Les Points saillants du CCNMI offrent aux praticiens et aux cliniciens canadiens de la santé publique un examen actualisé des renseignements essentiels relatifs à des maladies infectieuses importantes, de manière à orienter la pratique en santé publique au Canada. Bien que cet examen ne constitue pas une revue formelle de la littérature, les renseignements proviennent de sources clés telles que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (CDC) des États-Unis et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ainsi que de documents à comité de lecture.
Les Points saillants suivants ont été préparés par Meghana Aithal. Les questions, commentaires et suggestions à ce sujet sont les bienvenus et peuvent être envoyés à ccnmi@umanitoba.ca.
Que sont les Points saillants? Pour en savoir davantage sur la manière dont l’information est recueillie, consultez notre page consacrée aux Points saillants.
Questions abordées dans le présent bulletin :
- Quelles sont les principales caractéristiques de Bartonella quintana?
- Quelle est la situation actuelle relative à la flambée de Bartonella quintana?
- Quel est le risque actuellement associé à B. quintana pour les Canadiens?
- Quelles mesures faut-il prendre concernant un cas présumé d’infection à B. quintana ou un contact potentiel?
Quelles sont les principales caractéristiques de Bartonella quintana?
Caractéristiques et causes
La bartonellose est un groupe de maladies infectieuses causées par des bactéries appartenant au genre Bartonella. Ce sont des bactéries exigeantes, aérobies, à Gram négatif, en forme de cocci et de bâtonnets courts, et hémotropes. Elles envahissent les érythrocytes et la paroi des vaisseaux sanguins, où elles prolifèrent ensuite. On recense au moins 22 espèces qui sont transmises par des vecteurs, dont 14 sont connues pour être zoonotiques. Les trois principaux vecteurs sont les phlébotomes, les puces et les poux de corps. Le présent Points saillants porte sur l’espèce Bartonella quintana, aussi connue sous le nom « fièvre des tranchées » en raison du nombre élevé de cas observés chez les soldats des tranchées pendant la Première Guerre mondiale, et qui est une maladie émergente au Canada.
Fiches techniques santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)
Signes et symptômes
Les symptômes caractéristiques de Bartonella quintana sont les céphalées, une éruption maculopapulaire sur l’abdomen, des lésions papulaires, une apparition soudaine de frissons et une fièvre récidivante. Il arrive aussi que de la douleur aux os (surtout au niveau du cou, des tibias et du dos) ainsi qu’une augmentation du volume de la rate ou du foie soient observées. Des cas d’endocardite à culture négative peuvent aussi survenir en présence de B. quintana, et les valves mitrale et aortique sont généralement touchées; le risque d’embolie est alors très élevé. Chez les personnes ayant un bon système immunitaire, la maladie se résorbe spontanément, bien qu’on ait observé des cas de bactériémie récidivante et chronique. Chez les personnes immunocompétentes, des épisodes fébriles se produisent environ de 15 à 25 jours après l’infection. Les épisodes de fièvre durent de 4 à 5 jours et réapparaissent de 3 à 5 fois.
Les patients immunosupprimés peuvent éprouver des symptômes moins courants, comme l’endocardite et l’angiomatose bacillaire. Les facteurs de risque connus de ces complications sont l’itinérance, l’alcoolisme et l’infestation de poux de corps. L’endocardite causée par B. quintana est associée aux personnes n’ayant jamais eu de lésions valvulaires. L’angiomatose bacillaire entraîne une prolifération néovasculaire à la surface de la peau, plus particulièrement chez les personnes ayant le sida. Les lésions remplies de sang, qui saignent facilement et qui sont entourées d’une zone squameuse sont caractéristiques de cette infection. On a également signalé un petit nombre de cas de B. quintana ayant causé une endocardite et une angiomatose bacillaire chez des personnes immunocompétentes.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Bartonellosis – National Organization for Rare Disorders (en anglais seulement)
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)
Facts about Bartonella quintana infection (‘trench fever’) – European Centre for Disease Prevention and Control (en anglais seulement)
Bartonella, a common cause of endocarditis: a report on 106 cases and review – Journal of Clinical Microbiology (en anglais seulement)
Case series of Bartonella quintana blood culture-negative endocarditis in Washington, DC – Journal of Medical Microbiology (en anglais seulement)
Gravité et complications
Bien qu’aucun décès connu n’ait été associé à l’état de fièvre de la maladie, on a observé un taux de mortalité de 11,9 % associé à une endocardite à l’échelle mondiale. Chez les patients immunosupprimés, l’angiomatose bacillaire prend une forme plus grave et, si l’infection n’est pas traitée, peut menacer le pronostic vital.
L’endocardite associée à une infection à Bartonella est souvent diagnostiquée dans les tissus prélevés lors du remplacement de valvules cardiaques.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Épidémiologie
Des cas de Bartonella quintana ont été recensés dans le monde entier, avec des pointes durant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Depuis les années 1990, on observe une résurgence de la maladie parmi les populations de sans-abris tant en Europe qu’aux États-Unis.
