Résumé et analyse du recensement 2020-2021
INTRODUCTION
Ce document présente un résumé et une analyse de haut niveau des données qualitatives recueillies auprès des administrations canadiennes en 2020 et 2021 sur : 1) les critères utilisés pour déterminer les personnes qui sont considérées à risque élevé d’hépatite A et 2) l’admissibilité aux programmes d’immunisation contre l’hépatite A financés par l’État dans les dix provinces et les trois territoires du Canada. Les définitions utilisées par d’autres pays et organisations internationales sont également inclues. Les données complètes tirées du Recensement des groupes à risque élevé d’hépatite A au Canada et dans d’autres pays 2020-2021 sont disponibles sur le site Web du Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses (www.ccnmi.ca).
Immunisation
Processus par lequel une personne devient immunisée contre une maladie par la vaccination. Ce terme est souvent utilisé de manière interchangeable avec vaccination ou inoculation.
Source : https://www.cdc.gov/vaccines/vac-gen/imz-basics.htm (en anglais seulement)
Financé par l’État
Au Canada, les services de santé publics sont financés à partir de recettes générales provenant des impôts prélevés par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, comme l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés, les taxes de vente, les retenues à la source et d’autres recettes. Il n’y a aucun coût direct pour le particulier qui reçoit un service ou un produit financé par l’État.
HISTORIQUE ET CONTEXTE
L’hépatite A au Canada
L’hépatite A est une infection du foie causée par le virus de l’hépatite A (VHA), un virus à ARN non développé et classé comme un picornavirus (1). Le VHA s’attaque aux cellules hépatiques, ce qui entraîne une inflammation et peut perturber le fonctionnement normal du foie. Les signes et les symptômes les plus fréquents sont la perte d’appétit, la fièvre, la fatigue, des troubles gastriques, des vomissements, la diarrhée, une urine foncée, des selles claires, des douleurs articulaires et une apparence jaunâtre de la peau et des yeux (la jaunisse) (1). Le virus est présent dans les matières fécales et le sang des personnes infectées, et est très contagieux (1). La transmission du virus est possible lors de contacts étroits ou par l’ingestion de substances contaminées, comme des aliments ou des boissons (1). Le risque de contracter l’hépatite A s’accroît avec le manque d’eau potable et des conditions d’hygiènes inadéquates (1).
Au Canada, l’hépatite A est considérée comme une infection rarement diagnostiquée. Le taux d’incidence annuel y est de faible à moyen comparativement aux pays en développement, en raison des bonnes pratiques en matière d’assainissement de l’eau et d’une plus grande accessibilité à l’eau traitée (2). Contrairement à l’hépatite B ou C, l’hépatite A est une infection aiguë qui dure habituellement de quelques semaines à quelques mois, entraînant rarement une maladie chronique (1). La gravité de la maladie augmente avec l’âge (1). Il n’y a pas de traitement recommandé contre l’hépatite A à moins que la maladie n’évolue vers l’insuffisance hépatique (1). Au Canada, on présume que l’hépatite A est sous-déclarée puisqu’en général, les personnes atteintes se rétablissent rapidement et ne présentent pas de symptômes (infection subclinique). Selon l’Agence de la santé publique du Canada, le nombre réel de cas pourrait être jusqu’à sept fois plus élevé que celui indiqué dans les rapports (3).
Immunisation contre l’hépatite A au Canada
Le Canada dispose de nombreux vaccins homologués contre l’hépatite A. Tous les vaccins ne sont pas disponibles dans chaque province et territoire, et ce ne sont pas tous les vaccins disponibles qui sont financés par l’État. Le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) agit à titre d’organisme consultatif en matière d’utilisation des vaccins au pays et émet ses recommandations (4). Cependant, les gouvernements provinciaux et territoriaux sont décisionnaires quant à leurs programmes d’immunisation financés par l’État (5). Au Canada, les calendriers de vaccination provinciaux et territoriaux ne comprennent pas la vaccination systématique contre l’hépatite A, sauf au Québec (6). En revanche, la plupart des administrations financent la vaccination contre l’hépatite A pour les groupes désignés comme étant à risque élevé. Chaque gouvernement détermine la notion de « risque élevé » en fonction de sa population et des tendances et modèles épidémiologiques, en utilisant des critères élaborés en collaboration avec des organismes consultatifs, des services de santé et des autorités publiques.
