Qu’est-ce que le dépistage rapide?
Le dépistage rapide du VIH fournit des résultats en aussi peu de temps que 20 minutes grâce à une méthode de piqûre de doigt. Les épreuves de dépistage rapide approuvées produisent des résultats valides ayant un degré de sensibilité élevé et sont aussi sensibles et spécifiques que les méthodes classiques (épreuves immunoenzymatiques [EIA]) (1;2) (annexe A). Les résultats positifs aux épreuves de dépistage rapide exigent une épreuve de confirmation et sont considérés comme uniquement « préliminaires » (2;3). La confirmation est effectuée habituellement à l’aide d’un transfert Western standard. Dans la plupart des protocoles de dépistage rapide, les résultats négatifs aux épreuves ne nécessitent pas d’autre confirmation. (4). Deux des quatre épreuves de dépistage rapide approuvées aux États-Unis. (5;6) peuvent être utilisées au point de soins (PDS) par un personnel formé à traiter des échantillons de sang obtenus par piqûre de doigt ou des échantillons de liquide buccal (salive) (2). Ces épreuves peuvent être administrées et interprétées par des individus non formés en laboratoire qui ont suivi une séance d’apprentissage de deux heures. Dans des pays du monde entier, des techniques d’épreuve de dépistage rapide du VIH ont été approuvées pour utilisation aux PDS.
Y a-t-il des épreuves de dépistage rapide qui sont disponibles au Canada?
Santé Canada a approuvé la première épreuve de dépistage rapide au PDS en 2005, et jusqu’à présent, une seule épreuve a été approuvée. L’épreuve de dépistage rapide d’anticorps INSTI HIV-1 Rapid Antibody (INSTI) de BioLyticalTM est approuvée pour les épreuves administrées au PDS par le fournisseur sur des échantillons de sang obtenus par piqûre de doigt. (7;8). Cette épreuve fournit des résultats en 60 secondes et le processus complet nécessite 20 minutes incluant le counselling précédant et suivant l’épreuve. Les lieux où l’on procède à des épreuves de dépistage rapide se multiplient partout au Canada. Le ministre de la Santé de l’Ontario, George Smitherman, a annoncé récemment que sa province ajoutera 24 nouveaux points de dépistage rapide du VIH, principalement dans le Nord et les régions rurales de l’Ontario, ce qui portera leur nombre total à 50 (9).
Les épreuves de dépistage rapide et les autotests sont-ils pareils?
Les épreuves de dépistage rapide peuvent être associées par erreur aux autotests et considérées comme étant disponibles dans une présentation semblable aux tests de grossesse en vente libre. Selon Santé Canada, aucune trousse de dépistage du VIH n’est approuvée pour la vente en vue d’une utilisation à domicile (10). Aux É.-U., l’épreuve approuvée Home Access Express HIV-1 Test est disponible en tant que « trousse de prélèvement d’échantillons à domicile », qu’une personne utilise pour prélever un échantillon de sang et l’envoyer par la poste au laboratoire. Les résultats et le counselling sont fournis par téléphone. Par comparaison, une « trousse d’épreuve complète à domicile » permettrait de procéder à l’épreuve complète à la maison, sans l’intervention d’un tiers, et les résultats seraient obtenus à la maison. Les épreuves complètes à domicile ne sont pas approuvées aux É.-U.
Pour beaucoup de gens, les épreuves de dépistage à domicile sont attirantes en raison de leur caractère anonyme et de leur commodité (6). Cependant, l’absence de counselling personnel, la possibilité de faux résultats positifs ou négatifs, la nécessité de confirmer les résultats positifs, les questions de confidentialité (telles que la visibilité que comporte l’achat d’une épreuve en magasin ou le fait de fournir ses noms et adresse aux entreprises qui traitent les épreuves par la poste) ainsi que la coercition que peuvent exercer les partenaires sexuels, les employeurs ou le gouvernement constituent les principales préoccupations qui s’y rattachent.
Quels sont les avantages des épreuves de dépistage rapide?
En date de 2003, près de 90 % du nombre estimatif de 38 millions de personnes qui vivent avec le VIH dans le monde ne savent pas qu’elles sont infectées (6). En Amérique du Nord, on estime que 25 à 30 % des personnes infectées par le VIH n’ont pas été diagnostiquées (11). Les programmes de dépistage rapide offrent la possibilité d’atteindre plus de gens dont l’état d’infection au VIH est inconnu et qui pourront bénéficier d’un counselling et de réduire la probabilité de transmission; ils offrent aussi la possibilité de bénéficier de soins ainsi que de nombreuses années de vie productive et en santé.
