Remerciements
Le CCNMI remercie deux importants collaborateurs à la présente analyse : Roberta Howlett et Seyed Moghadas. Mme Roberta Howlett, PhD., a procédé à une analyse initiale, à la sélection préliminaire et au résumé de la littérature.
M. Seyed Moghadas, PhD., directeur du laboratoire de modélisation en mode agent de l’Université York, a participé à l’analyse des études de modélisation et à la révision de l’ensemble du rapport.
Nous remercions également les coprésidents du groupe de travail national sur les mesures de la santé, Barbara Raymond et Frank Atherton, pour leurs suggestions utiles dans une version antérieure du document.
Introduction
La grippe fait peser une menace récurrente importante pour la santé de la population et nécessite donc des interventions efficaces, basées sur des faits, des autorités de la santé publique afin d’éviter et de limiter la propagation des infections et des maladies graves. La fermeture des écoles est considérée comme étant une intervention possible pendant les flambées de maladies contagieuses telles que la grippe dans la communauté. Même si cette stratégie d’atténuation de la grippe pandémique ou saisonnière est utilisée en continu dans certains pays, en particulier pendant la pandémie de grippe H1N1 de 2009, la fermeture des écoles demeure une mesure dont l’efficacité ne fait pas consensus.
La théorie favorable à la fermeture des écoles repose sur les connaissances suivantes : les contacts chez les enfants d’âge scolaire sont très nombreux, ces enfants sont généralement plus vulnérables aux infections grippales que les autres groupes d’âge et la période d’excrétion du virus est plus longue (1). La fermeture des écoles peut réduire la transmission de la grippe chez les écoliers et on lui attribue des avantages secondaires pour l’ensemble de la communauté (1). Concrètement, il y a peu de preuves irréfutables pour orienter le recours à la fermeture des écoles dans la pratique en santé publique, c’est à dire pour aider à déterminer si cette fermeture est justifiée, si oui pour combien de temps, et à quelle échelle on doit l’appliquer dans une communauté ou une région donnée. De même, la question de savoir si la fermeture d’écoles a des effets mesurables sur la gravité des conséquences de la grippe (p. ex., la diminution du taux d’hospitalisation, la nécessité de soins intensifs, le décès) demeure un enjeu capital à prendre en compte.
Définition des expressions clés
Fermeture des écoles : annulation de toutes les classes pendant une période qui se prolonge au moins une journée scolaire complète. Pendant cette période, les élèves ne viennent pas à l’école.
Fermeture réactive des écoles : fermeture des écoles en réaction à la situation dans laquelle un certain nombre d’élèves ou de membres du personnel sont infectés ou présentent des symptômes de la maladie.
Fermeture proactive des écoles : fermeture d’école avant que toute transmission de l’infection parmi les élèves ou le personnel ne se produise ou soit constatée.
Fermeture ciblée : fermeture d’une école en particulier ou de toutes les écoles d’une région géographique donnée. Étant donné que l’ampleur des fermetures d’écoles varie grandement, certaines particularités sont notées concernant les contextes précis des études incluses dans la présente analyse.
Taux d’atteinte : incidence cumulative de l’infection pendant toute la durée de l’épidémie. Sur le plan quantitatif, il correspond au nombre de personnes qui développent la maladie divisé par le nombre total de personnes exposées (en supposant ici qu’il s’agit de la population totale). Le taux d’atteinte dans la présente analyse désigne l’incidence d’infections cliniques (à moins d’indication contraire) lorsque les personnes exposées manifestent des symptômes de la maladie.
Taux de reproduction : nombre moyen de cas d’infections secondaires produites par un seul cas primaire pendant la période de contagion du cas primaire. Ce taux (représenté par R0) détermine si l’infection se propagera (R0>1) ou non (R0<1).
Seuil déclencheur : nombre minimum (ou taux) de cas d’infections connus dans une école (ou une communauté) requis pour envisager la fermeture réactive des écoles.
La fermeture des écoles soulève, en plus de questions éthiques épineuses, des questions importantes concernant le lourd fardeau économique et social. La mise en œuvre de cette mesure exige une compréhension nette des enjeux de la santé communautaire et une évaluation des avantages possibles pour la santé, compte tenu des coûts économiques et sociaux. La prise de décisions de fermer les écoles s’inscrit dans un cadre éthique complexe, mais une quantification explicite des avantages et des coûts potentiels de cette stratégie permettra aux planificateurs et aux fournisseurs des soins en santé publique de concilier la protection de la santé communautaire avec les perturbations, la perte de productivité et l’absentéisme qui peuvent s’ensuivre dans la société.
La pandémie de grippe H1N1 de 2009 a touché principalement les enfants et les jeunes adultes et elle a entraîné la fermeture d’écoles dans plusieurs pays, ce qui a fourni d’autres occasions d’évaluer l’efficacité et la pertinence de cette mesure dans d’autres contextes. Nous avons voulu, dans la présente analyse, passer en revue les données probantes sur la fermeture des écoles à partir de publications récentes qui peuvent révéler d’autres leçons à tirer de la pandémie de grippe H1N1 et de l’application de cette mesure lors de flambées de grippe saisonnière. Le présent document donne un aperçu de la littérature et des données probantes récentes sur les avantages possibles pour la santé, les coûts et certains enjeux d’ordre éthique liés à la fermeture d’écoles pendant les flambées saisonnières. Il approfondit les analyses précédentes, couvrant un certain nombre d’études épidémiologiques et d’études de modélisation qui ont traité des répercussions possibles de la fermeture des écoles, principalement la réduction de la transmission de l’infection et les taux d’atteinte dans la communauté qui découlent de différentes stratégies réactives et/ou proactives. Cette revue de la littérature relève également d’importantes lacunes en recherche et s’interroge sur la façon dont les études disponibles mesurent l’efficacité des fermetures d’écoles.
Les conclusions extraites de la littérature sont résumées ci-dessous. Elles sont regroupées en trois catégories de données probantes, soit les revues sommaires et systématiques, les études d’observation et les simulations mathématiques.
Méthodes d’analyse
Les auteurs ont passé en revue la littérature sur l’efficacité de la fermeture des écoles pour prévenir ou limiter la grippe. Ils ont entre autres analysé des études d’observation, des modélisations mathématiques et des revues systématiques, ainsi que d’autres analyses secondaires ou sommaires. La présente analyse a porté à la fois sur la littérature théorique et la littérature grise, par exemple des documents d’information en vue de l’examen d’une politique de fermeture des écoles. Elle a porté en priorité sur les études sur les écoles fermées dans le cadre d’interventions de santé publique (que les fermetures aient été réactives ou proactives), mais les auteurs ont aussi examiné des études sur les répercussions de ces fermetures. Ils ont également passé en revue des études sur la grippe pandémique et saisonnière.
Comme la présente analyse se veut une mise à jour des revues précédentes sur le sujet, les auteurs se sont concentrés sur la littérature publiée entre le 1er janvier 2011 et le 31 août 2013. Les mots-clés « école », « fermeture » et « grippe » (ou pandémie) ont été utilisés dans les recherches de titres dans PubMed et Google. Seules les publications en anglais ont été retenues. D’autres sources ont été trouvées grâce à une recherche manuelle de titres dans les listes de référence fournies dans les articles choisis, ainsi que dans les listes d’articles connexes de PubMed. Dans certains cas, la plage des dates privilégiées des publications a été élargie pour inclure des études de qualité publiées antérieurement.
Les études de modélisation retenues pour cette revue ont été choisies selon deux critères principaux : i) l’utilisation d’ensembles de données existants les comme mesure de lutte contre la grippe 3 portant sur un scénario de flambée, comme la pandémie de grippe A (H1N1) de 2009; ii) l’inclusion de scénarios de comparaison entre des stratégies réactives et proactives de fermeture d’écoles, le moment de la fermeture des écoles et la durée de la fermeture. Les études de modélisation repérées d’après les critères de sélection ont été triées initialement par un analyste possédant une expertise dans ces méthodes. Certains articles ont été exclus de la sélection parce que les hypothèses ou la structure et la validation des modèles posaient problème.
Les articles inclus dans le présent document ont été évalués pour leur discussion des avantages et des coûts des stratégies de fermeture d’écoles sous divers aspects, notamment la réduction des taux d’atteinte dans l’ensemble de la communauté et de la transmission de l’infection chez les enfants; la gravité des répercussions de la grippe sur la population; les coûts liés à la mise en œuvre de la stratégie, comme la perte de productivité et le fardeau financier pour les ménages; de même que les économies réalisées grâce à une diminution de l’utilisation de soins de santé.
Aperçu des données probantes de revues sommaires précédentes
La présente revue se situe dans le prolongement de deux analyses antérieures des données probantes sur l’efficacité des fermetures d’école comme mesure de lutte contre la grippe (2, 3). Avant d’examiner les données probantes récentes, il est utile, pour situer le contexte, de donner un aperçu des conclusions des deux analyses antérieures.
En mars 2011, le ministère de la Santé du Royaume-Uni (UK DOH) a publié une revue de la littérature sur les effets de la fermeture des écoles sur la grippe saisonnière et pandémique dans un large éventail de contextes dans le monde. Cette revue a porté sur 39 études épidémiologiques et 30 études de modélisation publiées jusqu’à la fin de mai 2010 (2). Les études épidémiologiques ont prouvé que la fermeture des écoles peut réduire la transmission et l’incidence de la grippe chez les enfants, mais les effets sur les autres groupes d’âge et la communauté dans son ensemble étaient moins évidents. Certaines études ont également montré un renversement de l’effet à la réouverture des écoles, ce qui a été interprété comme une preuve à l’appui de l’efficacité de la mesure. Les auteurs ont indiqué que malgré que la fermeture des écoles soit une mesure souvent mise en œuvre conjointement avec d’autres interventions (p. ex., des traitements antiviraux ou des mesures préventives), certaines études ont montré les avantages associés à la seule fermeture des écoles. Bien que les faits pointent vers d’éventuels avantages de ces fermetures, les auteurs ont noté le peu de données probantes pour juger des avantages relatifs de stratégies de fermeture particulières (p. ex., des fermetures réactives par opposition à des fermetures proactives, des fermetures locales par opposition à nationales, le moment optimal des fermetures ou la durée optimale de ces dernières).
Stratégie de préparation à la lutte contre une pandémie de grippe au Royaume-Uni (2011)
Le ministère de la Santé du Royaume-Uni a publié une politique sur la préparation à la lutte contre une pandémie de grippe (2) qui comprenait des conseils sur la décision de fermer les écoles pendant les flambées de grippe.
La stratégie du Royaume-Uni décrit la fermeture des écoles comme une mesure à laquelle recourir lorsque l’incidence de la grippe pandémique est très élevée. Elle présente un plan en quatre phases dans lequel les diverses interventions sont mises en œuvre en fonction de la collecte de données et de la gravité de la flambée. Le plan montre que la fermeture des écoles est envisagée lorsque des données probantes indiquent une transmission soutenue du virus dans la communauté (soit des cas qui ne sont pas liés à des cas connus ou précédemment identifiés). La politique énonce deux principes directeurs à retenir pour le recours à la fermeture temporaire et localisée des écoles dans certaines circonstances.
Premièrement, les administrateurs scolaires peuvent décider de la fermeture préventive des écoles aux premiers stades de la grippe pour atténuer la propagation initiale de l’infection localement, tout en recueillant plus de données sur la propagation du virus.
Deuxièmement, il ne faut pas fermer les écoles une fois que le virus est établi au pays, à moins que les pénuries de personnel ou les risques pour des enfants particulièrement vulnérables ne le justifient (2).
Selon la revue du ministère de la Santé du Royaume-Uni, les études de modélisation ont souvent démontré que la fermeture des écoles peut résulter en une réduction plus grande des taux d’atteinte à leur sommet (au pic d’incidence) par rapport aux taux d’atteinte cumulatifs, et que la fermeture hâtive peut avoir la plus grande efficacité dans la réduction des taux d’atteinte. Ce résultat a été interprété comme étant un argument à l’appui d’une utilisation prudente de la fermeture des écoles pour atténuer la pression sur les services de soins de santé lorsque les flambées prennent de l’ampleur. Selon les auteurs, ces données probantes semblent indiquer également que la fermeture des écoles peut être le plus efficace quand les taux d’atteinte en fonction de l’âge sont plus élevés chez les enfants que chez les adultes, mais cette efficacité diminue avec une transmissibilité accrue du virus de la grippe.