Programme québécois d’immunisation contre l’hépatite A
Depuis le 1er juin 2019, le calendrier de vaccination du Québec prévoit une dose du vaccin contre l’hépatite A et l’hépatite B à l’âge de 18 mois. Le vaccin contre l’hépatite A et B est également offert en 4e année du primaire depuis 2013. Le programme de vaccination scolaire se poursuivra jusqu’à ce que les enfants nés avant le 1er juin 2019 aient atteint l’âge de la 4e année du primaire.
Source : https://www.quebec.ca/sante/conseils-et-prevention/vaccination/vaccin-hepatite-a
Notion de risque élevé
Selon Nexeo et al. (7) il n’existe pas de définition du concept du risque acceptée de tous, mais en général, « risque élevé » fait référence à une probabilité accrue d’un danger ou à une plus grande vulnérabilité, comparativement à la moyenne, face à un danger. L’expression « risque élevé » est utilisée dans un sens épidémiologique pour définir une population dont les actions (comportements) ou les conditions de vie – en tant que groupe – créent une probabilité disproportionnée d’être exposée à un danger ou à une vulnérabilité aux répercussions indésirables, comparativement à la population générale. Une personne peut également être considérée comme à « risque élevé » au sens clinique en raison de son comportement ou des conditions dans lesquelles elle vit.
Les caractéristiques personnelles et de groupe sont souvent confondues, et la notion de « risque élevé » devient une manière abrégée de décrire tous les individus d’une sous-population donnée. Dans un commentaire formulé en 2007, Nexoe et al. a indiqué par exemple que les critiques ont soulevé, entre autres, des préoccupations quant au fait que « la détermination des risques et l’intervention créent une anxiété sans fondement, que le concept du risque est inutile au niveau du patient, que le concept du risque des patients diffère du concept épidémiologique (…) » (7). Par exemple, le fait d’avoir une caractéristique à risque élevé « ne sous-entend pas que le patient est actuellement malade, mais (…) peut développer la maladie plus tôt que d’autres » (7). De même, Yotebient et al. N=4654.66otent que « la recherche théorique et méthodologique sur les pratiques à risque définit souvent le risque comme un choix individuel. Bien que le risque existe au niveau personnel, il est déterminé par des aspirations qui sont liées aux autres et à la société (…). La recherche en santé publique sur les comportements à risque consiste souvent à déterminer les “groupes à risque” statistiquement significatifs, sans tenir compte de ces conditions sociétales » (8). Par exemple, être à risque de contracter le VIH peut à la fois découler de l’environnement (p. ex. si la personne vit dans une communauté où l’incidence sous-jacente du VIH est élevée) et de facteurs individuels (p. ex. si elle a un partenaire séropositif non traité) (9). Il en est de même pour l’hépatite A.
Puisqu’auparavant, on réduisait chaque personne à des catégories biomédicales, une nouvelle terminologie a vu le jour : Les « hommes gais » sont devenus des « hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes » afin de mettre l’accent sur l’activité sexuelle plutôt que sur l’orientation. De même, l’expression « personnes qui utilisent des drogues injectables » remplace dorénavant « utilisateurs de drogues injectables », et ainsi de suite. Cependant, certains auteurs ont indiqué que ces catégories renommées peuvent perpétuer la stigmatisation, en particulier lorsqu’elles sont utilisées pour désigner un groupe plutôt qu’une personne (10). Bien qu’il y ait certainement une utilité à tenir compte du « risque », cette mesure doit être fondée sur une théorie solide et des données empiriques (7). [1]
[1] On trouvera une discussion plus approfondie de la façon dont le risque et la résilience ont été et sont conceptualisés dans les domaines liés à la santé dans Panter-Brick C. Santé, risque et résilience : Concepts et applications interdisciplinaires. Revue annuelle d’anthropologie. 21 octobre 2014;43:431-448.
