.
Il ne fait aucun doute que les enjeux liés à l’UAM et à la RAM présentent plusieurs facettes et sont complexes pour les différents secteurs. Chacun des secteurs nécessite des mesures et des politiques qui lui sont propres afin de contribuer à lutter contre sa part de la RAM. En outre, il est manifeste que des priorités et des intérêts concurrents devront être pris en considération au moment de proposer des voies à suivre, notamment ceux des communautés de la santé animale et de la santé humaine, des communautés scientifiques et de la recherche ainsi que des gouvernements, des décideurs, des entreprises et du grand public. Tous ces intérêts devront être fédérés autour d’un consensus et d’une vue commune relativement aux risques et aux avantages associés à l’UAM (O’Brien, 2002).
Puisque les pathogènes résistants ne connaissent pas les frontières géographiques, ces intérêts devront être satisfaits à l’échelle mondiale au moyen d’une intervention intelligente, coordonnée internationalement. Bien qu’une telle coordination puisse sembler être une tâche impossible, le caractère inévitable de la mondialisation actuelle la rend absolument nécessaire pour que puissent être atténués les effets potentiellement dévastateurs d’un retour à l’ère pré-antibiotiques.
NOTES DE FIN
1. Les antimicrobiens importants sur le plan médical correspondent aux agents ou aux médicaments antimicrobiens qui ont un usage thérapeutique important en santé humaine.
2. Les éleveurs de bétail peuvent importer des antimicrobiens pour leur usage personnel sur la ferme ou en vue de les mélanger à une préparation en vertu, respectivement, de la disposition sur l’importation pour usage personnel (IUP) et de la disposition sur les ingrédients pharmaceutiques actifs (IPA). Ces importations ne sont pas assujetties à une approbation réglementaire et ne font l’objet d’aucun suivi ou surveillance. Elles ne sont par conséquent pas prises en compte dans les statistiques sur l’UAM.
3. Dans le présent article, lorsqu’il est question de l’UAM en agriculture, il est fait référence à la santé animale relativement à l’élevage de bétail, sauf quand il y a indication du contraire.
4. Dans ce document, les termes « utilisation en milieu extra-hospitalier » ou « utilisation en milieu communautaire » font référence à la prescription ou à l’usage d’antimicrobiens à l’extérieur des hôpitaux ou des salles d’urgence, notamment dans les cliniques privées, les centres de santé publique ou les pharmacies.
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