La revue de la littérature effectuée au Royaume-Uni a permis de soulever plusieurs mises en garde au sujet des données probantes épidémiologiques, notamment la difficulté à distinguer les effets de la fermeture des écoles de la dynamique naturelle de la transmission de l’infection, car les fermetures sont le plus souvent adoptées tardivement pendant une épidémie (soit après les sommets de contagion). De plus, les auteurs signalent qu’en raison de la variation des taux d’atteinte par âge des différentes souches de grippe, les effets de la fermeture des écoles sur la transmission dépendent de la mesure dans laquelle la souche dominante dans une épidémie donnée s’attaque aux enfants d’âge scolaire. L’efficacité peut donc varier selon la composition démographique d’une population. Par ailleurs, l’hétérogénéité des contextes dans la littérature épidémiologique sur la fermeture des écoles est l’aspect le plus contraignant de la collecte de données probantes pour l’adoption de stratégies particulières de fermeture des écoles, ce qui complique la tâche de déterminer quels facteurs contribuent à une mise en œuvre efficace. Les auteurs ont aussi émis des réserves au sujet des résultats des études de modélisation parce qu’elles sont limitées par un manque de données pertinentes, par certaines hypothèses qui doivent être faites (p. ex., les modèles des contacts dans la population) et la variabilité qui s’en suit dans leurs résultats.
Cette revue d’une grande ampleur a conclu qu’il n’y avait pas assez de données probantes pour appuyer une politique particulière concernant la fermeture (réactive ou proactive) des écoles. Les auteurs recommandent de continuer de voir cette intervention comme un élément possible d’une stratégie d’atténuation permettant de diminuer la transmission de l’infection durant l’épidémie, mais de tenir compte des caractéristiques particulières de chaque nouvelle épidémie dans la décision de fermer les écoles. Selon eux, lorsqu’un virus semble hautement pathogène, mais qu’on manque d’information aux premiers stades d’une épidémie, la fermeture des écoles peut être une mesure de prudence. Idéalement, la décision de fermer des écoles se fondera sur des renseignements précis concernant la souche grippale, c’est-à-dire qu’il faudra déterminer s’il s’agit de souches nouvelles ou précédemment identifiées; déterminer les souspopulations les plus à risque (c’est-à-dire savoir si la transmission est plus élevée chez les écoliers que chez les adultes); évaluer le niveau de pathogénicité d’une souche (faible, modéré et élevé); et déterminer si les médicaments antiviraux sont efficaces pour cette souche. Enfin, considérant certaines des difficultés au niveau social et communautaire engendrées par la fermeture d’écoles, les auteurs ont insisté sur la nécessité d’accompagner cette mesure de messages des autorités en santé publique recommandant de limiter aussi les contacts sociaux des enfants à l’extérieur de l’école (2). Cependant, la revue n’a pas examiné l’efficacité des messages de santé publique à cet égard. Les auteurs s’attendent à ce que d’autres données probantes soient publiées concernant l’expérience de la pandémie de 2009, qui pourraient jeter un nouvel éclairage sur des considérations pratiques pour l’élaboration d’une politique.
Une deuxième analyse des données probantes de 2011 (3), commandée par le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses (CCNMI), porte non seulement sur la fermeture des écoles, mais aussi sur des données probantes de l’efficacité d’autres interventions courantes de distanciation sociale, dont des restrictions aux déplacements et aux rassemblements populaires. La revue de Roth et Henry porte principalement sur des publications sur la grippe pandémique, publiées depuis la grippe pH1N1 et, en ce qui concerne la recherche sur les résultats de la fermeture des écoles, comprend six études d’observation et neuf études de modélisation. Les auteurs signalent certaines données probantes des études d’observation selon lesquelles la fermeture des écoles peut réduire la transmission à l’échelle de la communauté et chez les enfants d’âge scolaire, mais ils émettent aussi des réserves quant au manque de données empiriques solides qui permettraient de comparer des communautés qui ont choisi de fermer des écoles avec d’autres qui ont décidé de ne pas le faire. À partir des études de modélisation, les analyses des auteurs corroboraient les conclusions d’études antérieures (avant la pandémie de grippe H1N1) qui ont en général indiqué une diminution de l’efficacité lorsque la fermeture s’est faite tardivement et que le R0 était à la hausse. Les auteurs ont fait remarquer la contradiction dans le fait que la fermeture des écoles peut avoir un maximum d’efficacité lorsque les coûts sociaux et économiques sont les moins susceptibles d’être acceptés, soit durant les épidémies moins graves. Les données probantes montrent également que la fermeture des écoles pendant moins de deux semaines peut avoir une influence limitée sur la transmission dans la communauté et que les fermetures seules peuvent être inefficaces si le R0 dépasse.2,5 Pour les cas d’épidémies avec une transmissibilité aussi élevée, les auteurs citent des données probantes selon lesquelles la fermeture des écoles, conjuguée à d’autres mesures de distanciation sociale ou à des interventions pharmacologiques (usage préventif d’antiviraux ou de vaccins), serait plus efficace que la fermeture seule des écoles. Les données probantes accordaient aussi plus de valeur à l’utilisation de fermetures individuelles qu’aux fermetures généralisées en raison de l’avantage pratique qu’offraient des écoles individuelles de pouvoir réagir rapidement à une flambée. Roth et Henry ont conclu, comme dans l’analyse précédente, qu’il n’y avait pas assez de preuves sur les meilleurs moyens à prendre pour décider de la fermeture des écoles (3).
Données probantes de revues sommaires et systématiques récentes
Deux revues sommaires et systématiques récentes ont ajouté à la base des connaissances sur les fermetures d’écoles.
Dans une revue d’experts, Chowell et ses collègues (4), des auteurs affiliés au National Institute of Health des États-Unis, ont examiné les données probantes provenant de 11 études d’observation 6 et de modélisation (publiées entre 2004 et 2011) concernant les effets de la fermeture des écoles sur la transmission de la grippe. Ils ont analysé des publications basées sur des études de fermetures opportunistes des écoles (c. à d. en raison de congés scolaires ou de grèves des enseignants), de même que des fermetures à la demande des autorités de la santé publique. Les études ont porté sur divers pays et diverses situations de flambées, dont des épidémies de grippe saisonnière avant 2009 à Hong Kong, en France, en Europe et en Israël,1 la pandémie de la grippe H1N1 de 1918 aux ÉtatsUnis2 et la pandémie de la grippe H1N1 de 2009 au Mexique, au Japon, à Hong Kong, au Royaume-Uni et au Pérou3 (4).
Chowell et ses collègues ont observé que plusieurs études (et presque toutes) couvertes par leur revue indiquaient que les fermetures d’écoles étaient associées à une réduction des conséquences de la grippe, et surtout concernant la transmission de l’infection (4), malgré les variations dans les mesures des résultats et les différences dans les définitions de cas. Parmi les constatations analysées, mentionnons des réductions de 16 à 18 % de l’incidence de maladie apparentée à la grippe à partir des données de 21 ans de surveillance de la grippe saisonnière en France, et une diminution de 43 % des taux hebdomadaires des troubles respiratoires en Israël (Cauchemez et coll., 2008; Heymann et coll., 2004, cités dans Chowell et coll, (4)). Cette revue mentionne également une étude basée sur les données de populations de huit pays européens, qui a modélisé les changements dans les modèles de relations sociales et conclut qu’il est possible de réduire considérablement (de 13 à 40 %) la transmission de l’infection dans ces populations grâce à la fermeture des écoles. Cependant, l’étude était basée sur des fermetures d’écoles pour les vacances, ce qui, selon les auteurs, pourrait équivaloir à des fermetures dictées par les autorités en santé publique en situation de pandémie, et pendant les périodes de congés ou vacances où les contacts sociaux sont plus fréquents, la fermeture d’écoles durant les éclosions de grippe ne permettrait que des réductions limitées des conséquences de l’infection (Hens et coll., 2009, cité dans Chowell et coll. (4)). De plus, Chowell et ses collaborateurs ont souligné des diminutions importantes de la transmission de la grippe durant la pandémie de H1N1 en 2009 s’appuyant sur des études du Japon, du Mexique et de Hong Kong, qui ont constaté que les fermetures d’écoles étaient associées avec des réductions majeures de la transmission de la grippe dans la population (par exemple, des baisses de 25 % à Hong Kong, et de 29 % à 37 % au Mexique. Dans la seule étude qui n’a observé aucun amélioration significative attribuable aux fermetures d’écoles (Cowling et coll., 2008, citée dans Chowell et coll. (4)), le résultat a été imputé à la mise en œuvre tardive de la mesure (c’est à dire la fermeture après que l’épidémie ait atteint son plus haut niveau).
Chowell et ses collaborateurs ont conclu que les fermetures d’écoles peuvent efficacement ralentir la transmission de la grippe, surtout quand elles sont réalisées au début de l’épidémie (4). Ils ont toutefois émis des réserves concernant leurs résultats et averti les lecteurs que les avantages observés pouvaient ne pas s’expliquer par les fermetures parce qu’il est difficile de contrôler d’autres facteurs qui influencent la transmission, entre autres les fluctuations saisonnières de cette dernière ou l’épuisement du nombre d’hôtes vulnérables. Les auteurs notent également qu’il n’y a pas assez de données probantes pour démontrer des effets durables de la fermeture des écoles, étant donné que les études d’observation rendent rarement compte des résultats à long terme qu’il peut être particulièrement important d’examiner dans les épidémies qui comportent plusieurs vagues de nouveaux cas au fil des mois ou des années. Ils incitent à la prudence sachant qu’il est possible que les fermetures d’écoles ne permettent pas de diminuer le nombre total de cas de grippe même s’il y a diminution de l’incidence de l’infection à son plus haut niveau. Chowell et ses collaborateurs laissent entendre aussi que la décision de fermer les écoles peut être la plus appropriée en tant que stratégie d’atténuation à court terme pour abaisser le pic d’incidence de la grippe et prévenir une forte demande de soins de santé. Cette stratégie permettrait aussi de gagner du temps pour réunir de l’information sur la souche grippale, les taux de transmission et les populations vulnérables – des renseignements essentiels pour la planification d’une intervention à long terme, comme la vaccination ou l’utilisation de médicaments antiviraux. Les auteurs recommandent en outre une comparaison systématique de plusieurs pays qui ont vécu la pandémie de 2009 afin d’examiner l’efficacité de la fermeture des écoles dans différents contextes épidémiologiques, comportementaux et démographiques (4).
En 2013, une revue de grande envergure portant sur plusieurs pays a été publiée au Royaume-Uni et a contribué dans une certaine mesure à élargir l’analyse des fermetures d’écoles. Cette revue systématique menée par Jackson et ses collègues (5)—les mêmes auteurs que dansh la revue réalisée au Royaume-Uni en 2011—a porté sur 79 études qui correspondaient aux critères d’inclusion4 et qui ont été publiées jusqu’à la fin de 2011. La revue s’est concentrée sur des études5 épidémiologiques et certaines études de modélisation des effets de la fermeture des écoles, prévue ou imprévue, sur l’incidence et la transmission de la grippe saisonnière et pandémique. Certaines études portaient sur la grippe survenue en Nouvelle-Zélande, au Mexique, au Pérou, au Royaume-Uni, en Israël, à Hong Kong, en France, en Serbie, au Japon, en Chine et aux États-Unis d’Amérique. Les résultats des métaanalyses,6 qui ont représenté graphiquement les taux d’atteinte stratifiés selon le moment des fermetures, ont donné à penser que la fermeture des écoles peut réduire la transmission de la grippe saisonnière et pandémique au sein d’une population, en particulier chez les enfants, mais de nombreux ensembles de données n’ont montré aucun effet clair de l’intervention, peut-être parce que les fermetures surviennent souvent tard pendant une flambée (c.-à-d. à la période de pointe ou après). Plusieurs conclusions de la revue ont été semblables à celles que les auteurs avaient tirées de leur revue de 2011. La réversibilité des effets a une fois encore confirmé que les fermetures avaient une incidence sur les nouvelles infections. Il y a eu quelques données probantes d’effets indépendants de la fermeture des écoles, mais comme la plupart des études portaient sur des situations où plus d’une stratégie a été mise en œuvre, il est difficile d’attribuer le changement à une seule intervention.
Jackson et ses collègues soulignent que malgré des indications générales que les fermetures des écoles peuvent être bénéfiques, les preuves d’une stratégie optimale demeurent peu concluantes. Autrement dit, la littérature de recherche ne peut pas servir à orienter les décisions sur des aspects concrets de la mise en œuvre, par exemple quand fermer une école et pendant combien de temps. L’analyse des auteurs n’a dégagé aucun modèle clair des taux d’atteinte (cumulatif, de pointe ou de pointe normalisé) représentés graphiquement selon le moment des fermetures comparativement à la période de pointe de l’épidémie. L’analyse a donné des preuves assez solides que les fermetures qui durent plus de deux semaines sont liées à une diminution de l’incidence et de la transmission, mais des incohérences demeurent encore dans la littérature. Les auteurs ont souligné la difficulté de dégager les avantages relatifs des fermetures ciblées par opposition à généralisées, aux fermetures proactives par opposition à réactives ou à diverses durées de fermeture parce que les études différaient généralement à trop d’égards (5).