Groupes considérés à risque élevé d’hépatite A au Canada
Toute personne qui n’a pas été infectée par l’hépatite A ni vaccinée contre ce virus est à risque d’infection (2). Les personnes considérées à risque élevé ont une probabilité accrue d’être infectées par le virus ou de subir des conséquences graves, comparativement au reste de la population (11). Les voyages à l’extérieur du Canada (en particulier dans les régions où l’hépatite A est endémique), certains comportements, diverses professions, certains problèmes de santé et traitements médicaux, ainsi que des facteurs environnementaux augmentent le risque d’une infection à l’hépatite A (11). Les voyages dans certaines régions d’Afrique, d’Asie et d’Amérique centrale et du Sud augmentent le risque d’infection en raison de leur situation défavorable sur les plans de l’assainissement et de l’hygiène, et à cause de la présence de sources d’eau et de nourriture contaminées (11).
Certaines pratiques et comportements sexuels qui incluent un contact fécal-oral augmentent aussi le risque de contracter et de transmettre le virus (3). Les personnes qui consomment des substances illicites courent un plus grand risque d’infection à l’hépatite A en raison de l’exposition potentielle à des aiguilles contaminées ou à tout autre attirail d’injection (12). Les personnes exerçant une profession qui comporte la possibilité d’une exposition au virus, comme les professionnels du traitement des eaux usées, les manipulateurs d’aliments, les travailleurs de la santé et le personnel militaire, courent un plus grand risque d’être infectées par l’hépatite A (3). Des problèmes de santé et des traitements médicaux particuliers peuvent également augmenter le risque d’infection à l’hépatite A, notamment la transfusion sanguine, l’hémophilie, le VIH, l’hépatite B, l’hépatite C, les maladies hépatiques chroniques et une greffe de foie à venir ou récente (1). Certains problèmes de santé préexistants peuvent augmenter le risque d’exposition au virus et accroître les complications potentielles si la fonction hépatique est déjà compromise. Les mauvaises conditions de vie et l’instabilité économique qui mènent à des environnements insalubres peuvent également augmenter le risque d’infection à l’hépatite A (12).
De nombreux facteurs augmentent le risque de transmission de l’hépatite A, et les définitions de « risque élevé » diffèrent selon les provinces et les territoires, et à l’échelle internationale. Les sites gouvernementaux ne fournissent généralement pas de description complète de la manière dont on évalue le risque de transmission de l’hépatite A, mais les décisions sont basées sur des recommandations gouvernementales, internationales et propres aux organisations, sur le financement et sur des facteurs géographiques.
Collecte de données aux fins du recensement
Le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses (CCNMI) a reçu une demande pour un recensement des connaissances de la façon dont les groupes à risque élevé d’hépatite A sont définis et déterminer si la vaccination contre l’hépatite A est financée par l’État. Les données ont été recueillies en 2020 et 2021 auprès des provinces et des territoires canadiens, d’autres pays et d’organisations internationales de la santé. Les sources étaient accessibles au public et comprenaient des sites Web fédéraux, provinciaux et territoriaux sur la santé, des calendriers de vaccination, des manuels de vaccination et des monographies de vaccins spécifiques. Toutes les constatations ont systématiquement été consignées sur une feuille de calcul exhaustive pour en faciliter la comparaison.
Le document qui a alors été produit, Recensement des groupes à risque élevé d’hépatite A au Canada et dans d’autres pays [insérer le lien], décrit les critères de risque élevé et les politiques d’immunisation contre l’hépatite A au Canada et à l’étranger. Toutes les sources ayant permis d’identifier les groupes à risque élevé sont citées dans leur intégralité à l’époque où elles ont été consultées.
ANALYSE
L’annexe A, la feuille de calcul contenant les données du document Recensement des groupes à risque élevé d’hépatite A au Canada et dans d’autres pays 2020-2021, contient des descriptions, des tableaux de bord et des liens vers des ressources et des lois et politiques clés par province, territoire, pays et organisation. Ces éléments définissent les groupes à risque élevé et les programmes de vaccination contre l’hépatite A.
Plusieurs observations importantes peuvent être faites en comparant les politiques provinciales, territoriales et internationales, les programmes d’immunisation et les définitions liées à l’hépatite A.
