Anaplasmose

Les Points saillants du CCNMI offrent aux praticiens et aux cliniciens canadiens de la santé publique un examen actualisé des renseignements essentiels relatifs à des maladies infectieuses importantes, de manière à orienter la pratique en santé publique au Canada. Bien que cet examen ne constitue pas une revue formelle de la littérature, les renseignements proviennent de sources clés telles que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC) des États-Unis et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ainsi que de documents à comité de lecture.

Les Points saillants suivants ont été préparés par Madeline Fisher. Les questions, commentaires et suggestions à ce sujet sont les bienvenus et peuvent être envoyés à ccnmi@umanitoba.ca.

Que sont les Points saillants? Pour en savoir davantage sur la manière dont l’information est recueillie, consultez notre page consacrée aux Points saillants.

Questions abordées dans le présent bulletin :

  1. Quelles sont les principales caractéristiques de l’anaplasmose?
  2. Où en est la situation concernant les éclosions actuelles de l’anaplasmose?
  3. Quel risque les Canadiens ont-ils d’être infectés par de l’anaplasmose à l’heure actuelle?
  4. Quelles sont les mesures à prendre en cas de suspicion d’un cas de l’anaplasmose ou de contact?

Quelles sont les principales caractéristiques de l’anaplasmose?

Cause

L’anaplasmose granulocytaire humaine (AGH, ci-après appelée anaplasmose) est une infection transmise par les tiques et causée par Anaplasma phagocytophiluma, la bactérie à Gram négatif obligatoirement intracellulaire (elle infecte les neutrophiles). Dans les années 1930, l’anaplasmose a été reconnue comme un agent de maladies vétérinaires, touchant les bovins et d’autres ruminants. Toutefois, la maladie animale est causée par une souche différente, Anaplasma marginale. Le premier cas documenté chez l’humain a été recensé en 1990. Anciennement appelée ehrlichiose granulocytaire, la maladie a été renommée en 2003. Comme la population de tiques ne cesse de croître et de s’étendre, les taux de prévalence de l’anaplasmose chez l’humain sont en augmentation. L’anaplasmose est transmise à l’humain principalement par la piqûre des tiques à pattes noires et des tiques à pattes noires de l’Ouest (respectivement, Ixodes scapularis et Ixodes pacificus) qui sont aussi responsables de la transmission de la bactérie B. burgdorferi qui cause la maladie de Lyme. Ces tiques se retrouvent partout au Canada, principalement dans le centre et l’est du pays.

Signes et symptômes

Les infections causées par l’anaplasmose se manifestent par une forte poussée de fièvre accompagnée d’un ou de plusieurs des symptômes suivants : maux de tête, malaise, douleurs musculaires, thrombocytopénie, leucopénie (initialement attribuée à une lymphopénie au début de l’infection) et élévation des transaminases hépatiques. D’autres symptômes moins fréquents sont aussi observés, soit des raideurs au niveau du cou, des nausées, une toux, l’anémie et une augmentation des taux de créatinine sérique. La période d’incubation, c’est-à-dire le temps séparant la piqûre de tique et l’apparition des symptômes, varie de 5 à 21 jours.

Les piqûres de tiques étant généralement petites et indolores, bien des personnes ne savent pas qu’elles ont été piquées. Cependant, on observera souvent la présence d’une petite bosse rouge, semblable à la piqûre d’un moustique.

Gravité et complications

Dans la plupart des cas, l’anaplasmose est bénigne et guérit spontanément. Les symptômes disparaissent habituellement dans un délai de 30 jours, même sans traitement. Toutefois, des cas plus graves de la maladie sont observés chez certaines clientèles telles que les patients plus âgés, les personnes immunosupprimées et celles dont le diagnostic et le traitement ont été reportés.

Parmi les complications figurent la septicémie ou le syndrome du choc toxique, l’insuffisance respiratoire, les infections opportunistes invasives, la rhabdomyolyse, la pancardite, l’insuffisance rénale aiguë, l’hémorragie et certains troubles neurologiques. Le taux de décès varie entre 0,2 et 1,2 %.

Épidémiologie

Généralités

Au Canada, les vecteurs de l’anaplasmose sont les tiques Ixodes scapularis (à pattes noires), I. pacificus (à pattes noires de l’Ouest) et I spinipalpis (de la souris). Puisque ces tiques à corps dur ne peuvent pas héberger continuellement la bactérie Anaplasma phagocytophilum, elles ne sont pas des hôtes réservoirs. La souris à pattes blanches, la souris sylvestre et le cerf de Virginie sont des hôtes réservoirs. La bactérie peut être transmise à l’humain par la tique à tous les stades de son développement : larve, nymphe ou adulte.