Jackson et ses collègues (5) soulignent d’autres lacunes et considérations importantes dans la littérature de recherche sur la fermeture des écoles. Par exemple, les auteurs notent que les répercussions à long terme des fermetures d’écoles ne sont pas encore très claires parce que peu d’études présentent des données probantes sur ce qui se produit après leur réouverture. Ils expriment en outre des préoccupations concernant la possibilité de généraliser les conclusions d’un contexte pandémique (p. ex., la pandémie de 1918) à un autre, en raison des grandes différences possibles par rapport à la virulence, à la vulnérabilité de la population, à la structure démographique des populations, aux modèles de contact des divers contextes (moment et lieu). De même, il est difficile d’appliquer directement les conclusions d’études sur les fermetures d’écoles en raison de la grippe saisonnière aux situations de grippe pandémique parce que dans le premier cas, il y a souvent plus de fermetures dues à des congés scolaires au cours desquels les modèles de relations sociales peuvent différer considérablement des situations où les autorités de la santé publique ont ordonné les fermetures. Les auteurs insistent sur la nécessité d’une plus grande rigueur dans ce domaine de recherche, entre autres des définitions de cas uniformes et pertinentes. Ils expliquent que les études n’emploient généralement pas de définitions de cas qui tiennent compte de la fermeture des écoles. Par exemple, l’absentéisme peut être une mesure trop générale et des cas confirmés en laboratoire représentent souvent des maladies graves, fréquemment chez les personnes âgées, et peuvent ne pas percevoir les effets des fermetures d’écoles. De plus, les écarts entre les résultats du dépistage de cas pendant une flambée (p. ex., une surveillance accrue ou l’obtention de soins après la fermeture des écoles) peuvent cacher les preuves d’effets bénéfiques de la fermeture des écoles et il faut une approche plus systématique pour s’en assurer.
Principaux points
• Les fermetures des écoles peuvent être associées à des réductions importantes de la transmission de la grippe. Ces constatations générales ont été faites dans différents pays, que les fermetures aient été opportunistes ou recherchées, et dans diverses situations d’éclosion.
• Une fermeture hâtive des écoles au cours d’une grippe pandémique (avant que l’épidémie ne soit à son plus fort) peut améliorer les probabilités d’effets importants.
• La fermeture des écoles a plus d’effet sur les taux d’atteinte lorsque l’incidence est à son maximum que sur les taux d’atteinte cumulatifs, ce qui semble indiquer qu’elle peut être utile comme stratégie d’atténuation à court terme pour stopper les effets de la grippe sur la demande de services de soins de santé.
• Certaines recherches indiquent que des fermetures d’écoles ont été associées à des répercussions moins marquées (comme l’incidence et la transmission de la grippe) en l’absence d’autres interventions parallèles.
• Les données probantes concernant une stratégie optimale de fermeture des écoles (p. ex., déclencheurs particuliers, ampleur appropriée des fermetures d’écoles) sont encore insuffisantes et ne font pas consensus (notamment sur la durée).
• Les fermetures d’une durée de deux semaines ou plus peuvent être plus efficaces que les fermetures de courte durée, mais les données probantes ne sont pas uniformes.
• L’efficacité de la fermeture des écoles dépend de plusieurs variables qui demeurent difficiles à vérifier, par exemple les conséquences des fermetures d’écoles sur les modèles de contact entre les enfants et les membres de la communauté.
• Les données probantes établissant les avantages à long terme des fermetures d’écoles sont loin d’être suffisantes.
Données probantes fondées sur les études d’observation
L’information provenant d’études d’observation est présentée par pays et précise le type de stratégie utilisée (p. ex., réactive, à court/long terme, une seule école ou toutes les écoles d’un district), car la stratégie et le contexte dans lequel la stratégie est appliquée peuvent grandement influencer les résultats. Toutes les études d’observation trouvées dans la recherche dans la littérature ont porté sur des fermetures d’écoles réactives.
États-Unis
Les études d’observation des fermetures d’écoles ont rarement permis d’inclure des groupes témoins qui donnent une base de référence à la comparaison et des preuves plus fiables des effets des interventions. Une étude réalisée par Copeland et ses collègues a pu inclure un tel groupe dans le contexte des premiers stades de la pandémie de grippe pH1N1 en 2009 au Texas, aux États-Unis (6). Deux comtés voisins dans la région métropolitaine de Dallas/ Fort Worth, dans lesquels les caractéristiques démographiques et épidémiologiques étaient semblables (c.-à-d. <70 cas confirmés en laboratoire, deux hospitalisations ou moins), ont donné une occasion d’effectuer une expérience naturelle afin de comparer la maladie respiratoire aiguë (MRA) dans une communauté où il y a eu une intervention (CI) et dans une communauté témoin (CT) avant, pendant et après la fermeture des écoles. Après la confirmation de quelques cas dans des écoles, un comté a mis en œuvre une fermeture systémique de huit jours (du 30 avril au 7 mai 2009) dans un district scolaire important (80 000 élèves de la maternelle à la 12e année), alors que les écoles sont restées ouvertes dans l’autre comté (30 000 élèves). L’étude a comparé la MRA déclarée volontairement chez les enfants (âges 0-5, 6-18) et les adultes (19 ans et plus) d’après des sondages effectués auprès des parents dans les deux districts scolaires,7 et selon les visites aux services d’urgence pour des symptômes semblables à ceux de la grippe dans les comtés respectifs.
Copeland et ses collègues ont constaté que la fermeture des écoles avait réduit la MRA déclarée volontairement et les visites aux services d’urgence en raison de la grippe (6). Leur analyse démontre que même si la MRA a augmenté à la fois dans le groupe où il y a eu intervention et dans le groupe témoin avant et pendant la fermeture des écoles (CI : de 0,6 % à 1,2 % pendant; CT : de 0,4 % avant à 1,5 % pendant), les augmentations ont été de 45 % inférieures dans la communauté où il y a eu intervention. De même, les répondants de la communauté où il y a eu intervention étaient 51 % moins susceptibles que ceux qui appartenaient à la communauté témoin d’indiquer une MRA chez des membres de la famille pendant la période de la fermeture des écoles (risque relatif approché rajusté : 0,49, P = 0,03). Les auteurs n’ont noté aucune différence importante entre les deux groupes pour ce qui est des taux de MRA ni de modifications dans les taux à partir de la fermeture des écoles jusqu’après leur réouverture. Les fermetures d’écoles ont eu plus d’effet lorsque l’analyse a porté seulement sur les familles qui ne comptaient que des enfants d’âge scolaire (de 6 à 18 ans et sans enfant de 0 à 5 ans), chez qui la probabilité de MRA a été 72 % inférieure à celle de la communauté témoin.
Les visites au service d’urgence ont montré des améliorations semblables en raison de la fermeture des écoles. Avant celle-ci, le pourcentage des visites quotidiennes aux services d’urgence en raison de la grippe était semblable dans les deux communautés. Les taux ont augmenté avant par rapport à pendant la fermeture des écoles dans les deux communautés (CI : 2,8 %- 4,4 %; CT : 2,9 %-6,2 %), bien que, dans ce cas également, la communauté témoin a enregistré des augmentations plus importantes qui ont atteint plus du double. La plupart des différences entre les communautés ont été attribuées aux différences dans la population d’âge scolaire. Chez les 6 à 18 ans, les visites à l’urgence en raison de la grippe ont doublé dans le groupe témoin (5,2 %-10,9 %), mais sont restées constantes dans le groupe où les écoles ont été fermées (~5 %).
Les points forts de l’étude de Copeland et de ses collègues résident dans l’utilisation d’un groupe témoin, de même que dans les deux sources indépendantes de données, dont celles qui ont montré les effets à l’échelle communautaire de la fermeture des écoles. Des améliorations dans les déclarations de MRA et des visites liées à la grippe aux services d’urgence ont été obtenues dans le cas de fermetures qui n’ont duré que huit jours, lorsque les fermetures ont été faites rapidement au début de la flambée. L’étude est cependant limitée par le fait qu’elle s’appuie sur la déclaration volontaire de la MRA plutôt que sur des cas de grippe confirmés en laboratoire, et les données des services d’urgence correspondant aux principales plaintes des patients, qui n’ont pas été vérifiées par des médecins (c’est à dire qu’elles peuvent différer du diagnostic posé avant le congé de l’hôpital).
Royaume-Uni
Une étude d’observation menée par Awofisayo et ses collègues a décrit une approche fondée sur les risques pour la prise de décisions, élaborée et mise en œuvre pendant la pandémie de la grippe H1N1 de 2009 dans une région durement touchée des West Midlands, en Angleterre (7). En l’absence d’orientation explicite sur les éléments déclencheurs de la fermeture des écoles, l’agence de protection de la santé (APS) a cherché, en collaboration avec plusieurs intervenants, une méthode pour utiliser les données probantes disponibles et orienter une intervention concertée pendant la « phase de confinement » de la pandémie, où la plus grande priorité a été de limiter la propagation de la grippe. L’étude a décrit de manière rétrospective les caractéristiques de l’approche et les leçons tirées des difficultés et des possibilités dans la gestion des fermetures réactives.
Une équipe régionale, multiprofessionnelle et multiagences, composée de représentants de l’APS, des Services nationaux de santé et des autorités scolaires locales, a participé à un processus quotidien d’évaluation des risques. L’équipe a tenu compte de données scientifiques de base sur les caractéristiques épidémiologiques, la présentation clinique et les résultats des laboratoires concernant le virus de la grippe, des taux de consultation des omnipraticiens pour des maladies assimilées à la grippe et aux infections respiratoires, et des renseignements obtenus auprès de praticiens de première ligne en santé publique. Fait intéressant à noter, l’information tirée de ces données a été résumée avec d’autres informations résultant de données locales ou régionales des écoles, soit le nombre de cas confirmés en laboratoire dans une école; les taux déclarés d’absentéisme scolaire (et associés à la grippe, si l’information était disponible); la date de début des symptômes et les renseignements sur la fréquentation scolaire pour les cas confirmés; les registres des appels des parents ou des enseignants au sujet de cas soupçonnés à l’école; de même que l’emplacement géographique des écoles par rapport à celles où des cas avaient été confirmés, entre autres informations. Les évaluations quotidiennes ont tenu compte du degré de risque dans une école, de même que de la probabilité d’une menace pour la communauté. L’évaluation a mené à une ou à plusieurs recommandations, dont les choix de surveiller l’absentéisme, de faire passer un test de grippe aux élèves symptomatiques, d’offrir des traitements antiviraux préventifs dans les groupes de contacts et de risque élevé, de traiter les cas présumés ou confirmés, ou de fermer des classes ou des écoles.
Pendant la phase de confinement, au sommet de la pandémie, l’équipe a évalué 344 écoles dont 209 (60 %) avaient confirmé des cas de grippe. Soixantecinq écoles ont fermé leurs portes – 23 (35 %) pour limiter la flambée, 21 (32 %) pour des questions opérationnelles comme des pénuries de personnel et 1 école a fermé ses portes pour protéger un enfant vulnérable sur le plan médical. Aucune raison n’a été précisée pour 20 des 65 écoles fermées. Les écoles ont en moyenne été fermées six jours, jusqu’à un maximum de 11 jours. Le taux hebdomadaire médian d’absentéisme était supérieur dans les écoles dont l’équipe a recommandé la fermeture (6,2 %; plage de 3,1 à 9,2 %) que dans les autres écoles évaluées, mais qui sont restées ouvertes (3,9 %; plage de 3,0 à 4,9 %) et beaucoup plus d’écoles primaires que d’écoles secondaires ont reçu une recommandation de fermeture (7).
Même si cette étude n’était pas conçue pour évaluer l’efficacité de la fermeture des écoles, les auteurs ont observé que l’approche réactive utilisée, habituellement de courte durée et dans un contexte de flambée en rapide expansion, avait vraisemblablement eu peu de répercussions sur le confinement de la propagation de la grippe dans la région. De même, des rapports anecdotiques ont indiqué que les avantages des fermetures ont pu être annulés par un déplacement compensatoire des interactions sociales des enfants qui n’étaient plus à l’école, mais dans la communauté. Leur analyse étant axée sur le processus menant à la prise de décisions plutôt que sur les résultats de la fermeture des écoles, les auteurs ont conclu que le cadre basé sur les risques peut s’avérer une bonne pratique parce qu’il offre les avantages d’une méthode inclusive, uniforme et transparente pouvant être adaptée aux diverses situations. Les auteurs préconisent d’utiliser les approches de gestion des risques dans la planification, les exercices et la formation sur la préparation aux pandémies. Leur étude a aussi permis de constater l’utilité d’employer une synthèse de l’information sur la santé publique par école avec les données disponibles des sources établies en santé publique. Les auteurs ont également souligné la nécessité de définir clairement les pouvoirs et les rôles des membres des équipes chargées de l’évaluation des risques, et d’améliorer les données probantes sur l’efficacité de la fermeture des écoles parce qu’une absence de consensus à cet égard nuit à l’évaluation des risques (7). Malgré les conclusions relativement favorables concernant le cadre d’évaluation des risques pour la prise de décisions, les auteurs décrivent le processus en précisant qu’il nécessite beaucoup de ressources et de main d’œuvre. De plus, l’étude ne présente aucun élément de comparaison avec d’autres processus de prise de décisions.