Critères pour définir les groupes à risque élevé selon les gouvernements canadiens
La plupart des administrations s’entendent pour dire que certains groupes importants sont à risque élevé. Deux catégories de personnes ont été considérées comme telles parmi toutes les administrations. Il s’agit des suivantes :
- Les personnes ayant certains problèmes médicaux – principalement une maladie du foie et un trouble hémostatique;
- Les personnes qui adoptent certains comportements, en particulier les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HARSAH), qui consomment des drogues illicites et ont des comportements sexuels à risque élevé, comme plusieurs partenaires sexuels, des rapports sexuels non protégés, des contacts bucco-anaux et des rapports sexuels avec des personnes qui s’injectent des drogues (13).
Cependant, dans ces grandes catégories, il existe des variantes considérables. Par exemple, le Manitoba est la seule province à conférer le statut de risque élevé aux personnes atteintes d’insuffisance rénale chronique; cette particularité peut s’expliquer du fait que la province affiche le taux de prévalence le plus élevé d’insuffisance rénale en phase terminale au Canada (14).
Les consommateurs de drogues illicites et les HARSAH sont définis comme étant à risque élevé dans la majorité des provinces et territoires. Cependant, les pratiques sexuelles qui sont susceptibles d’accroître le risque chez les HARSAH ne le sont pas autant chez les personnes ayant d’autres types d’activités sexuelles (Manitoba, Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, Territoires du Nord-Ouest, Ontario et Île-du-Prince-Édouard) (voir l’encadré à la page 7). La Saskatchewan est la seule province qui ajoute les rapports sexuels avec des consommateurs de drogues comme étant une pratique sexuelle à risque élevé. Encore une fois, cela peut être lié au contexte provincial, la Saskatchewan ayant enregistré le plus haut taux d’hospitalisations liées à la consommation d’opioïdes au Canada en 2014-2015 (15). Il est de ce fait important de souligner que les différences dans les critères d’inclusion peuvent refléter des circonstances propres à la province ou au territoire.
Les deux catégories de problèmes de santé définis comme étant à risque élevé et certains comportements s’alignent avec les recommandations et les définitions du CCNI et des fabricants de vaccins. Dans la catégorie des problèmes médicaux, les troubles hémostatiques et les maladies du foie ont été classés à risque élevé tant au niveau fédéral que par tous les fabricants de vaccins, à l’exception de Merck (Vaqta®), qui n’a désigné aucun groupe à risque élevé. Les HARSAH et les personnes qui consomment des drogues illicites ont été reconnus comme étant à risque élevé par le gouvernement fédéral et par tous les fabricants de vaccins, à l’exception de Merck (Vaqta®) et de GSK (Twinrix®). Les gouvernements provinciaux et territoriaux ont tous suivi les recommandations du CCNI et des fabricants de vaccins (à l’exception de GSK [Twinrix®]) lorsqu’ils ont déterminé que les voyages effectués dans les pays ou les régions rurales où l’hépatite A est endémique sont jugés à risque élevé.
Les caractéristiques démographiques ont rarement été définies comme des critères à risque élevé. Par exemple, les populations d’immigrants sont considérées à risque élevé uniquement si elles proviennent de régions où l’hépatite A est endémique (Colombie-Britannique, Île-du-Prince-Édouard) ou si quelqu’un, comme un enfant adopté (pour l’Île-du-Prince-Édouard), côtoie un immigrant qui provient d’un lieu où l’hépatite A est endémique (Alberta, Colombie-Britannique, Ontario, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard, Yukon). L’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Ontario sont parmi les provinces ayant les plus hauts taux d’immigration, ce qui pourrait être un critère permettant de reconnaître une exposition au sein de cette population à risque élevé (16). Bien que la documentation étudiée souligne que la gravité et les complications de l’hépatite A augmentent avec l’âge des personnes touchées, seulement deux provinces (Alberta, Yukon) considèrent les personnes âgées à risque élevé. Les Autochtones n’ont été mentionnés que dans une seule province, la Colombie-Britannique (17,18).