Huit cas ont été signalés au Canada depuis les années 1990, dont cinq ont été détectés depuis 2019. La maladie est probablement très sous-diagnostiquée. Un sondage épidémiologique réalisé dans un hôpital français a indiqué que 30 % des 71 personnes sans-abris avaient des titres d’anticorps contre B. quintana et que 14 % d’entre elles étaient atteintes d’une bactériémie. Une étude américaine menée entre 2000 et 2003 a permis de découvrir que 5,4 % des 930 personnes itinérantes non hospitalisées et testées étaient atteintes d’une bactériémie. Peu après la détection de quatre cas à Denver en 2019, une étude a révélé que 15 % des Denverois en situation d’itinérance qui se sont présentés pour un test de dépistage de la COVID‑19 étaient également séroréactifs à Bartonella.
Les principaux facteurs de risque sont l’itinérance, l’infestation de poux de corps, l’alcoolisme, le mode de vie communautaire dans des logements surpeuplés et insalubres, et les mauvaises conditions sanitaires.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)
Trench fever, rare disease that afflicted WWI soldiers, detected in homeless Winnipeggers – CBC News (en anglais seulement)
Bartonella Seroactivity Among Persons Experiencing Homelessness During an Outbreak of Bartonella quintana in Denver, Colorado, 2020 – Oxford Academic (en anglais seulement)
Réservoir et transmission
La transmission de la bactérie se fait principalement par un vecteur, le pou de corps Pediculus humanus. Après avoir ingéré B. quintana lorsqu’il se nourrit du sang d’un humain infecté, le pou de corps est infecté pour la vie. La bactérie prolifère et se répand dans le tractus intestinal du pou, après quoi elle est excrétée dans les fèces. Étant donné que les fèces peuvent demeurer infectées pendant un an, des cas peuvent encore survenir même après l’élimination d’une population de poux. La bactérie est transmise aux humains lorsqu’ils se grattent, quand les fèces infectées pénètrent par frottement dans une peau abîmée ou dans les yeux.
Les humains sont des réservoirs de B. quintana; il est probable que les chats et certains primates soient aussi des réservoirs de la maladie.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Facts about Bartonella quintana infection (‘trench fever’) – European Centre for Disease Prevention and Control (en anglais seulement)
Période d’incubation
La période d’incubation de Bartonella quintana varie de 15 à 25 jours.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Diagnostic
Outre par la surveillance des symptômes, il est possible de diagnostiquer B. quintana à l’aide d’un test sérologique visant à déterminer les anticorps présents dans le sérum sanguin, en utilisant l’immunofluorescence indirecte comme méthode de référence. Si les titres d’anticorps IgG sont supérieurs à 1:50, une infection à Bartonella est possible. Cependant, il faut savoir que les réactions croisées sont possibles. Il est également possible de cultiver B. quintana par mise en plaques directe sur milieu gélosé au sang, par coculture dans un milieu de culture cellulaire et par hémocultures ensemencées sur bouillon. Toutefois, pour l’établissement du diagnostic, il est difficile de détecter B. quintana au moyen d’une hémoculture, car le processus de croissance prend plusieurs jours ou plusieurs semaines, et les tests peuvent redevenir négatifs même en présence d’une infection. Des tests PCR effectués sur du sang et des tissus, ainsi qu’une immunohistochimie effectuée sur des tissus, peuvent aussi être utilisés pour détecter la bactérie.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)
Bartonellosis – National Organization for Rare Disorders (en anglais seulement)
Mesures de prévention et de lutte
Il est possible de lutter contre la maladie en améliorant les mesures sanitaires dans les refuges pour sans-abris et les autres environnements d’hébergement collectif très achalandés. Ces mesures comprennent les suivantes :
- Procéder à la détection et au traitement rapides des poux de corps
- Nettoyer fréquemment les pièces d’habitation
- Laver les articles partagés, comme la literie ou les serviettes, à une température supérieure à 60 °C
- Soigner et recouvrir rapidement les plaies cutanées
- Encourager les personnes vivant dans ces environnements à se laver souvent les mains avec de l’eau et du savon, et à éviter de se toucher ou de se frotter le visage
Pour lutter contre la maladie, les professionnels de la santé peuvent effectuer des tests sérologiques et des tests d’hémoculture à des personnes itinérantes ou qui habitent dans des milieux d’hébergement surpeuplés ou insalubres, même si elles ne présentent pas de signes ni de symptômes cliniques.