Australie
Une étude menée par McVernon et ses collègues (8) visait à évaluer l’effet des comportements et attitudes des familles touchées par la fermeture d’écoles sur l’efficacité de cette mesure. Les auteurs voulaient évaluer si les membres des familles se conformaient à la quarantaine et s’ils avaient suivi les consignes des interventions pharmacologiques recommandées pendant la fermeture des écoles; ils voulaient aussi déterminer les caractéristiques des ménages qui s’étaient conformés à la quarantaine 12 (8). L’étude a été fondée sur des sondages téléphoniques et en ligne anonymes, remplis par les parents dont les enfants fréquentaient les écoles fermées par mesure de santé publique au début de la pandémie de grippe H1N1 dans l’État de Victoria en Australie. Les politiques de Victoria à l’époque prévoyaient la fermeture des écoles dans lesquelles il y avait eu plusieurs cas confirmés dans des classes différentes, et la durée minimale recommandée de fermeture était de sept jours à partir de la date du dernier cas confirmé à l’école. On demandait aux personnes atteintes de la grippe et aux membres de leurs familles de rester à la maison et d’éviter les contacts avec d’autres. La durée recommandée de la quarantaine allait de 1 à 14 jours, pour une médiane de sept jours. En tout, 314 ménages représentant 1 330 personnes ont répondu aux sondages; on a demandé à 496 personnes de se conformer à des mesures volontaires de quarantaine. Le taux général de réponse aux sondages a atteint 27 % des ménages admissibles, ce qui soulève des craintes quant à la possibilité d’un biais d’échantillonnage, c’est à dire que les répondants étaient probablement plus enclins à se conformer aux mesures de distanciation sociale que les non répondants, et que les résultats ne peuvent peut être pas être généralisés à l’ensemble de la population. Les auteurs se disaient préoccupés tout spécialement par le taux de réponse démesurément faible des parents d’enfants qui fréquentaient des écoles moins favorisées. Ils ont également observé une grande différence dans les chiffres touchant les fermetures d’écoles fournis par les agences gouvernementales et les rapports des directeurs d’écoles (82 au lieu de 39) mais ils n’ont pu expliquer ce résultat (8). Les divergences observées peuvent soulever la question de savoir si les administrateurs d’écoles se conformaient à la politique gouvernementale applicable à la fermeture d’écoles.
McVernon et ses collègues ont observé une forte proportion d’individus et de ménages qui avaient respecté la quarantaine, et plus particulièrement les ménages où il y avait un cas de grippe. En ce qui concerne les familles visées par la quarantaine, les membres des familles sont restés à la maison pendant plus de 94 % (CI de 95 %, 92,8-95,9) de la période recommandée. La plupart des répondants (88 %) sont restés à la maison pendant toute la période recommandée. Le taux de conformité des ménages a également été élevé, car 84,5 % (CI de 95 %, 79,3-88,5) ou 250 des 301 ménages participants ont indiqué avoir entièrement respecté les consignes. Les enfants de 43 ménages ont passé du temps à l’extérieur et dans presque la moitié de ces cas, ils ont été en contact avec d’autres enfants. Bien que l’étude consacre peu d’espace à l’examen des facteurs expliquant les divergences au niveau de la conformité, les auteurs indiquent que le statut socioéconomique et l’emploi des parents peuvent être des facteurs de prédiction à l’échelle des ménages. Les auteurs citent d’autres recherches ayant constaté que les soins donnés aux enfants par les parents à la maison sont associés à un plus grand respect des restrictions sociales (Gift et coll., 2009, cité dans McVernon (8)). Toutefois, McVernon et ses collègues ont obtenu un résultat auquel ils s’attendaient moins, soit la grande variabilité des recommandations de quarantaine faites aux familles, ce qui reflète les difficultés du système de santé publique à assurer la cohérence dans la mise en œuvre des mesures de fermeture d’écoles. Les auteurs laissent entendre qu’une mise en œuvre irrégulière plus que le respect des consignes par le public peut nuire à l’efficacité des fermetures d’écoles. Ils ont souligné l’importance des stratégies de communication qui utilisent des messages clairs dans la langue d’usage des membres de la communauté pour encourager le respect des recommandations de la santé publique à l’égard de la distanciation sociale (8). Encore là, cette recherche n’a pas réellement fourni de données probantes sur l’efficacité de ces stratégies de communication.
Les auteurs ont observé qu’en comparaison avec des études semblables réalisées en Australie et aux États-Unis, il y avait un fort respect de la quarantaine pendant la fermeture des écoles. Ils ont expliqué ce pourcentage élevé en partie par le fait que Victoria a été le premier État à déclarer des cas dans l’hémisphère sud lorsque la gravité potentielle de la souche de la grippe était inconnue, et que la sensibilisation accrue du public et la vigilance intense des représentants de la santé publique peuvent avoir encouragé les familles touchées par la fermeture des écoles à se conformer. Les auteurs signalent également que l’étude a surtout porté sur les cas et leurs contacts proches, alors que d’autres études ont plutôt examiné le comportement de tous les pairs pendant les fermetures. Le nombre relativement élevé de ménages avec des cas confirmés dans la population visée par l’étude a été mentionné comme étant un facteur pouvant avoir contribué au taux élevé de conformité dans la population, parce que les ménages où des cas ont été confirmés sont plus susceptibles de se conformer aux recommandations de quarantaine et de s’en préoccuper.
Principaux points
• Une étude d’observation du Texas, aux États Unis, qui a comparé les répercussions de la grippe (c. à d. les patients qui ont consulté pour des symptômes grippaux, les visites aux services d’urgence) dans deux comtés, dont l’un a fermé les écoles (soit une population témoin sans répartition aléatoire) a constaté que des fermetures d’écoles de courte durée (p. ex., de 8 jours) peuvent être efficaces comme stratégie d’atténuation au début d’une éclosion.
• Les attitudes à l’égard des fermetures d’écoles et les comportements sociaux qui s’y rattachent influencent leur réussite et varient selon la population et les flambées.
• Les données probantes sur le taux élevé de respect des recommandations de distanciation sociale pendant les fermetures d’écoles peuvent être contextuelles et ne pas être généralisables.
• Il existe peu d’information sur les répercussions concrètes des fermetures d’écoles dans les populations défavorisées, y compris sur la probabilité de conformité aux recommandations de distanciation sociale dans la communauté durant ces fermetures.
• Les besoins de garde des familles et les mouvements des jeunes enfants pendant la fermeture des écoles sont des facteurs clés d’une mise en œuvre efficace.
• Des pratiques variables et des directives qui manquent de cohérence de la part des représentants de la santé publique nuisent à l’efficacité de la fermeture des écoles.
• Des messages et des protocoles clairs et uniformes seront peut être nécessaires concernant la fermeture des écoles.
• Des processus d’évaluation multisectoriels et basés sur les risques peuvent être utiles pour orienter les décisions sur les fermetures réactives d’écoles locales. Il serait souhaitable de perfectionner ces processus et d’assurer une formation à leur égard. Mais ces processus requièrent beaucoup de main d’œuvre et de ressources.
• Les renseignements locaux provenant des écoles sur les flambées de la grippe, ajoutés à d’autres données de la santé publique, peuvent être utiles pour décider de fermer ou non des écoles.
Données probantes fondées sur des études de modélisation
Les modèles mathématiques, statistiques et informatiques sont reconnus comme des outils essentiels dans la recherche de solutions à des préoccupations importantes en santé publique concernant la transmission des maladies humaines et la lutte contre ces maladies. Ces outils sont principalement utiles parce qu’ils permettent d’évaluer le risque de transmission de la maladie et ses résultats, de même que l’influence possible des diverses stratégies d’intervention en santé publique. La présente section de l’analyse donne un aperçu de ces articles dans le contexte de la fermeture des écoles en raison d’infection grippale.
La fermeture réactive des écoles pour une courte durée peut réduire la pression exercée sur les services de santé dans les régions où les flambées de la grippe menacent la capacité des services, mais on ne sait pas très bien quelle échelle spatiale et échéancier il faudrait utiliser pour faire de ces fermetures une stratégie efficace. Une équipe de chercheurs (9) a évalué les répercussions de fermetures d’écoles localisées (ciblées) sur la réduction du fardeau de la grippe sur les unités de soins intensifs des hôpitaux (USI) qui atteignent leur capacité d’accueil. En utilisant des données détaillées sur la zone desservie par des hôpitaux en Angleterre, l’étude a modelé 600 scénarios de fermetures réactives d’écoles, selon des modèles d’associations fondés sur l’âge tirés de l’enquête paneuropéenne POLYMOD (10). Ces scénarios ont été évalués selon diverses fermetures d’écoles d’une durée de 1 à 4 semaines et différents taux de reproduction : R0=1,1, R0=1,4, R0=2.
L’étude conclut que d’après les résultats des simulations, les fermetures d’écoles doivent être coordonnées dans le temps (simultanées) et selon la situation géographique (toutes les écoles d’un district scolaire) pour devenir une stratégie efficace qui réduira la transmission de l’infection et, par conséquent, soulagera les pressions exercées sur les admissions dans les USI des hôpitaux (9). Les résultats sont basés sur certaines hypothèses clés, notamment que le moment et la durée optimaux de la fermeture des écoles peuvent être calculés avec précision bien avant qu’une épidémie atteigne la période de pointe. En raison de la diversité et de la densité de la population du Royaume-Uni ainsi que du large éventail d’hypothèses et de valeurs des paramètres pris en compte dans leurs simulations, les chercheurs estiment que leur modèle et leurs stratégies peuvent largement s’appliquer dans d’autres pays industrialisés. Toutefois, considérant l’incertitude entourant les hypothèses de transmissibilité de la maladie et la variabilité dans la façon dont l’épidémie évolue dans différentes populations, ces résultats ne sont peut être pas applicables dans d’autres contextes, en particulier là où les populations présentent de grandes différences dans les caractéristiques démographiques, les modèles de relations sociales et le moment des interventions. Néanmoins, l’étude résume les trois observations principales suivantes : i) la fermeture prolongée des écoles a le plus d’influence sur la réduction de l’incidence de l’infection lorsqu’elle atteint un sommet; ii) la fermeture des écoles est le plus efficace dans le cas des épidémies pour lesquelles les taux de reproduction sont élevés (dans ce cas, R0=2); iii) la fermeture des écoles permet mieux de l’incidence à son sommet de l’infection chez les enfants que chez les adultes (9).
Méthodologies de modélisation
La littérature sur la modélisation qui a évalué les avantages pour la santé et les coûts socioéconomiques associés à la fermeture des écoles est largement fondée sur trois grandes méthodologies, soit la modélisation dynamique; la modélisation en mode agent ou en réseau; et l’analyse statistique.
La modélisation dynamique a l’avantage d’utiliser moins de paramètres que les autres méthodes, mais les hypothèses sont souvent peu réalistes (par exemple, homogénéité des contacts dans la population) et comportent des incertitudes considérables quant aux paramètres et n’ont pas les caractéristiques détaillées de la population et les réactions comportementales des individus.
La modélisation en mode agent est la méthodologie la plus perfectionnée pour aborder les conditions de l’incertitude et projeter des scénarios plausibles selon diverses situations. La méthodologie est utile aux décideurs en raison de sa fidélité et de sa capacité de grande envergure à tenir compte d’un large éventail de valeurs et d’hypothèses paramétriques, en intégrant diverses sources de données qui ont trait à la population, à la santé, à la maladie et aux mesures d’intervention. La disponibilité et la fiabilité des bases de données présentent toutefois des difficultés particulières pour ce type de modélisation, car les résultats du système sont extrêmement sensibles à de petits changements dans les données saisies.
L’analyse statistique donne une quantification utile des résultats possibles et des mesures de leur incertitude. Toutefois, dans le cas de cette méthodologie, tout comme pour les modèles en mode agent, la source principale des données est les données épidémiologiques de surveillance clinique.
Au Canada, la fermeture des écoles n’a pas été une stratégie d’atténuation recommandée pendant la pandémie de grippe H1N1 de 2009, mais une partie de la première vague de la flambée a coïncidé avec la fermeture estivale des écoles. En utilisant des données virologiques (c.-à-d. les cas confirmés en laboratoire) et épidémiologiques en Alberta, Earn et ses collègues ont analysé la dynamique de la transmission de la grippe pour déterminer l’influence de la fermeture des écoles (11). Des simulations à partir de modèles ont donné à penser que les fermetures d’écoles réduisaient la transmission de l’infection chez les enfants d’âge scolaire d’au moins la moitié, ce qui a atténué les répercussions de la pandémie. Si l’on inclut des données météorologiques, le modèle a montré une augmentation importante du nombre de cas confirmés de grippe lorsque les températures ont chuté à l’automne 2009, moment où la deuxième vague s’est produite. Comme le modèle utilisé pour cette étude est un cadre simple basé sur la vulnérabilité et l’infection, l’hypothèse d’homogénéité des contacts dans la population crée une limite importante parce qu’on présume que tous les individus vulnérables sont également susceptibles d’être atteints de l’infection, quel que soit leur modèle de contact social. De plus, il reste à savoir si une augmentation de la température pendant la première vague a influencé la transmission de l’infection, indépendamment de l’effet de la fermeture estivale des écoles. Globalement, une combinaison de facteurs peut avoir contribué à la réduction de la transmission de la maladie, mais l’étude donne des preuves convaincantes que la fermeture des écoles et les stratégies d’intervention qui visent les enfants d’âge scolaire peuvent être considérées comme des mesures importantes de santé publique dans les flambées futures.