Mettre fin à la stigmatisation des homosexuels, bisexuels et autres hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes
Depuis les années 1970, les taux d’incidence de l’hépatite A au Canada sont élevés chez les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HARSAH). Les HARSAH sont donc considérés comme une population à risque élevé, mais il convient de souligner que le critère a davantage à voir avec l’activité sexuelle individuelle, ainsi qu’avec les préjugés tenaces et l’homophobie. Le 28 avril 2022, Santé Canada et la Société canadienne du sang (SCS) ont annoncé que les HARSAH ne seraient plus exclus du don de sang afin de tenir davantage compte du risque individuel et d’aider à réduire la stigmatisation des HARSAH. La SCS a modifié les questions de vérification posées à tous les donneurs afin de se concentrer sur les comportements qui peuvent entraîner un risque de transmission ou d’infection à des virus comme l’hépatite A.
Les personnes qui côtoient quelqu’un d’infecté par le virus, vivent avec une personne infectée ou en prennent soin, ont consommé des aliments ou de l’eau contaminés à l’hépatite A ou travaillent dans un milieu où le virus est présent, sont admissibles à la vaccination partout au Canada. La vaccination à la suite de l’exposition au virus peut contribuer au contrôle des éclosions dans les régions à faible endémicité où l’immunité virale est minimale, comme les provinces et les territoires du Canada (19).
Il est possible que les personnes considérées comme à risque élevé profitent d’une protection accrue puisqu’elles peuvent obtenir des vaccins financés par l’État et bénéficier de programmes de vaccination ciblés. Bien que des catégories communes aient été relevées dans les diverses administrations et que différents groupes soient considérés à risque élevé, l’incohérence des critères rentre les provinces et les territoires canadiens rend difficiles l’accès équitable et la reconnaissance des personnes considérées comme étant à risque élevé.
Critères d’admissibilité à la vaccination financée par l’État dans les provinces et les territoires canadiens
Les problèmes médicaux et les facteurs liés au mode de vie sont les principaux critères d’admissibilité à la vaccination financée par l’État dans les provinces et les territoires du Canada. Les personnes atteintes d’une maladie du foie et d’un trouble hémostatique sont admissibles à la protection avant l’exposition dans la plupart des provinces et territoires en raison de la probabilité de répercussions plus importantes de la maladie chez ces personnes. Pour ce qui est des autres problèmes de santé, on observe moins de cohérence entre les administrations. Par exemple, la consommation de drogues illicites peut augmenter le risque d’autres maladies du foie pouvant aggraver le risque d’hépatite A. Les consommateurs de drogues illicites, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes ayant une maladie du foie ont des facteurs de risque communs (par exemple un risque plus élevé d’infection par VIH), ce qui peut encore exacerber le risque d’hépatite A. Pour ces raisons, les « personnes séropositives ou qui sont infectées par le VIH », en plus des personnes atteintes d’une maladie du foie, [celles qui] consomment des drogues illicites et les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes sont admissibles à la vaccination financée par l’État en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard et au Yukon. En revanche, les personnes infectées par le VIH ne sont pas considérées comme à risque élevé ni admissibles à la vaccination financée par l’État en Saskatchewan, bien que cette province affiche le taux de VIH le plus élevé au Canada (20).
Tous les gouvernements excluent les voyageurs vers les zones où l’hépatite A est endémique de leurs critères d’admissibilité à l’immunisation financée par l’État. Certaines catégories de professions sont également exclues des critères d’admissibilité à la vaccination financée par l’État dans les provinces et les territoires canadiens, à l’exception de l’Alberta. Cela s’explique possiblement par le fait que les voyages, le choix de la profession et les risques qui y sont associés sont en grande partie volontaires.
L’Île-du-Prince-Édouard est la seule province où les immigrants provenant des régions où l’hépatite A est endémique sont admissibles à une vaccination financée par l’État. L’Agence de la santé publique du Canada recommande la vaccination pour ce groupe, mais suggère également l’administration de tests sérologiques puisque les personnes nées dans ces régions sont plus susceptibles d’être immunisées (3).