Les techniques de dépistage rapide peuvent également mener à un accroissement du taux de recours au dépistage. Des taux supérieurs de recours au dépistage obtenus grâce aux méthodes de dépistage rapide par comparaison aux méthodes classiques ont été signalés dans : a) des points de soins de santé publique où l’on procède à des épreuves à la fois par un dépistage nominal volontaire et par un dépistage anonyme (2;12-14); b) des unités sanitaires mobiles, lieux d’échange d’aiguilles et bains publics (14;15); c) des points de soins de courte durée tels que les salles d’accouchement (16), les hôpitaux et services d’urgence (17;18), et d) un lieu de travail au Zimbabwe (19). Lorsqu’on a utilisé une épreuve rapide dans une unité mobile de dépistage du VIH au Zimbabwe, 98,8 % des participants ont choisi de recevoir les résultats de l’épreuve le même jour (15). Beaucoup d’entre eux n’avaient pas cherché à subir un dépistage du VIH auparavant, en raison du lieu où les épreuves étaient administrées (20 %) et du caractère peu pratique des heures d’ouverture du point de dépistage (25 %).
Un autre avantage majeur des épreuves de dépistage rapide est la réduction possible de la transmission du virus entre une mère et son enfant durant l’accouchement. Il peut s’agir de la dernière occasion d’offrir le dépistage du VIH, et lorsque cela est indiqué, d’intervenir pour diminuer la transmission périnatale (16;20). Le dépistage rapide à la fois des victimes et de la source dans les cas d’exposition professionnelle et les urgences dues aux agressions sexuelles facilite les décisions quant à l’application d’une prophylaxie post-exposition (2).
Les épreuves de dépistage rapide peuvent également être utilisées pour les dons d’organes et dans les lieux géographiquement éloignés où l’accès aux installations de dépistage est difficile en raison de leur isolement. Elles présentent des avantages dans le Nord et dans les collectivités éloignées du Canada.
Certaines trousses de dépistage rapide peuvent être utilisées dans des lieux où il n’y a pas de réfrigération, ni électricité, ni eau, ni transport vers les laboratoires (6). Ainsi, elles peuvent servir dans les services d’approche des gens de la rue, les cliniques mobiles et les bains publics (6;13;21;22). Les services d’urgence (SU) sont souvent les seuls PDS accessibles à un sous-ensemble d’individus à risque. Il se peut que le dépistage rapide soit faisable et rentable dans les SU, ainsi que dans de nombreux autres endroits, car il réduit les comportements à risque et la transmission du VIH (17;23;24).
Plusieurs groupes de recherche ont trouvé que la probabilité que les individus séronégatifs pour le VIH reçoivent leurs résultats est beaucoup plus grande dans le cas du dépistage rapide que dans le cas du dépistage classique (13;14;24;25). Les raisons de ce taux de réception accru des résultats dans le cas du dépistage rapide sont que l’obtention des résultats prend moins de temps (entre 20 minutes et trois heures), que la nécessité d’une seconde visite est réduite, que le stress causé chez les gens qui obtiennent finalement un résultat négatif est diminué et que les prélèvements de salive ou de sang par piqûre de doigt sont plus faciles par comparaison aux prises de sang classique (2;14;22;24).
Le taux d’acceptation de l’épreuve de dépistage rapide signalé dans un certain nombre d’études a varié de modéré à élevé. Ce taux a été élevé chez les personnes soumises aux épreuves de dépistage nominales volontaires et anonymes, en particulier chez les femmes enceintes (83 % à 97 %) (13;16;20;21;24-26). De plus, presque la totalité (~90 %) des sages-femmes et des fournisseurs de services ont convenu que le dépistage rapide avait sa place dans les salles d’accouchement (13;26). Dans deux études au cours desquelles on a offert aux participants diverses méthodes de dépistage, 27 % ont choisi le dépistage rapide, 20 % ont choisi les autotests à domicile, 18 % à 64 % ont choisi l’épreuve par prélèvement de liquide buccal, 17 % ont choisi l’épreuve par prélèvement d’urine; toutefois, 17 % ont préféré le dépistage EIA à partir d’un prélèvement sanguin (14;21). La Les programmes de dépistage rapide offrent la possibilité d’atteindre plus de gens dont l’état d’infection au VIH est inconnu et qui pourront bénéficier d’un counselling et de réduire la probabilité de transmission; ils offrent aussi la possibilité de bénéficier de soins ainsi que de nombreuses années de vie productive et en santé. préférence individuelle pour les épreuves de dépistage rapide a varié selon les antécédents ethniques et socio-économiques (20;21).
Quelles préoccupations les épreuves de dépistage rapide suscitent-elles?