Les chercheurs ont utilisé des modèles plus détaillés pour évaluer l’effet de la fermeture des écoles sur la réduction des taux d’atteinte dans la communauté. Ils ont entre autres utilisé des modèles en mode agent (MMA) comme technologie plus perfectionnée capable de saisir le jeu dynamique de la maladie, de la santé et des paramètres démographiques avec l’inclusion du comportement social inhérent aux sociétés humaines (12). Des MMA peuvent être élaborés et servir de représentations informatiques des sociétés humaines dans lesquelles des individus indépendants (c.-à-d. des agents autonomes) ont des perceptions, prennent des décisions, interagissent pendant leurs activités quotidiennes et sont liés par des liens sociaux. Ce degré de fidélité est nécessaire pour que les MMA soient des outils utiles aux planificateurs de la santé publique et aux fournisseurs de services. En utilisant les systèmes informatiques des MMA, il est possible de tester systématiquement différentes hypothèses relatives aux caractéristiques des individus et d’examiner comment des phénomènes se dégagent des comportements individuels dans un ensemble hétérogène de populations en interaction (12).
Dans une étude récente, Halder et ses collègues ont mis au point un modèle de simulation en mode agent d’Albany, une petite communauté de l’Australie-Occidentale dont la population se chiffre à environ 30 000 personnes; ils ont utilisé ce modèle pour examiner l’efficacité de la fermeture réactive des écoles visant à réduire les taux d’atteinte dans la communauté d’une pandémie de la grippe selon les scénarios suivants : R0=1,5, R0=2, R0=2.5 (13). Les chercheurs ont étudié deux types différents de fermeture d’écoles qui correspondaient à des fermetures réelles (à des moments différents et à des seuils déclencheurs différents de la fermeture relativement au nombre de cas identifiés par jour) et à des fermetures simultanées de toutes les écoles. Ils ont analysé l’efficacité de ces stratégies pour une durée de fermeture de 2, de 4 et de 8 semaines. L’étude a démontré que des fermetures de courte durée (de 2 à 4 semaines) ont peu d’incidence sur les taux d’atteinte et n’entraînent que des différences négligeables de résultats entre les stratégies de fermetures individuelles et simultanées. Cependant, la modélisation de la fermeture d’une école pendant huit semaines pour une souche pandémique avec un R0 de 1,5 a prédit une réduction de 14 % du taux d’atteinte global, qui passerait de 33 % à 19 %. Cette réduction était de 9 % (de 33 % à 24 %) pour la même durée de fermetures simultanées d’écoles, indiquant que la stratégie de fermeture d’écoles uniques était plus efficace. Ces scénarios ont été examinés en l’absence de l’utilisation d’antiviraux et les fermetures ont été déclenchées lorsqu’un minimum de 30 cas d’infection grippale a été confirmé quotidiennement dans l’ensemble de la communauté. Si l’on y ajoute l’utilisation d’antiviraux, la réduction est passée à 19 %. Lorsque le R0 était élevé, les deux scénarios de fermetures étaient beaucoup moins efficaces. Les résultats donnent à penser que la stratégie particulière des fermetures d’écoles dépend surtout de la transmissibilité de la souche pandémique et de la durée de la fermeture des écoles. Il ressort de cette étude – et il est important de le souligner – qu’en raison de la difficulté à déterminer le degré véritable de propagation épidémique et sa gravité aux premiers stades d’une flambée, une stratégie de fermeture de certaines écoles seulement serait plus efficace qu’une fermeture simultanée de toutes les écoles. Les résultats de cette stratégie de modélisation ne correspondent pas aux observations décrites dans l’étude du Royaume-Uni (9) qui a montré que les fermetures simultanées dans une région géographique ou une division scolaire donnée étaient plus efficaces et que cette efficacité était la plus marquée lorsque le R0 était supérieur. Plusieurs facteurs pourraient expliquer les divergences dans les résultats des deux études, notamment les stratégies et les hypothèses de modélisation différentes; des variables démographiques des populations extrêmement différentes (milieu urbain fortement densifié par opposition à petite communauté rurale); et les objectifs de l’évaluation de l’efficacité (soit l’influence des fermetures sur les admissions dans les USI par opposition à l’influence des fermetures sur le taux d’atteinte général dans la communauté). Ces différences attestent du fait que l’évaluation de la stratégie des fermetures d’écoles est fortement liée au contexte dans lequel elle est appliquée.
Les études de modélisation de la fermeture des écoles ont également exploré l’utilisation de l’intervention dans le contexte de la grippe saisonnière, avant la pandémie de la grippe H1N1 de 2009. Cauchemez et ses collègues ont évalué, dans une étude de modélisation statistique, l’incidence de la fermeture des écoles sur les épidémies de grippe, en analysant les données de surveillance de la maladie et d’autres renseignements sur le moment des congés scolaires en France (14). Les chercheurs ont émis l’hypothèse que la transmission de la grippe avait changé pendant la fermeture des écoles en raison d’un congé parce que les modèles de contact des enfants avaient changé. Dans leur modèle, les chercheurs ont structuré la population dans deux contextes principaux de transmission (c.-à-d. les écoles et le foyer) et présumé qu’il peut y avoir transmission aléatoire entre tous les membres de la population dans d’autres contextes. Le taux de reproduction général a été estimé à R0=1,7 (plage de 1,5 à 1,8) pendant la période scolaire et à R0=1,4 (plage de 1,3 à 1,6) pendant les congés. Les résultats de la simulation ont montré que les congés pouvaient entraîner une réduction maximale de 29 % de la transmission entre les enfants, sans effet mesurable sur la transmission entre les adultes. L’adaptation du modèle aux données sur la grippe saisonnière donne à penser que les congés préviennent de 18 à 21 % des cas de la grippe chez les enfants. Ces résultats indiqueraient que la fermeture prolongée des écoles (c. à d. de 4 semaines ou plus) durant une éclosion de grippe saisonnière peut réduire le nombre cumulatif de cas de 13 à 17 %, et jusqu’à 45 % les taux d’atteinte à leur sommet (14). La réduction estimée est toutefois fondée sur l’hypothèse que les faibles taux de contact entre les enfants peuvent être maintenus pendant une période assez longue après la fermeture des écoles. L’ampleur de toute réduction du taux d’atteinte général est habituellement difficile à attribuer à la seule stratégie de fermeture des écoles, en particulier en présence d’autres interventions de santé publique et sans estimation exacte de la transmissibilité d’une souche pandémique selon l’âge.
Pendant la première vague de pandémie de grippe H1N1 de 2009 à Hong Kong, les écoles ont été systématiquement fermées. Après l’identification du premier cas local (non importé), toutes les écoles primaires, les garderies, les maternelles et les écoles spéciales ont été fermées jusqu’aux vacances estivales (soit environ un mois avant les congés de l’été). Les écoles secondaires n’ont été fermées que pendant 14 jours s’il y avait plus d’un cas confirmé dans l’école. En se fondant sur les données sur les cas confirmés en laboratoire, Wu et ses collègues ont évalué dans une étude l’effet de ces fermetures sur la réduction de la transmission et la diminution des cas déclarés (15). Les auteurs ont utilisé un modèle de transmission susceptibilité- infection-rétablissement (SIR) structuré en fonction de l’âge et utilisé une méthode d’imputation pour adapter le modèle aux données sur trois périodes différentes (du 4 mai au 19 juin; du 20 juin au 29 juin; du 29 juin au 27 août 2009) pendant la flambée. L’analyse de l’adaptation du modèle a donné une réduction estimative de 66 % (nota : ce pourcentage est indiqué comme une réduction de 70 % dans le document en raison d’une diminution du R0 de 1,7 à 1,1) dans le cas d’une transmission à l’intérieur des mêmes groupes d’âge à la suite de la fermeture des écoles pendant tout l’été. L’estimation de la réduction de la transmission à la suite de la fermeture des écoles ne doit pas être entièrement attribuée à cette intervention, comme il est dit dans l’étude, car il n’y avait aucune donnée pour comparer les résultats avec le scénario des écoles restées ouvertes. Cependant, les auteurs concluent qu’une fermeture prolongée des écoles (considérée dans cette étude comme étant une fermeture d’un mois en plus des vacances estivales) contribuerait plus efficacement à réduire la transmission. Cette étude ne tient pas compte de l’effet d’autres facteurs tels que le caractère saisonnier et les changements de température ni des différences dans les modèles de contact pendant les congés et les périodes de fermeture d’écoles, ce qui pourrait avoir une grande influence sur la transmissibilité de la maladie (15).
Les autorités mexicaines ont également mis en œuvre des fermetures proactives dans l’ensemble de leur réseau aux premiers stades de la pandémie de grippe H1N1 en 2009. Chowell et ses collègues ont analysé un grand échantillon de cas confirmés en laboratoire et de maladie apparentée à la grippe au Mexique8 selon l’âge et l’état de résidence au cours des trois vagues (du 1er avril au 20 mai; du 21 mai au 1er août; du 2 août au 31 décembre) de la pandémie de 2009 pour évaluer l’influence des fermetures d’écoles obligatoires et des autres mesures de distanciation sociale sur les modèles de transmission (16). Les chercheurs ont appliqué un modèle mathématique de la transmission de la grippe et quantifié les associations entre les périodes d’activité scolaire (fermetures, congés) et les modèles de transmission. Cette étude s’est distinguée parce qu’on a tenu compte des vagues progressives de la pandémie, de même que son ampleur nationale considérable.
Selon Chowell et ses collègues, l’intervention précoce et dynamique de la santé publique au Mexique a bien réussi à réduire à court terme la transmission de la maladie aux premiers stades de la pandémie de la grippe H1N1 (16). La fermeture obligatoire des écoles pendant 18 jours (du 24 avril au 11 mai) et l’annulation de rassemblements publics dans la grande région de Mexico ont été associées à une réduction considérable (de 29 % à 37 %) de la transmission de la vague printanière. Les auteurs ont décrit des modèles dans la dynamique de transmission qui ont coïncidé avec les cycles scolaires, en plus de la fermeture des écoles au printemps. À la fin mai, il y a eu réapparition (principalement au sud du Mexique) de nouveaux cas avant le congé estival, et la période scolaire automnale a suscité une grande vague pandémique de deux à cinq semaines après la reprise des cours, qui a coïncidé avec un âge moyen supérieur des nouveaux cas (de 18 à 31 ans); ces résultats indiquent que la transmission s’est faite dans la communauté pendant la troisième vague. L’étude montre un lien entre les activités scolaires (fermetures et congés) et met en lumière l’utilité de fermer rapidement les écoles (16). Néanmoins, comme les fermetures d’écoles se sont faites en même temps que d’autres mesures de distanciation sociale, les auteurs ne peuvent pas attribuer les améliorations aux fermetures d’écoles seulement et ne peuvent pas non plus voir les différentes dans la dynamique et les effets des fermetures en raison des vacances et les fermetures imputables à la pandémie.
Principaux points
• Les simulations de fermeture d’écoles ont permis de prédire, dans certains cas, une réduction substantielle de la transmission de l’infection (soit de 29 % à 50 %) chez les enfants d’âge scolaire.
• Les prévisions montrent que la fermeture des écoles serait plus efficace pour réduire l’incidence de l’infection et sa transmission chez les enfants que chez les adultes de la communauté en général.
• Des études comparant l’efficacité des fermetures simultanées dans l’ensemble d’un district et les fermetures d’écoles individuelles dans la réduction de la transmission de l’infection sont arrivées à des conclusions disparates. Si les fermetures d’écoles sont d’assez longue durée (8 semaines au lieu de 4 ou 2), la fermeture d’écoles uniques serait plus efficace.
• On ne peut pas dire avec certitude si la fermeture des écoles est plus efficace dans les épidémies où le taux de reproduction (R0) est élevé ou faible, bien que la plupart des études semblent indiquer une plus forte réduction du taux d’atteinte global quand le R0 est plus faible.
• Les fermetures d’écoles prolongées ont un impact plus marqué sur la réduction de l’incidence de l’infection comparativement aux fermetures de moindre durée (p. ex., huit semaines au lieu de deux ou quatre semaines) et elles ont réduit les taux d’atteinte communautaire de 14 %. là où les écoles étaient fermées simultanément dans une région.
• Des modèles de contact différents dans diverses populations peuvent limiter la capacité de généraliser les résultats.
• Les résultats dépendront vraisemblablement du moment de l’intervention selon le stade de l’épidémie, qui varie également d’un pays à un autre.
• Il serait peu réaliste de présumer que de faibles taux de contact peuvent être maintenus tout au long d’une fermeture d’école prolongée.