Dans la plupart des administrations, les personnes qui ont des comportements sexuels à risque élevé ne bénéficient pas de la vaccination financée par l’État, probablement parce que leurs comportements sont considérés comme un risque qui pourrait être évité. Cependant, la sous-catégorie de gens ayant des rapports sexuels avec des personnes qui consomment des drogues confère l’admissibilité à un vaccin financé par l’État dans la plupart des provinces et territoires, car il y a chevauchement avec le critère des personnes qui consomment des drogues illicites. Cette mesure peut protéger une grande partie des personnes qui appartiennent à la catégorie de gens qui ont des pratiques sexuelles à risque élevé, mais il est important de ne pas confondre les pratiques sexuelles et l’utilisation de drogues injectables.
Parmi les provinces et territoires qui fournissent un programme de vaccination financé par l’État, très peu incluent le critère de contact confirmé, par exemple les personnes exposées à un cas d’hépatite A, qui ont consommé des aliments contaminés, les enfants de 12 mois exposés à l’hépatite A et ayant été identifiés dans les 14 jours suivant l’exposition et le contact familial d’une personne infectée. Le territoire du Nunavut est l’une des rares administrations qui offrent la vaccination financée par l’État pour les contacts familiaux de l’hépatite A.
Aucune province ni aucun territoire ne fournit de vaccin financé par l’État aux personnes âgées. Il s’agit d’une lacune en raison du risque d’augmentation de la gravité de la maladie avec l’âge et du fait que moins de la moitié des adultes de 30 ans et plus au Canada sont immunisés contre l’hépatite A. L’Alberta finance le vaccin pour les personnes qui vivent en résidence ou en institution, ce qui englobe une partie de la population âgée et vieillissante qui habite dans les résidences de soins de longue durée. La Colombie-Britannique et le Yukon sont les seules administrations où les personnes qui n’ont pas été vaccinées ou qui ne sont pas immunisées contre l’hépatite A sont admissibles à une vaccination financée par l’État. Cependant, la vaccination contre l’hépatite A pour ces groupes ne fait pas partie des programmes de vaccination systématiques en Colombie-Britannique et au Yukon. Cette politique repose sur la prise de décision par la personne ou les professionnels de la santé, ce qui limite potentiellement la prise du vaccin.
Disponibilité des vaccins dans les provinces et les territoires du Canada
Plusieurs vaccins contre l’hépatite A sont disponibles au Canada. Toutes les provinces et tous les territoires, à l’exception du Manitoba (où les détails sur la vaccination ne sont pas accessibles au public), offrent un vaccin monovalent contre l’hépatite A, le plus utilisé étant Havrix®. Cela s’explique probablement par le fait que l’hépatite B fait partie du programme de vaccination de base, le vaccin combiné non monovalent contre l’hépatite A et l’hépatite B (HAHB) (Twinrix®) ne pouvant pas être administré aux personnes déjà protégées contre l’hépatite B. La version pédiatrique du vaccin Twinrix® est bel et bien disponible dans la plupart des provinces et territoires, à l’exception de l’Ontario, du Manitoba et du Nunavut.[2] Cette stratégie est utilisée au Québec; en finançant le vaccin Twinrix®, le Québec est la seule province au Canada à offrir la vaccination systématique contre l’hépatite A et l’hépatite B. Il est important qu’un vaccin monovalent et un vaccin combiné contre l’hépatite A soient actuellement disponibles dans la plupart des provinces et territoires, car tous ne sont pas éligibles à l’obtention du vaccin combiné.
Il serait avantageux d’examiner le rapport coûts-bénéfices potentiels et la rentabilité d’offrir le vaccin combiné Twinrix® (HAHB) partout au Canada ou dans le cadre des programmes de vaccination réguliers afin d’améliorer la norme nationale.
[2] Cependant, une région de l’Ontario mentionne en fait le calendrier de vaccination de Twinrix® Junior, mais ne dit rien sur la disponibilité du vaccin. Voir : https://www.hpepublichealth.ca/hepatitis-a-b-vaccine-twinrix-faqs.
