Francisella tularensis (tularémie)

Les Points saillants du CCNMI offrent aux praticiens et aux cliniciens canadiens de la santé publique un examen actualisé des renseignements essentiels relatifs à des maladies infectieuses importantes, de manière à orienter la pratique en santé publique au Canada. Bien que cet examen ne constitue pas une revue formelle de la littérature, les renseignements proviennent de sources clés telles que l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ainsi que de documents à comité de lecture.

Le prĂ©sent bulletin a Ă©tĂ© prĂ©parĂ© par Bannet Brar. Les questions, commentaires et suggestions Ă  ce sujet sont les bienvenus et peuvent Ăªtre envoyĂ©s Ă  nccid@manitoba.caQue sont les Points saillants? Pour en savoir davantage sur la manière dont l’information est recueillie, consultez notre page consacrĂ©e aux Points saillants.

Questions abordées dans les points saillants :

  1. Quelles sont les principales caractéristiques de Francisella tularensis?
  2. Quelle est la situation actuelle relative aux flambées de Francisella tularensis?
  3. Quel est le risque actuellement associé à Francisella tularensis pour les Canadiens?
  4. Quelles mesures faut-il prendre concernant un cas présumé de Francisella tularensis ou un contact potentiel?

Caractéristiques

Francisella tularensis est un coccobacille immobile gram-nĂ©gatif aĂ©robie, non sporulĂ© et nĂ©cessitant de la cystĂ©ine pour se dĂ©velopper. On reconnaĂ®t deux biovars de tularĂ©mie : le type A (très virulent), qui se trouve principalement aux États-Unis, et le type B (bĂ©nin), qui existe dans l’hĂ©misphère nord.

Causes

La tularĂ©mie est une maladie bactĂ©rienne qui peut Ăªtre transmise aux animaux et aux humains. En AmĂ©rique du Nord, elle est prĂ©sente chez les animaux sauvages, notamment les rongeurs, les lapins, les rats musquĂ©s et les castors. Les humains peuvent Ăªtre infectĂ©s par des piqĂ»res de tique et de mouche Ă  chevreuil, par contact cutanĂ© avec des animaux infectĂ©s, par ingestion d’eau contaminĂ©e et par inhalation d’aĂ©rosols ou de poussière agricole et paysagère contaminĂ©s. Les lapins, les lièvres et les rongeurs sont Ă©galement sensibles, et le taux de dĂ©cès peut Ăªtre Ă©levĂ© en cas de flambĂ©e. Aucune transmission de personne Ă  personne n’a Ă©tĂ© enregistrĂ©e.

Signes et symptĂ´mes

Les symptĂ´mes de la tularĂ©mie varient en fonction du mode d’infection de la personne, la maladie pouvant Ăªtre de bĂ©nigne Ă  mortelle. Toutes les formes de la maladie (Ă©numĂ©rĂ©es ci-dessous) s’accompagnent d’une fièvre pouvant atteindre 40 Â°C (104 Â°F).

Les six formes principales de tularĂ©mie sont Ă©numĂ©rĂ©es ci-dessous avec la cause principale et les symptĂ´mes courants. Les formes ulcĂ©ro-glandulaire et glandulaire sont les plus courantes. Les symptĂ´mes comprennent gĂ©nĂ©ralement de la fièvre, des frissons, des maux de tĂªte, de la fatigue, des malaises thoraciques, de la toux, des maux de gorge, des vomissements, de la diarrhĂ©e et des douleurs abdominales.