• Il est difficile d’attribuer tous les effets (p. ex., la réduction des taux d’atteinte) aux fermetures d’écoles seulement.
Coûts et rapport coût-efficacité de la fermeture des écoles
Le rapport coût-efficacité n’est pas le thème principal de la présente analyse, mais cet aspect est important dans les décisions en santé publique. L’évaluation du rapport coût-efficacité de la fermeture des écoles nécessite l’estimation des coûts qui s’y rattachent. Par ailleurs, des estimations exactes ont été difficiles à obtenir en partie parce qu’il n’y a pas de données exactes sur le nombre de cas confirmés de grippe ni sur le nombre de jours de maladie pris par les travailleurs.
La littérature de recherche récente sur les fermetures d’écoles fait état d’un éventail de conséquences économiques et sociales étroitement reliées à ces fermetures, pas seulement la diminution de la productivité de la main-d’œuvre et les revenus perdus, mais également la diminution de la capacité du système de soins de santé lorsque les professionnels restent chez eux pour prendre soin de leurs enfants, les coûts des garderies et les pertes d’apprentissage pour les écoliers. De plus, la peur de l’infection a des coûts indirects qui ne sont peut- être pas mesurables (17-20). Les frais de garderie sont une préoccupation importante pour les familles qui ont de jeunes enfants qui ne peuvent pas être laissés seuls si les parents continuent de travailler pendant qu’une école est fermée, mais ces coûts peuvent ne pas avoir été bien comptabilisés. Comme de nombreux parents qui ont des enfants à charge sont également des professionnels de la santé et des travailleurs dans ce domaine, la fermeture des écoles peut également se répercuter négativement sur les services de santé.
La compréhension des économies réalisées grâce aux mesures de lutte contre la grippe, y compris la fermeture des écoles, s’approfondira si l’on comprend mieux les coûts et le fardeau de la grippe proprement dite. Selon Xue et ses collègues, les estimations de coûts de la grippe pandémique sont trop simplistes et mènent à une sous-estimation de son incidence. Les auteurs ont réclamé des estimations plus exactes qui tiennent compte des différences dans les taux d’atteinte selon l’âge, de la gravité des maladies apparentées à la grippe et des coûts potentiels de la perturbation du commerce et des fonctions sociales (21). Donc, des estimations justes du rapport coût-efficacité de la fermeture des écoles devront peut-être attendre de meilleures mesures du fardeau de la grippe elle-même, de même que la prise en compte des coûts et des avantages de l’intervention pour les sous-populations les plus gravement atteintes par la grippe.
Avant la pandémie de 2009, une étude de Sadique et de ses collègues a évalué les coûts liés à la politique sur la fermeture des écoles d’un point de vue sociétal, d’après des données d’enquête représentatives à l’échelle nationale du Royaume-Uni (22). L’étude a estimé les coûts de la perte de productivité en raison de l’absentéisme des parents au travail pendant la période de fermeture des écoles. La « méthode du capital humain » a été utilisée pour évaluer la valeur de la perte de production ou de revenus potentiels. Les chercheurs ont rajusté les chiffres pour rendre compte de la proportion estimée de parents travailleurs qui ont accès à des soins non officiels, à l’élasticité de la production (possibilité pour les travailleurs ou 20 leurs collègues de travail de compenser la perte de production), et la proportion des parents capables de travailler à domicile pendant qu’ils prennent soin d’enfants malades. On a estimé que dans le contexte démographique du Royaume-Uni, environ 16 % de la main-d’œuvre pouvait s’absenter pour s’occuper des enfants pendant une fermeture d’école qui durait 12 semaines (ce qui correspond à des estimations de la durée d’une vague pandémique). Les coûts de cet absentéisme sont de l’ordre de 0,2 – 1,2 milliard de livres (£) par semaine.9 Ce fardeau financier important peut être compensé par des économies de coût qui pourraient être réalisées par suite de la réduction de la transmission de la maladie et, par conséquent, du recours aux soins de santé. Ces coûts peuvent toutefois ne pas être abordables ou justifiés dans bien d’autres contextes (comme les communautés moins avantagées, rurales ou isolées), surtout quand la réduction de la transmission chez les enfants d’âge scolaire est annulée par une augmentation de la transmission dans les foyers, lorsque les membres de ces derniers sont nombreux (22). L’étude donne à penser que pour adopter une politique de fermeture des écoles, une analyse économique complète adaptée à la population s’impose pour évaluer le rapport coût-efficacité de cette stratégie.
Considérant que les économies découlant de la stratégie de fermeture des écoles pouvaient être largement annulées par les coûts de sa mise en œuvre, une étude sur le rapport coût-efficacité a été menée dans le contexte de la pandémie de 2009 dans l’État de la Pennsylvanie, aux États-Unis (23). À l’aide d’une simulation informatique en mode agent, les auteurs de l’étude ont comparé les coûts nets de la fermeture des écoles et les économies médicales nettes des cas de grippe évités grâce à la stratégie. Les scénarios de comparaison comprenaient des fermetures réactives d’écoles d’une à huit semaines, avec des R0=1,2, R0=1,76 et R0=2, et des taux d’hospitalisation et de décès estimés pour la pandémie de 2009. Le modèle informatique comprenait trois lieux principaux : les foyers, les écoles et les milieux de travail, y compris les milieux des soins de santé. La stratégie de fermeture des écoles a été ciblée et déclenchée selon le nombre de cas symptomatiques présents de l’ordre de 1 à 30 dans chaque école. L’analyse des coûts-avantages indique que les fermetures d’écoles pourraient avoir entraîné des coûts substantiels pour la société en raison de la productivité perdue et des frais de garde, qui l’auraient de loin emporté sur les économies de coûts de prévention des cas de grippe. L’étude donne à penser qu’avant la mise en œuvre, les coûts et les avantages possibles de la stratégie devraient être soigneusement évalués, même s’il peut également y avoir beaucoup d’incertitude en raison des paramètres inconnus et spécifiques de la maladie. Certains de ces paramètres comprennent la transmissibilité de l’infection selon l’âge, le taux de reproduction (R0), la période de contagion et le taux d’infection asymptomatique, qui sont largement influencés par l’immunité préexistante dans la population et l’état de l’immunité individuelle.
Xue et ses collègues, en utilisant des méthodes de modélisation, ont fait des projections du rapport coût-efficacité des fermetures d’écoles en tant que stratégie de la santé publique pour atténuer les effets de la grippe pandémique (24). Ils ont utilisé un modèle de maladie susceptibilité-expositioninfection-rétablissement (SEIR) et élaboré un modèle économique qui tenait compte de la propagation de la grippe, de même que des coûts et des avantages des fermetures d’écoles. Le modèle de maladie a été créé selon les données démographiques d’Oslo, en Norvège, pour des scénarios de cas dont la gravité et les taux d’infection étaient variables (100 %, 50 %, 30 % et 15 %) aux stades SEIR. Diverses hypothèses ont été émises concernant les comportements des parents qui prenaient soin de leurs enfants pendant la fermeture de l’école, de même que les taux de décès. Les coûts économiques des fermetures des écoles ont été calculés d’après les pertes de productivité des parents, selon le taux salarial national, la perte de l’apprentissage pour les élèves, calculées à partir des taux moyens des coûts dans les écoles privées.
Les chercheurs concluent que la fermeture des écoles a une influence modérée sur la grippe, mais qu’elle peut engendrer des coûts économiques importants (24). Ils déclarent que même si la fermeture des écoles secondaires est un moyen économique d’atténuer les effets de la grippe, étant donné que les enfants de 12 ans et plus n’ont pas besoin de garde, ce moyen n’est pas efficace pour la maternelle et les écoles primaires. Xue et ses collègues constatent que pour les pandémies semblables à la grippe H1N1 de 2009, les fermetures d’écoles ne seraient pas économiques comme seule intervention, étant donné que d’autres mesures de prévention, plus précisément la vaccination, pourraient coûter considérablement moins cher que la fermeture des écoles. Ces conclusions peuvent toutefois être atténuées par des facteurs tels que des taux de transmission supérieurs, la durée prolongée d’une pandémie et la gravité de son incidence (24).
D’autres études ont porté sur le rapport coûtefficacité de la fermeture des écoles en combinaison ou en comparaison avec d’autres interventions. Dans une étude de modélisation, Halder et ses collègues ont évalué le rapport coût-efficacité de diverses interventions (25). En se basant sur les données australiennes fondées sur l’expérience de la pandémie de grippe de 2009, leur analyse a donné à penser que ni les fermetures d’écoles à court terme ni les fermetures à long terme (ni les autres mesures de distanciation sociale) ne sont économiques lorsqu’elles sont utilisées isolément comparativement aux traitements antiviraux préventifs, même s’il peut falloir fermer les écoles lorsque des antiviraux ne sont pas disponibles ou que le risque de résistance à ces derniers est élevé (25). Le même groupe de chercheurs est arrivé à des conclusions semblables dans une autre étude de modélisation. Kelso et ses collègues (26) ont évalué le rapport coût-efficacité des interventions fondées sur les réductions les plus considérables des taux d’atteinte qu’il était possible d’obtenir pour le coût le plus faible possible par personne dans une communauté modélisée, d’après les données de la ville d’Albany, en Australie (population = 30 000) (26). Les auteurs ont déterminé que les interventions non pharmacologiques, lorsqu’elles sont mises en œuvre isolément, n’étaient probablement pas plus économiques dans une pandémie moins grave (taux de létalité < 0,1). Toutefois, lorsque les taux de létalité dépassaient 1,5 % et lorsqu’on combinait les traitements antiviraux et les mesures préventives à la maison, les interventions non pharmacologiques strictes étaient probablement économiques. Il est important de signaler que ces interventions comprendraient des fermetures d’écoles, de même qu’une réduction des contacts entre les travailleurs et/ou dans la communauté pendant huit semaines (26). Bien que le modèle représente une simulation optimale, il est difficile d’imaginer qu’un tel degré de restriction des contacts sociaux soit faisable au sein des ménages et des communautés.
Principaux points
• Les difficultés à évaluer le rapport coût-efficacité viennent des données limitées sur les cas confirmés de grippe et des difficultés à estimer les coûts indirects. Ces difficultés peuvent également refléter des mesures inexactes du fardeau de la grippe elle-même.
• Les frais de garde des enfants sont des coûts importants pour les ménages et la société lorsqu’il y a fermeture d’écoles.
• Les analyses économiques complètes pour la population en cause sont à conseiller dans le cas de fermetures d’écoles.
• Les coûts de la fermeture des écoles, lorsqu’elle est la seule intervention, dépassent de loin les économies réalisées.
• Les fermetures d’écoles peuvent être économiques pour les écoles secondaires, car les enfants plus vieux n’ont pas besoin de garde lorsqu’ils ne sont pas à l’école, mais ce n’est pas le cas pour les enfants de la maternelle et des écoles primaires.
• Le rapport coût-efficacité de la fermeture des écoles s’améliore lorsque les taux de transmission augmentent, lorsqu’une pandémie dure longtemps et qu’elle est plus grave.
• Comparativement à d’autres mesures comme la vaccination, la fermeture d’écoles peut être beaucoup moins économique.
• Ni les fermetures à court terme ni les fermetures à long terme (ni les autres mesures de distanciation sociale) ne sont économiques lorsqu’elles sont utilisées isolément.
• Toutes les interventions non pharmacologiques, lorsqu’elles sont mises en œuvre isolément, n’auront probablement pas un bon rapport coût efficacité en situation de pandémie moins grave (taux de létalité inférieur à 1,5 %).
• Dans une pandémie grave, lorsqu’on y ajoute les traitements antiviraux et les mesures préventives dans les foyers, les interventions non pharmacologiques strictes (y compris les fermetures d’écoles, la réduction des contacts dans la communauté et au travail pendant huit semaines) avoir un bon rapport coût efficacité.
Aspects sociaux et éthiques de la fermeture des écoles
Les études susmentionnées font ressortir les coûts et les avantages de la fermeture des écoles des points de vue économique et sanitaire. Toutefois, aucune n’a examiné les aspects éthiques qui soustendent la mise en œuvre de ces mesures et les difficultés possibles dans différents contextes publics. Un certain nombre de questions sociales doivent être prises en compte lorsqu’on évalue et élabore des politiques sur la fermeture des écoles qui peuvent grandement se répercuter sur les coûts et les avantages subséquents pour les segments défavorisés de la population (27). Par exemple, certaines écoles offrent des programmes nutritionnels quotidiens gratuits, ce qui pourrait être essentiel pour les enfants des groupes défavorisés à la situation financière fragile. Ces ménages à faible revenu peuvent voir s’alourdir leur fardeau financier lors d’une fermeture d’école prolongée qui force les parents à s’absenter du travail, donc à perdre des revenus, pour garder leurs enfants à la maison. De plus, une diminution de la qualité de l’éducation serait prévisible et pourrait nuire de manière disproportionnée aux économies faibles moins capables de soutenir les coûts additionnels engagés pour aider les enfants à atteindre les objectifs scolaires. Basurto-Davila et ses collègues ont étudié les répercussions économiques des fermetures d’écoles pendant la pandémie de grippe H1N1 de 2009 en Argentine et ils ont constaté que les fermetures avaient eu des répercussions néfastes disproportionnées sur les ménages à faible revenu. Les auteurs ont souligné l’importance de tenir compte du statut socioéconomique dans l’évaluation de l’efficacité de la stratégie (28).