Critères de définition des groupes à risque élevé à l’échelle internationale par rapport aux provinces et territoires canadiens
Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et les personnes qui consomment des drogues illicites sont les principaux groupes à risque élevé d’hépatite A qui ont été désignés par les pays et les organisations internationales lors du recensement, ce qui est en cohérence avec les critères des provinces et des territoires canadiens. Comme il a été mentionné, les administrations canadiennes mettent l’accent sur les maladies du foie, les troubles hémostatiques et d’autres problèmes médicaux, mais ces maladies sont moins présentes dans la définition de « risque élevé » des autres pays. Puisque les pays faisant partie du recensement ont un faible taux d’hépatite A, il est possible que seules certaines maladies préexistantes entraînant des conséquences plus graves soient définies comme à risque élevé. La plupart des pays et des organisations (Australie, ECDC, France, États-Unis) désignent les groupes ayant été exposés à la maladie à la suite d’un contact étroit, par exemple les contacts familiaux d’une personne infectée, comme étant à risque de transmission et d’épidémies potentielles. Le Royaume-Uni (R.-U.), la France et les États-Unis d’Amérique (É.-U.) jugent que le groupe de personnes exposées à un cas d’hépatite A est à risque élevé; il y aurait alors probablement chevauchement et redondance pour les personnes faisant partie du premier groupe.
Seuls le Royaume-Uni et l’Allemagne utilisent des catégories professionnelles, comme les techniciens en traitement des eaux usées en Allemagne, pour définir la notion de « risque élevé ». Ces personnes sont davantage exposées à des matières fécales et aux eaux usées qui peuvent être contaminées par l’hépatite A. Il convient d’examiner comment cette exposition affecte la santé de ces travailleurs au Canada au moment de l’évaluation de l’admissibilité à la vaccination financée par l’État.
Les groupes démographiques n’ont pas été désignés comme groupes à risque élevé prioritaires pour l’hépatite A dans les pays pris en compte lors de ce recensement. La Colombie-Britannique et l’Australie jugent que les Premières Nations/Aborigènes font partie de cette catégorie, mais ce n’est pas le cas d’autres régions colonisées ayant de grandes populations autochtones, comme la Nouvelle-Zélande et les États-Unis d’Amérique. La population sans abri n’est pas désignée comme étant à risque élevé par les gouvernements canadiens, mais elle est reconnue comme telle par l’ECDC, les États-Unis et l’OMS. Le CDC remarque que les milieux de vie collectifs, comme les refuges, peuvent contribuer à une augmentation du risque de transmission et d’épidémie d’hépatite A (1).
Les États-Unis considèrent tous les enfants d’un an comme étant à risque élevé d’hépatite A. Cela va dans le même sens que la province de Québec, au Canada, qui a mis en place la vaccination contre l’hépatite A aux enfants dès l’âge de 18 mois et à ceux de 4e année au primaire.
L’examen des précédents internationaux, et de leurs similitudes et différences avec les politiques provinciales et territoriales au Canada, fournit un point de départ utile pour élaborer une définition cohérente de « risque élevé » d’hépatite A.
RÉSUMÉ
Bien qu’elle soit possiblement sous-déclarée, l’hépatite A n’est pas aussi répandue au Canada que dans certains pays en développement, ce qui réduit le risque d’infection pour la population générale du Canada. Cependant, de nombreux groupes sont reconnus comme étant à risque élevé et seuls quelques-uns de ces groupes sont admissibles à la vaccination financée par l’État. Plusieurs groupes sont désignés de manière différente comme étant à risque élevé d’hépatite A, selon les différentes administrations canadiennes et internationales. Bon nombre de ces groupes ne sont pas admissibles à la vaccination financée par l’État, ce qui pourrait augmenter la probabilité de transmission et d’épidémies d’hépatite A.
Une approche ciblée de la vaccination est rentable et protège les plus vulnérables, mais elle peut aussi créer des lacunes et des inégalités. Selon cette approche, la responsabilité de l’évaluation du risque repose sur l’individu ou le personnel de la santé. Il est donc probable que de nombreuses personnes ne soient pas conscientes de leur vulnérabilité et ne savent pas qu’elles sont admissibles à la vaccination financée par l’État. En intégrant la vaccination contre l’hépatite A dans un programme de vaccination systématique des enfants, comme cela se fait au Québec, il serait possible d’accroître la sensibilisation et l’accès aux vaccins, de renforcer la protection communautaire, d’atteindre les personnes à risque élevé, de diminuer les éclosions et, enfin, de réduire les souffrances inutiles.
TABLEAU DE BORD (en anglais)
RÉFÉRENCES
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