L’une des principales limites des études portant sur les épreuves de dépistage rapide est qu’elles supposent que plus de gens recevront effectivement leurs résultats s’ils sont positifs (27). Selon les procédures de dépistage rapide, dans la plupart des pays développés, les personnes ayant subi l’épreuve sont informées des résultats positifs préliminaires, mais elles sont tenues de subir une seconde épreuve pour obtenir la confirmation des résultats par un essai de transfert Western. Aux É.-U., les Centers for Disease Control ont trouvé que 31 % des patients trouvés séropositifs pour le VIH à l’aide d’une épreuve de dépistage rapide ne sont pas retournés pour recevoir les résultats de l’épreuve de confirmation (3). Les raisons de ne pas retourner comprennent la peur et le stigma ainsi que les modes de vie chaotiques de certaines personnes (24;28). Parmi les stratégies utilisées pour accroître la réception des résultats en cas d’épreuves positives, il y avait : a) la prestation de services de counselling et d’aide sociale aux patients avant qu’ils quittent les lieux du dépistage (18), b) une offre d’incitation financière à retourner (17) ou c) un appel téléphonique ou une visite de suivi de la part d’une infirmière de la santé publique. (28). Dans une étude qui offrait une incitation financière, on a rapporté une augmentation (de 8 % à 23 %) chez les patients des SU qui avaient reçu du counselling et chez ceux qui avaient subi l’épreuve pour le VIH ailleurs que dans un lieu de dépistage (17).
Le counselling offert sur les lieux de dépistage rapide est légèrement différent et exige que les clients comprennent : a) la signification du résultat préliminaire de l’épreuve; b) que les résultats préliminaires seront fournis durant la même séance; c) qu’une deuxième visite pour l’obtention des résultats de confirmation en cas d’épreuve positive est nécessaire (6). La longue attente requise pour l’épreuve de confirmation peut entraîner une détresse psychologique indue. Des études ont montré qu’il est essentiel que les personnes dont les résultats à l’épreuve sont positifs jouissent d’une possibilité majeure de discuter de leurs résultats avec des conseillers (13;25).
Il faut également faire preuve de considération lorsqu’on procède à une épreuve de dépistage en situation d’urgence, notamment dans une salle d’accouchement ou suite à une exposition professionnelle ou à une agression sexuelle. Dans ce contexte, les personnes touchées peuvent être sous contraintes et avoir de la difficulté à intégrer l’information dont elles ont besoin pour prendre une décision éclairée (6). Dans le cas des femmes enceintes, Pai et ses collègues ont suggéré de tenir une courte séance de counselling, durant laquelle on utilise des moyens visuels pour expliquer les interventions qui seront faites durant l’accouchement, suivie d’une séance plus longue après l’accouchement (20). Dans les points de dépistage rapide, une formation accrue est requise pour le personnel afin de réduire au minimum le stress non intentionnel chez le patient.
Dans les lieux où la prévalence des infections au VIH est faible, soit moins de 0,10 %, malgré l’excellente spécificité des épreuves de dépistage rapide du virus, le nombre d’épreuves positives sera approximativement égal ou même supérieure au nombre de personnes réellement infectées par le VIH. Ce facteur doit être compris par les utilisateurs de l’épreuve et inclus dans le counselling.
Actuellement, il n’existe pas d’épreuve de confirmation rapide de l’infection au VIH approuvée au Canada; les délais normaux dus aux laboratoires sont donc inévitables (3). Pai et ses collègues (20), dans leur méta-analyse relative aux femmes enceintes ayant subi une épreuve de dépistage rapide, ont recommandé d’utiliser deux épreuves de détection rapide durant l’accouchement afin d’améliorer l’exactitude du diagnostic et de réduire le nombre de faux résultats positifs.
Finalement, il n’est pas toujours possible d’offrir un counselling approprié pour permettre aux client(e)s de prendre une décision éclairée durant un accouchement et dans les situations d’urgence. Les méthodes de dépistage à domicile nécessitent des contrôles suffisants pour faire en sorte que les personnes qui procèdent à l’épreuve reçoivent un soutien et du counselling ainsi que des soins et un traitement subséquents.
Que peut-on conclure au sujet des épreuves de dépistage rapide?
L’argument selon lequel le dépistage rapide dans les PDS augmentera significativement le nombre de personnes qui subissent un dépistage et qui reçoivent ensuite les résultats des épreuves de confirmation accompagnés de soins et de counselling subséquents exige de réaliser d’autres études au Canada et dans d’autres pays où l’incidence du VIH est faible. Les personnes diagnostiquées positives peuvent ne pas retourner pour obtenir les résultats de confirmation obtenus par essai de transfert Western. Si une seconde épreuve de dépistage rapide était acceptée comme confirmation, elle pourrait accroître la proportion des personnes qui reçoivent leurs résultats positifs, mais cela n’est peut- être pas possible dans les sociétés où le transfert Western a toujours été considéré essentiel pour un diagnostic concluant. Toutefois, la plupart des gens dont les résultats à l’épreuve sont négatifs préfèrent habituellement l’épreuve de dépistage rapide, parce qu’elle exige moins de temps, élimine la nécessité d’une visite de confirmation, suscite moins de stress et est moins invasive.
Les épreuves de dépistage rapide sont en train de devenir un élément important de la stratégie visant à garantir que la plupart des personnes à risque de contracter le VIH savent si elles sont infectées ou non et sont informées au sujet des soins et des méthodes de prévention de la transmission du virus. Elles contribuent de façon majeure à éliminer les obstacles que posent les épreuves de dépistage. D’autres études opérationnelles préciseront leur rôle final dans le contrôle de l’épidémie d’infections au VIH.
Liste de références
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