Le temps moyen nécessaire à la transmission de la maladie est de 24 à 48 heures chez l’humain. Toutefois, un petit nombre de nymphes infectées ont été en mesure de transmettre la bactérie en moins de 24 heures. La transmission se fait généralement par les tiques, mais on a également décrit qu’elle se produit lors de la manipulation directe d’hôtes réservoirs infectés (p. ex. le cerf de Virginie), lors d’une transfusion de sang ou de moelle osseuse, et d’une transplantation d’organe. La transmission par des animaux non vecteurs, comme les animaux de compagnie, et la transmission interhumaine n’ont pas encore été documentées. 

Au Canada, le Manitoba est la seule province où l’anaplasmose est une maladie à déclaration obligatoire, et il existe peu d’information sur la fréquence des tiques infectées. Cependant, des populations établies de tiques à pattes noires ont été répertoriées en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au sud du Québec, à l’est, au sud-ouest et au nord-ouest de l’Ontario, ainsi qu’au sud du Manitoba. Le risque de contracter l’anaplasmose augmente selon la taille de la population de tiques. Les zones à risque élevé de la maladie de Lyme sont aussi celles qui affichent le plus grand risque posé par l’anaplasmose.

Les infections peuvent se produire en tout temps de l’année, bien que la principale période d’infection soit durant la saison chaude, soit d’avril à septembre. Au Manitoba, la période où le risque est le plus élevé s’étend de mai à juillet, lorsque les tiques à pattes noires à l’état de nymphe sont actives. On observe un second pic, plus modeste, qui va d’octobre à novembre quand les tiques à pattes noires adultes sont les plus actives. 

La période d’incubation de l’anaplasmose varie entre 5 et 21 jours. La plupart des patients symptomatiques qui se rappellent avoir été piqués par une tique affirment que la piqûre a eu lieu entre 7 et 14 jours avant l’apparition des symptômes.

Diagnostic clinique et de laboratoire

La détection précoce est importante pour prévenir la maladie grave. L’anaplasmose devrait être traitée à la suite d’une suspicion clinique, et le traitement antibiotique ne devrait pas être repoussé dans l’attente des résultats d’un test de laboratoire. Il est nécessaire de procéder à un examen complet du patient pour déterminer s’il a récemment été piqué par une tique, s’il est allé dans des secteurs boisés ou couverts d’arbustes, ou s’il s’est rendu dans des régions où l’anaplasmose est répandue. Si l’on suspecte l’anaplasmose selon l’examen, les signes et les symptômes qui ont été mentionnés, le traitement ne devrait pas être retardé dans l’attente des résultats du test. Puisqu’il est impossible de prévoir si la maladie se résorbera d’elle-même chez un patient, toutes les personnes présentant des symptômes devraient recevoir un traitement.

Il existe plusieurs tests disponibles pour diagnostiquer l’anaplasmose, y compris le test PCR, les tests sérologiques, les tests de détection d’anticorps, la microscopie des frottis sanguins et les tests IHC et de cultures. Le test optimal dépend du moment de la maladie. Le test PCR est le plus sensible durant la première semaine de la maladie, la sensibilité diminuant rapidement après l’administration d’antibiotiques. Les tests sérologiques et de détection d’anticorps nécessitent deux prélèvements espacés de 2 à 4 semaines et sont souvent négatifs la première semaine de la maladie. Les tests de frottis sanguins ne doivent pas être utilisés comme seule source d’information, car ils sont relativement peu sensibles par rapport aux autres tests. Enfin, l’isolement par culture cellulaire peut uniquement être réalisé dans des laboratoires spécialisés; les cultures de routine effectuées en milieu hospitalier ne permettent pas de détecter l’organisme. Des résultats de test faussement négatifs peuvent être obtenus dans les 7 à 10 premiers jours de la maladie. Les professionnels de la santé ne devraient donc pas exclure les tests négatifs qui sont effectués durant cette période, mais administrer plutôt un traitement fondé sur les symptômes cliniques. Les résultats des tests sanguins montrant un faible taux de plaquettes, un nombre peu élevé de globules blancs ou un une concentration élevée d’enzymes hépatiques peuvent également indiquer la présence d’une infection.