Comme le montre la littérature existante, les coûts et les avantages de la fermeture des écoles, l’utilisation possible des ressources et les économies que procure cette politique ne font pas l’unanimité. Même si la plupart des études donnent à penser que la fermeture des écoles pourrait éventuellement mener à une réduction importante de la transmission, en particulier chez les enfants d’âge scolaire, cette conclusion devient plus incertaine lorsqu’on examine les taux d’atteinte généraux dans la communauté. Par exemple, dans les communautés où les ménages sont de grande taille et souvent multigénérationnels, les stratégies de fermeture des écoles peuvent oublier le fait que des membres de la famille plus âgés qui sont exposés risquent davantage de souffrir de complications graves pouvant nécessiter des ressources de santé coûteuses, par exemple l’hospitalisation et les soins intensifs (29). La fermeture des écoles peut réduire les interactions des enfants à un endroit donné (c.-à-d. l’école), mais elle ne réduit pas nécessairement les contacts ailleurs dans la communauté et pourrait faire augmenter les taux d’atteinte secondaires dans les foyers. Cette observation vaut tout particulièrement pour les communautés éloignées et isolées des latitudes nordiques où les liens sociaux sont tissés serrés et les ménages surpeuplés, les habitations de moindre qualité et les mesures d’hygiène faibles, où il y a prévalence d’états de santé qui augmentent le risque de résultats graves. Il est clair qu’il est très important de comprendre les répercussions contextuelles des fermetures d’écoles dans les communautés où l’âge moyen est faible et la taille des ménages considérable.
Principaux points
• Les facteurs sociaux ont une influence marquée sur les coûts qu’implique la fermeture des écoles, qui peuvent être disproportionnés pour les ménages à faible revenu.
• Les caractéristiques sociodémographiques des communautés minoritaires défavorisées peuvent différer de celles de la population en général (p. ex., des tailles de ménages plus considérables et un plus grand nombre de ménages multigénérationnels), ce qui a des conséquences sur les risques de grippe et les coûts qui s’ensuivent (p. ex., des fermetures d’écoles qui favorisent la transmission des enfants aux aînés à la maison).
Planification de la capacité d’intervention en cas de pandémie
Les plans de lutte contre les pandémies ne sont pas le thème principal de la présente analyse, mais quelques publications abordent des aspects de la planification comme des considérations essentielles de la réussite des mesures de santé publique, y compris la fermeture des écoles. Depuis la pandémie de grippe H1N1 en 2009, des ressources considérables ont été consacrées à la préparation de plans en cas de pandémie qui ont tenu compte des leçons apprises des autres pays.
En 2011, l’Australie a évalué son intervention par suite de la pandémie de 2009 et publié un résumé de l’expérience dans lequel elle a décrit les leçons apprises pour améliorer les stratégies futures (30). De très nombreux aspects des interventions nationales et régionales en Australie concernant la pandémie ont été examinés et parmi les nombreuses recommandations, quelques-unes ont trait aux mesures de santé publique et à la fermeture des écoles et sont susceptibles de nous intéresser. Premièrement, le rapport met l’accent sur la valeur d’un système de gestion de l’information exhaustif et accessible pour orienter la prise de décisions. Il y est dit que les lignes de communication et la rétroaction doivent comprendre les soins primaires, la santé publique et tous les ordres de gouvernement, à tous les stades d’une pandémie. Des communications concertées facilitent la compréhension, l’entente et le respect des interventions de santé publique, y compris la fermeture des écoles comme stratégie d’atténuation. Les recommandations sont liées à des observations sur les difficultés que les représentants de la santé publique ont éprouvées lorsqu’ils ont voulu fermer des écoles en Australie. Malgré une bonne planification préalable en cas de pandémie, la fermeture des écoles est décrite comme une mesure perturbatrice et éprouvante, sans pouvoir établir avec certitude son efficacité à réduire la transmission de la maladie. Il y a eu une certaine confusion dans le public et chez les partenaires gouvernementaux et 24 les représentants scolaires concernant la nécessité de fermer les écoles, en particulier lorsque l’information a circulé que la pandémie n’était pas aussi grave que prévu (30). Les auteurs du rapport ont recommandé des analyses stratégiques sur la fermeture des garderies et des écoles, y compris l’attention à donner à l’interface entre la gravité de la maladie et les recommandations de fermer des établissements scolaires (30).
Rosella et ses collègues ont exploré la planification et la prise de décisions éclairées et fondées sur des faits qui ont eu lieu au Canada pendant la pandémie de 2009 (31). Ils ont fondé leur étude sur des entrevues semi-structurées avec des informateurs clés après la fin de la pandémie de 2009 et évalué 76 documents stratégiques sur le sujet. La recherche a examiné des théories pour aider à comprendre comment les décisions ont été prises et mises en œuvre. L’analyse sommaire a fait ressortir divers facteurs qui ont influencé les décisions qui ont mené à des politiques importantes, notamment la fermeture des écoles. Rosella et ses collègues ont constaté qu’il y avait eu confusion quant aux rôles et aux responsabilités des partenaires et des intervenants (31). Cette confusion, alliée à des perspectives idéologiques différentes, a mené à des décisions différentes et à des résultats différents partout au pays, compte tenu des mêmes données probantes. On a utilisé la théorie de l’évitement des conflits pour comprendre les décisions qui ont été prises et qui étaient contraires aux données probantes disponibles. Au bout du compte, il a semblé que la confiance du public avait été minée par cette disparité des décisions prises dans les différentes régions du pays. Rosella et ses collègues ont conclu qu’une meilleure transparence, une meilleure inclusion des partenaires/intervenants et la documentation des processus pourraient faciliter l’évaluation des données probantes et les décisions stratégiques (31).
Principaux points
Les leçons tirées des flambées précédentes montrent que la planification et les décisions concernant les fermetures d’écoles sont mieux prises en présence des éléments suivants :
• Planification exhaustive et communications intégrées
• Inclusivité et transparence du processus
• Consensus parmi les intervenants afin de faciliter la compréhension, l’entente et la conformité
• Capacité d’adaptation aux idéologies différentes sur l’efficacité de la fermeture des écoles et sensibilité aux conflits entre les parties pour la prise de décisions
• Clarté des rôles et des pouvoirs dans la prise de décisions
• Cohérence des messages au public
• Capacité de réagir devant la preuve de changements dans une flambée
• Meilleure prise en compte de la gravité d’une flambée de grippe
Lacunes existantes dans la recherche
Étant donné que la fermeture des écoles a la plupart du temps été une mesure réactive, la mise en œuvre d’autres stratégies d’intervention (p. ex., des traitements antiviraux ou des mesures préventives) peut aussi influencer la réduction de la transmission. Souvent, on ne sait pas si la fermeture des écoles contribue à réduire la transmission lorsque d’autres mesures d’intervention sont prises en même temps (5). Il faudrait une évaluation de la fermeture proactive des écoles lorsque d’autres mesures ne sont généralement pas mises en œuvre. Toutefois, les possibilités d’études sur les fermetures proactives sont rares, car il y a encore beaucoup de débats et aucun consensus quant à savoir si, quand et comment la fermeture proactive des écoles devrait se faire.
Compte tenu des lacunes existantes dans les données probantes sur les répercussions des fermetures d’écoles, divers sujets devraient être retenus en priorité dans d’autres recherches qui orienteront l’efficacité des politiques. Voici ces sujets :
• déterminer dans quelle mesure les résultats sont sensibles au moment où les écoles sont fermées et à la durée de ces fermetures, tant dans les stratégies réactives que proactives.
• Mener une étude comparative des stratégies réactives et proactives.
• Déterminer les seuils (p. ex., le nombre de cas déclarés) pour déclencher la fermeture réactive d’écoles en particulier ou de toutes les écoles de la communauté.
• Évaluer l’influence de facteurs démographiques et socioéconomiques sur les avantages pour la santé, de même que les coûts pour la société et les ménages des fermetures d’écoles de courte durée ou prolongées.
• Évaluer les effets à long terme de la fermeture des écoles, une fois celles-ci rouvertes.
• Évaluer l’incidence des fermetures d’écoles sur la gravité des répercussions de la grippe (p. ex., hospitalisations, admission aux USI, décès).
• Déterminer comment l’ampleur des avantages et des coûts de la fermeture des écoles est liée à d’autres mesures d’intervention, dont le traitement aux médicaments antiviraux et la vaccination.
Dans toutes les priorités de recherche, il faut tenir compte de la gravité d’une grippe pandémique et de son effet disproportionné sur différents groupes d’âge. De nombreuses études de modélisation utilisent le taux de reproduction (R0) comme paramètre pour indiquer la gravité de l’épidémie, mais le R0 n’est pas le seul facteur à déterminer l’issue de la maladie (32). Plusieurs autres facteurs influencent ces résultats, y compris des variables socioéconomiques et démographiques, la capacité des soins de santé et la mise en œuvre des programmes, de même que les comportements des personnes qui évoluent tout au long de l’épidémie. En dernier lieu, la recherche devrait porter sur la valeur relative de la fermeture des écoles par rapport à d’autres stratégies d’intervention dans différents contextes afin d’évaluer si des avantages semblables pourraient être atteints à moindre coût et à l’aide d’interventions mieux tolérées.
Discussion et conclusions
Les données probantes portant sur l’efficacité des fermetures d’écoles comme mesure de lutte contre la grippe pandémique (et la grippe saisonnière) demeurent peu concluantes. Cette situation est due en partie à la complexité de la recherche sur des stratégies très variables, dans divers contextes sociaux et différentes circonstances d’éclosion. Il est possible que les constats effectués ne soient applicables que dans le contexte étudié et ne puissent pas être généralisés. Les chercheurs soulignent le manque de données empiriques solides qui permettraient des comparaisons entre les communautés ayant opté pour la fermeture d’écoles et d’autres qui ne l’ont pas fait. De plus, il y a encore des divergences entre les définitions de cas (maladie apparentée à la grippe ou cas confirmés en laboratoire) et un manque de certitude à savoir 26 quels sont les résultats qui peuvent être significatifs pour indiquer l’efficacité de la mesure (p. ex, la diminution de la transmission ou la réduction du nombre d’admissions aux USI ou de décès).
Des données probantes récentes appuient généralement les résultats d’analyses précédentes selon lesquels lorsque les fermetures d’écoles sont appliquées tôt au début d’une pandémie, elles peuvent être utiles comme stratégie d’atténuation pour diminuer la transmission de la grippe, surtout si les taux d’atteinte par groupes d’âge montrent que les enfants sont particulièrement vulnérables. Cette stratégie atténuerait les répercussions de la grippe et réduirait le fardeau à court terme du système de soins de santé jusqu’à ce que d’autres interventions (comme la vaccination) soient possibles. Des recherches indiquent que la fermeture des écoles peut être associée à la réduction du taux d’atteinte au plus fort de l’épidémie (au pic d’incidence), mais pas aux taux d’atteinte cumulatifs. Ainsi, le nombre total de personnes infectées par le virus de la grippe ne serait peut être pas aussi diminué par cette intervention, quoique l’impact à court terme de l’éclosion puisse être atténué. Cette recherche n’a pas porté sur les questions relatives aux effets à long terme de fermetures d’écoles, ni de savoir si les fermetures d’écoles diminuent la gravité des répercussions de la maladie sur les enfants ou la population en général.
Des études ont indiqué que les fermetures d’écoles peuvent être associées à d’importantes réductions de la transmission de la grippe, ce qui a été décrit dans plusieurs pays et divers contextes d’éclosion. Par exemple, on a constaté de fortes diminutions de la transmission de la grippe durant la pandémie de H1N1 de 2009 d’après des études menées au Japon, au Mexique et à Hong Kong (p. ex., réductions de 25 % et de 29 à 37 %). Selon des données recueillies au Canada, une étude de modélisation semble indiquer que les fermetures d’écoles pourraient résulter en une réduction de 50 % de la transmission de l’infection chez les enfants d’âge scolaire. Les données probantes concernant les effets des fermetures d’écoles sur la transmission de la maladie et les taux d’atteinte chez les personnes d’autres groupes d’âge et dans la communauté sont moins uniformes, bien que la littérature présente certaines données probantes en ce sens.
Certains auteurs ont attribué les résultats améliorés aux fermetures d’écoles, indépendamment des autres influences, même s’il est plus courant de trouver des rapports qui mentionnent la difficulté de distinguer les effets des fermetures d’écoles des autres interventions prises en même temps ou d’autres causes. De plus, les éléments probants tendent à démontrer que la fermeture des écoles est plus efficace lorsqu’elle est associée à d’autres interventions, en particulier lorsque les taux d’atteinte sont plus élevés. Un exemple tiré d’études de modélisation a prédit que la combinaison de la fermeture d’écoles et des traitements antiviraux permettrait des réductions beaucoup plus importantes des taux d’atteinte au niveau communautaire. Bien que certaines stratégies combinant différentes interventions puissent être efficaces, de telles études ne répondent pas à la question de savoir s’il faut fermer les écoles ou non.