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)
Bartonella Infection (Cat Scratch Disease, Trench Fever, and Carrion’s Disease) – Centers for Disease Control and Prevention (en anglais seulement)
Vaccination
Il n’existe actuellement pas de vaccin contre B. quintana ou pour le genre Bartonella. Il n’existe pas non plus de vaccins destinés aux animaux.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Traitement
Bien que le rétablissement complet d’une infection à B. quintana se produise généralement à l’intérieur d’un délai de 1 à 2 mois, il arrive que certains patients présentent une bactériémie chronique. Les antibiotiques sont utilisés dans ces cas. L’administration conjointe de la doxycycline et de la gentamicine permet de traiter efficacement la bactériémie chronique et est reconnue pour aider à soigner l’endocardite. En ce qui a trait à l’angiomatose bacillaire, un traitement prolongé à l’érythromycine devrait être privilégié, et l’administration de doxycycline serait une deuxième option.
Les pénicillines, les céphalosporines, le chloramphénicol, les tétracyclines, la rifampicine, les fluoroquinolones, le cotrimoxazole et les macrolides sont également connus pour limiter la croissance bactérienne du genre Bartonella, mais ne sont pas recommandés comme traitement de première ligne. On a observé une résistance bactérienne aux fluoroquinolones.
Il est également essentiel de traiter rapidement les infestations de poux de corps. L’administration orale d’ivermectine s’est révélée efficace chez des personnes aux prises avec des poux et vivant dans des refuges pour sans-abris. Les poux de corps vivent dans les vêtements et se déplacent sur la peau uniquement pour se nourrir. C’est pourquoi il est aussi possible de s’en débarrasser en faisant bouillir ou en traitant tous les vêtements dans une solution contenant 10 % de DDT, 1 % de malathion et 1 % de poussière de perméthrine.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)
Facts about Bartonella quintana infection (‘trench fever’) – European Centre for Disease Prevention and Control (en anglais seulement)
Quelle est la situation actuelle relative à la flambée de Bartonella quintana?
La bartonellose causée par B. quintana est considérée comme une « maladie résurgente » en Amérique du Nord depuis les années 1990. La flambée la plus récente s’est produite à Denver, au Colorado, chez des personnes vivant en situation d’itinérance. Quatre cas ont été recensés le 20 juillet 2020, et il s’est avéré que 15 % des personnes vivant en situation d’itinérance et qui se sont présentées pour un test de dépistage de la COVID‑19 étaient séroréactives à Bartonella.
Rare trench fever found among Denver’s homeless population – The Denver Post (en anglais seulement)
Bartonella Seroactivity Among Persons Experiencing Homelessness During an Outbreak of Bartonella quintana in Denver, Colorado, 2020 – Oxford Academic (en anglais seulement)
Canada
La bartonellose causée par B. quintana est plutôt rare au Canada, huit cas ayant été détectés depuis le milieu des années 1990. La majorité des cas diagnostiqués ont été recensés ces dernières années, ce qui laisse à penser que la maladie est résurgente au Manitoba (1 cas en 2015), en Alberta (1 cas en 2019) et au Manitoba (4 cas en 2020). Selon les résultats sérologiques obtenus auprès de populations de sans-abris aux États-Unis d’Amérique et en Europe, il est fort probable que la maladie soit sous-diagnostiquée.
Trench fever, rare disease that afflicted WWI soldiers, detected in homeless Winnipeggers – CBC News (en anglais seulement)
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)
Endocarditis due to Bartonella quintana, the etiological agent of trench fever – Canadian Medical Association Journal (en anglais seulement)
Quintessential Culture-Negative Endocarditis – Canadian Journal of Cardiology (en anglais seulement)
Quel est le risque actuellement associé à B. quintana pour les Canadiens?
B. quintana est rare au Canada et le risque général associé à cette bactérie est faible. Les populations de sans-abris, ainsi que les personnes vivant dans des logements insalubres ou surpeuplés, sont plus à risque.
Quelles mesures faut-il prendre concernant un cas présumé d’infection à B. quintana ou un contact potentiel?
Prise en charge des cas et gestion des contacts
Si l’on est devant un cas présumé d’infection à B. quintana en raison du milieu de vie d’un patient, il est nécessaire d’effectuer des tests sérologiques et des tests d’hémoculture, même en l’absence de signes et de symptômes cliniques. Si l’on soupçonne une endocardite ou une angiomatose bacillaire, il faut effectuer des tests immunohistochimiques et PCR (respectivement sur les valvules cardiaques et sur du tissu cutané prélevé). La bactériémie chronique et l’endocardite doivent être traitées à la doxycycline conjointement avec la gentamicine. Pour l’angiomatose bacillaire, un traitement prolongé à l’érythromycine est recommandé.
Les infections à B. quintana ne sont pas à déclaration obligatoire au Canada. Des directives élaborées par le gouvernement du Canada concernant la gestion de l’infection sont disponibles.
Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Bartonella quintana – Santé Canada
Bartonella quintana Characteristics and Clinical Management – Emerging Infectious Diseases (en anglais seulement)