Prévention et contrôle

Le principal moyen de prévenir l’anaplasmose consiste à éviter les piqûres de tiques. S’informer sur les risques des maladies transmises par les tiques, sur l’équipement de protection personnelle à utiliser et sur les mesures à prendre en cas de piqûre de tique permet de réduire au minimum le nombre de cas d’anaplasmose, et leur gravité.

Des conseils pour vous protéger à l’extérieur :

  • Sachez où se trouvent les tiques
    • Les tiques vivent dans les prairies herbeuses, les broussailles et les boisés
    • Évitez les secteurs d’herbes hautes et les endroits recouverts de feuilles mortes
  • Vérifiez la présence de tiques sur vos vêtements et votre corps après avoir été à l’extérieur
  • Pensez à traiter vos vêtements avec de la perméthrine avant de sortir ou d’acheter des vêtements et de l’équipement traités à la perméthrine
  • Prenez un bain ou une douche dans les deux heures suivant votre retour à l’intérieur
  • Marchez au milieu des sentiers
  • Portez des vêtements couvrants; mettez votre chemise dans votre pantalon et tirez vos chaussettes sur les jambes de votre pantalon
  • Vérifiez vos animaux de compagnie pour empêcher les tiques d’entrer dans la maison
  • Prenez des mesures pour réduire les tiques dans votre jardin

Si une tique s’est fixée à votre peau :

  1. Utilisez une pince à épiler pour saisir la tique le plus près possible de la peau
  2. Tirez lentement vers le haut en évitant de faire pivoter ou d’écraser la tique
  3. Nettoyez la zone de la piqûre avec de l’eau et du savon
  4. Notez la date à votre calendrier aux fins de référence

Vaccination

Il n’existe aucun vaccin pour prévenir l’anaplasmose chez l’humain. Actuellement, un vaccin vétérinaire est administré aux États-Unis, mais aucun n’a été approuvé au Canada.

Traitement

Il existe plusieurs traitements antibiotiques, comme la doxycycline, la tétracycline et la rifampicine. La doxycycline est actuellement recommandée comme traitement de première ligne pour les adultes et les enfants de tous âges. L’absence de réponse au traitement dans les 48 à 72 premières heures peut indiquer qu’il s’agit d’une autre maladie transmise par la tique ou d’une infection opportuniste secondaire. La rifampicine a fait ses preuves comme solution de rechange efficace à la doxycycline chez les patients allergiques à la doxycycline.

La plupart des symptômes disparaissent habituellement dans les 30 jours suivant leur apparition, même sans traitement antibiotique. Aucun cas de maladie clinique active persistante n’a été signalé au-delà de 60 jours.

Qu’arrive-t-il avec les éclosions actuelles?

Le nombre de cas d’infection recensé dans le monde ne cesse de croître depuis le premier cas d’anaplasmose confirmé en 1990. On a retrouvé des tiques infectées à l’Anaplasma phagocytophilum en Amérique du Nord, en Europe et en Asie, la plus grande incidence étant en Amérique du Nord. Aux États-Unis, les données les plus récentes font état de 5 655 cas annuellement en 2019.

Quel est le risque actuel pour les Canadiens?

Au Canada, le premier cas enregistré à l’échelle nationale a été recensé en 2009 chez un résident de l’Alberta. Le Manitoba est la seule province qui oblige la déclaration de l’anaplasmose. Entre 2015 et 2019, les cas confirmés annuellement au Manitoba étaient respectivement de 2, 11, 6, 14 et 4. Le premier cas d’anaplasmose en Ontario a été détecté en 2018.

On suppose que le niveau de risque au Canada est relativement faible, mais à la hausse. Le risque est le plus élevé dans les régions où les populations de vecteurs sont établies, en particulier en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick, au sud du Québec, à l’est, au sud-ouest et au nord-ouest de l’Ontario, ainsi qu’au sud du Manitoba.

Quelles mesures doivent être prises pour les contacts ou les cas soupçonnés?

Manitoba

Les cas cliniques doivent être signalés à Santé Manitoba, Santé et Soins aux personnes âgées, à l’aide du formulaire de rapport de cas cliniques sur les maladies transmises par les tiques (Tick-Borne Diseases Clinical Case Report) (lien ci-dessous) et transmis par télécopieur à l’unité de contrôle des maladies transmissibles (Communicable Disease Control Unit).

Canada

Aucun protocole n’est prévu pour les cas soupçonnés dans les autres provinces et territoires.