Une lacune importante des recherches sur les fermetures d’écoles est qu’elles n’ont pas répondu à la question de savoir quand et comment on doit mettre en œuvre ces mesures. Il n’y a pas eu de comparaisons effectuées entre les fermetures d’écoles réactives et les fermetures proactives dans les études visées par cette revue, ce qui peut être associé à un nombre plus grand de situations de fermetures d’écoles réactives aux fins de l’étude. La revue n’a pas non plus trouvé d’élément probant au sujet des seuils déclencheurs appropriés qui devraient être utilisés lorsqu’on envisage la fermeture réactive des écoles. Bien que les recherches indiquent pour la plupart que les fermetures d’écoles sont plus efficaces dans les cas d’épidémie à faible transmissibilité (R0), on trouve aussi des résultats contradictoires dans d’autres rapports. De même, les études de modélisation récentes comparant l’efficacité de fermetures simultanées à la grandeur de districts scolaires et les fermetures individuelles d’écoles pour la réduction de la transmission de l’infection en arrivent à des conclusions disparates. Il semble y avoir un consensus général dans la littérature selon lequel la mise en œuvre hâtive des fermetures d’écoles, c’est à dire avant que l’épidémie n’atteigne un sommet, augmente les probabilités d’effets substantiels. Cependant, des études décrivent aussi la difficulté d’obtenir assez tôt l’information nécessaire sur la souche de grippe en cause, sa transmission, les populations vulnérables et la gravité de l’infection pour pouvoir agir en temps opportun. Savoir quelle est la durée efficace des fermetures d’écoles est un enjeu capital, et pourtant, les données probantes à ce sujet sont loin d’être concluantes. Il existe certains éléments probants indiquant qu’une fermeture d’écoles pendant deux semaines peut être suffisante pour produire des effets positifs, mais d’autres variables comme le moment de la mise en œuvre et la transmissibilité de la maladie ont aussi une influence sur les résultats. Des effets positifs ont également été signalés par suite de fermetures d’écoles pour une durée plus courte encore. D’après les résultats de récentes études de modélisation, les fermetures d’écoles d’une durée plus longue peuvent avoir un impact plus grand que celles de courte durée (p. ex., 8 semaines au lieu de 2 ou 4) sur l’abaissement du pic d’incidence de l’infection et sur les taux d’atteinte dans la communauté. Toutefois, des fermetures prolongées comportent aussi des coûts élevés et sont mal tolérées.
Même lorsqu’il est démontré que la fermeture d’écoles est efficace, son coût élevé et la perturbation sociale qui s’ensuit la rendent difficile à justifier, en particulier en l’absence d’un nombre élevé de décès. Les données probantes des recherches indiquent avec constance que les coûts de la fermeture des écoles, lorsqu’elle est envisagée isolément, l’emportent de beaucoup sur les économies. De plus, ni les fermetures de courte durée ni les fermetures prolongées ne donnent un bon rapport coût efficacité. Les facteurs qui améliorent la rentabilité des fermetures d’écoles comprennent un taux de transmission élevé, la durée prolongée de la pandémie et la gravité des problèmes de santé. Ce n’est que lorsque la pandémie est sévère (lorsque le taux de létalité est de 1,5 % ou plus), que l’on peut atteindre un bon rapport coût-efficacité si la fermeture des écoles est associée à d’autres mesures de distanciation sociale, quand les interventions non pharmacologiques sont bien suivies et qu’elles s’accompagnent de traitements antiviraux et de mesures préventives dans les foyers. Notons cependant que cette conclusion correspond à un degré plus élevé de complexité d’intervention et présuppose une bonne adhésion de la population, ce qui peut être difficile à obtenir.
Une difficulté de plus dans les recherches sur les fermetures d’écoles est qu’il faut prendre en compte les variables sociales et les comportements qui influent sur l’efficacité de cette mesure. Les rapports de recherche indiquent un consensus général sur le fait que l’efficacité des fermetures d’écoles est étroitement liée à la conformité du public face aux recommandations visant à limiter les contacts sociaux dans les autres contextes communautaires durant les fermetures d’écoles. En fait, cette complexité des comportements sociaux contribue aussi à la difficulté d’évaluer l’influence des fermetures d’écoles sur les résultats généraux, étant donné que les études se sont limitées à l’examen des circonstances où les fermetures d’écoles sont combinées à d’autres mesures de distanciation sociale (p. ex., l’annulation de rassemblements de masse) ou les situations où l’on ne sait pas si d’autres mesures ont été appliquées. La littérature concernant les fermetures d’écoles admet généralement la nécessité pour les autorités en santé publique d’essayer de rehausser l’acceptation ou la conformité du public face aux mesures de distanciation sociale durant les fermetures d’écoles. La stratégie couramment proposée est une 28 communication de messages clairs sur l’importance de ces mesures, mais il reste à déterminer l’efficacité de es messages sur les comportements et les répercussions de la maladie sur la communauté.
La conformité de la population face aux recommandations des autorités sanitaires varie vraisemblablement en fonction des normes culturelles et sociales et devrait refléter les différents obstacles à la conformité en raison de la structure de la vie familiale, et du type de garde d’enfants ou du travail, mais cet aspect semble absent de la littérature. Pourtant, il y a une somme considérable de travaux de recherche sur l’efficacité des fermetures d’écoles menés dans des sociétés qui diffèrent grandement du Canada à cet égard (p. ex., la Chine-Hong Kong, le Japon, le Pérou et le Mexique).
La présente revue a porté notamment sur des rapports de recherches récentes menées en Australie (bien que l’on ne suppose pas ici que ce soit comparable à la situation au Canada) qui laissent entendre que la conformité avec les recommandations sur la distanciation sociale durant les fermetures d’écoles peut être bonne et dans certains cas, excellente. Toutefois, on peut remettre en question la qualité de cette recherche et sa capacité de généraliser ses conclusions. Tout d’abord, cette recherche a été menée dans un contexte où la grippe A (H1N1) est apparue pour la première fois, alors que l’incertitude et l’inquiétude entourant la gravité de cette nouvelle souche ont probablement influencé les comportements. Ainsi, il n’est peut être pas possible de généraliser le haut degré de conformité documenté dans cette étude à des contextes où les circonstances sont très différentes. De plus, il faut reconnaître que l’acceptabilité sociale peut être un facteur important dans les résultats des études qui misent sur les autodéclarations (bien qu’anonymes dans l’étude en question) de conformité avec les conseils des autorités en santé publique. En outre, le faible taux de réponse de cette étude (27 %) et le fait que les ménages défavorisés étaient sous représentés font craindre que les conclusions soient biaisées et ne soient pas représentatives de la population visée par l’étude. La conformité avec les recommandations de distanciation sociale qui accompagnent les fermetures d’écoles peut être fortement dépendante du contexte, et il n’y a pas de données claires indiquant dans quelle mesure les obstacles ont été surmontés.
Malgré les limites de cette recherche, une importante leçon tirée de ces travaux est que les besoins en garde d’enfants des familles touchées et les mouvements des jeunes enfants durant les fermetures d’écoles sont des facteurs importants qui influent sur l’efficacité des fermetures d’écoles. Quand des écoles ferment, les déplacements des jeunes enfants vers d’autres domiciles ou garderies, lorsque le parent ne peut pas les garder à la maison, semblent jouer grandement dans la non conformité aux recommandations visant la distanciation sociale durant la période de fermeture. On peut comprendre cette réaction considérant le peu de flexibilité que bien des parents, en particulier les femmes, rencontrent chez leurs employeurs et les coûts importants que doivent assumer les familles pour la garde de leurs enfants durant les fermetures d’écoles.
Compte tenu que les études ayant examiné la perception du public quant à la fermeture d’écoles ont signalé une faible participation dans les communautés désavantagées, il serait nécessaire de recueillir plus d’information sur les effets, les coûts et l’acceptabilité des fermetures d’écoles chez ces populations. La présente analyse attire l’attention sur des exemples de recherches qui ont évalué les interventions en situation de grippe dans des communautés éloignées et désavantagées du Canada et d’autres pays, notant que les modèles de contacts sociaux différents dans ces populations peuvent influer sur la transmission de la grippe. De plus, les frais assumés pendant les fermetures d’écoles sont démesurés pour les ménages à faible revenu, ce qui est une indication du rôle que joue l’école dans l’administration des programmes visant à fournir le déjeuner ou le dîner pour suppléer à l’alimentation des enfants, et les difficultés qu’éprouvent bien des familles pour faire garder leurs enfants à un coût abordable. Les communautés défavorisées peuvent être différentes de la population en général car elles comptent souvent plus de personnes à charge et la proportion de ménages multigénérationnels est plus élevée, ce qui peut augmenter la transmission de la grippe durant les fermetures d’écoles et représenter une situation nuisible pour les personnes âgées qui sont davantage en contact avec les enfants d’âge scolaire. Ces exemples soulèvent l’importance de soupeser non seulement les aspects économiques de fermetures d’écoles mais aussi les implications éthiques de la décision de fermer ou non les écoles comme mesure de lutte contre la grippe.
Bien que les études de modélisation aident à définir les « meilleurs scénarios » potentiels, les modèles sont également limités par l’exactitude de leurs hypothèses et leur accès à des données de qualité. Durant une éclosion de grippe, les données pertinentes peuvent être rares et l’on dispose de peu de temps pour recueillir et résumer ces données. Certaines recherches basées sur des modèles démontrent que les fermetures d’écoles sont plus efficaces à un stade où elles seraient les moins acceptables. De fait, les modèles analysés aux présentes préconisent des fermetures d’écoles pendant plusieurs semaines à quelques mois comme étant le meilleur moyen de stopper la transmission de la maladie, alors que les fermetures prolongées sont difficiles à assumer pour les familles ou les communautés touchées. Les membres des communautés ne sont pas toujours capables de maintenir la distanciation des contacts pendant toute la durée d’une fermeture prolongée, comme le supposent certaines études de modélisation. De plus, les hypothèses de départ selon lesquelles les modèles de relations sociales durant les fermetures d’écoles pendant les congés sont semblables à ceux qui s’appliquent en cas de pandémie sont difficilement défendables. Une préoccupation importante dans le contexte canadien est que les données épidémiologiques et socio démographiques employées dans ces modèles peuvent différer grandement de ces paramètres pour les populations éloignées ou rurales. Le fardeau financier et socio économique de ces fermetures est élevé pour les ménages, et l’ensemble de la société, sans garantie d’efficacité comme mesure de lutte contre la propagation de la grippe ni dans la prévention de répercussions plus graves sur la santé qui pourraient constituer la principale crainte pour le public et les professionnels de la santé publique.
FOOTNOTES
1. Cowling et coll. 2009; Cauchemez et coll. 2008; Hens et coll. 2009; Heymann et coll. 2004, cites dans Chowell et coll., 2011 (4).
2. Hatchett, Mecher et Lipsitch, 2008; Bootsma et Ferguson, 2007, cités dans Chowell et coll., 2011 (4).
3. Chowell, Echevarría-Zuno et coll. 2011; Nishiura et coll. 2009; Wu et coll. 2010; Jackson et coll. 2011; Chowell, Viboud et coll. 2011, cités dans Chowell et coll., 2011 (4).
4. Les études étaient retenues si elles décrivaient une ou plusieurs flambées de grippe pendant lesquelles les écoles étaient initialement ouvertes, puis fermées, avec ou sans autre intervention. Les études des flambées qui avaient commencé pendant une fermeture des écoles ont été exclues.
5. Les études de modélisation prédictive qui se fondaient sur des données hypothétiques de flambées ont été exclues.
6. Les méta-analyses ont consisté à représenter graphiquement les taux d’atteinte cumulatifs et les taux d’atteinte de pointe, compte tenu d’un intervalle de confiance de 95 %, en calculant une pointe normalisée (taux d’atteinte de pointe/taux d’atteinte médian) et à stratifier les données selon le moment des fermetures (avant, pendant ou après la période de pointe). Il y avait 19 des 41 courbes sur les épidémies respectivement disponibles pour la grippe saisonnière et la grippe pandémique.
7. Il y avait des données à analyser pour 5 188 ménages qui appartenaient à la communauté où l’intervention a eu lieu et 4 842 ménages de la communauté témoin; 619 personnes correspondaient à la définition de cas de MRA, soit la présence de deux symptômes ou plus parmi les suivants : fièvre, toux, mal de gorge ou nez qui coule.
8. Les chercheurs ont utilisé dans leur étude des données du système médical pour les travailleurs du secteur privé et leurs familles, ce qui représentait 40 % de la population mexicaine (107 millions de personnes).
9. Les estimations sont exprimées en prix de 2005 et pour la population du Royaume-Uni dans son ensemble (~60 million).
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