Forme de maladie Cause Signes et symptĂ´mes
UlcĂ©ro-glandulaire Forme la plus couranteSurvient après une morsure de tique ou de mouche Ă  chevreuil, ou après la manipulation d’un animal infectĂ©.Un ulcère cutanĂ© apparaĂ®t Ă  l’endroit oĂ¹ la bactĂ©rie a pĂ©nĂ©trĂ© dans l’organisme. L’enflure des ganglions lymphatiques rĂ©gionaux, gĂ©nĂ©ralement au niveau de l’aisselle ou de l’aine, est gĂ©nĂ©ralement associĂ©e Ă  la formation de l’ulcère.
Glandulaire Forme couranteSurvient généralement à la suite de la morsure d’une tique ou d’une mouche à chevreuil infectée, ou après la manipulation d’animaux malades ou morts.Symptômes similaires à ceux de la forme ulcéro-glandulaire, mais sans ulcère.
Oculo-glandulaireSurvient lorsque la bactĂ©rie pĂ©nètre dans l’œil, p. ex. lorsqu’une personne dĂ©pèce un animal infectĂ© puis se touche les yeux.Irritation et inflammation de l’œil et enflure des ganglions lymphatiques devant l’oreille.
OropharyngéeRésulte de la consommation d’aliments ou d’eau contaminés.Peuvent inclure le mal de gorge, des ulcères buccaux, l’amygdalite et l’enflure des ganglions lymphatiques du cou, du pharynx ou des amygdales.
Pneumonique Forme la plus graveRĂ©sulte de l’inhalation de poussières ou d’aĂ©rosols contaminĂ©s par la bactĂ©rie. Peut Ă©galement survenir lorsque d’autres formes de tularĂ©mie (p. ex., ulcĂ©ro-glandulaire) ne sont pas traitĂ©es et que la bactĂ©rie se propage par circulation sanguine jusqu’aux poumons.Toux, douleur thoracique et difficultĂ© Ă  respirer.
TyphoĂ¯de Se caractĂ©rise par une combinaison des symptĂ´mes gĂ©nĂ©raux de la maladie (sans les symptĂ´mes localisĂ©s des autres syndromes).

Gravité et complications

La tularĂ©mie peut Ăªtre difficile Ă  diagnostiquer, car il s’agit d’une maladie rare dont les symptĂ´mes peuvent Ăªtre confondus avec d’autres maladies. Par consĂ©quent, il est important de signaler au fournisseur de soins de santĂ© toute exposition potentielle aux tiques et aux mouches Ă  chevreuil ou tout contact avec des animaux malades ou morts. La plupart des patients se rĂ©tablissent complètement. Dans le cas de la tularĂ©mie ulcĂ©ro-glandulaire, la fièvre dure de 3 Ă  6 semaines sans traitement. Le taux de mortalitĂ© se situe Ă  environ 35 % pour les souches de type A et entre 5 et 15 % pour le type B. Les personnes les plus Ă  risque de contracter une forme grave de la maladie comprennent les personnes Ă¢gĂ©es, les personnes atteintes de maladies respiratoires et les personnes dont le système immunitaire est affaibli.

Épidémiologie

Renseignements généraux

La tularĂ©mie de type B se trouve en AmĂ©rique du Nord ainsi qu’en Europe continentale, en Russie, en Chine et au Japon. Cette maladie est prĂ©sente toute l’annĂ©e. Cependant, on remarque une prĂ©valence plus Ă©levĂ©e au dĂ©but de l’hiver (pendant la saison de la chasse au lapin) et en Ă©tĂ© (lorsque les tiques et les mouches Ă  chevreuil sont nombreuses). Chaque annĂ©e, le nombre de cas montre des Ă©carts qui peuvent Ăªtre attribuables Ă  la tempĂ©rature et aux prĂ©cipitations. Le changement climatique peut influer sur les populations de rongeurs; l’augmentation du nombre de rongeurs infectĂ©s peut mener Ă  une augmentation du nombre de cas. La maladie peut toucher des personnes de tout Ă¢ge, mais on remarque un taux d’incidence plus Ă©levĂ© chez les hommes de tous les groupes dâ€™Ă¢ge, ce qui pourrait Ăªtre attribuable Ă  leurs activitĂ©s professionnelles et rĂ©crĂ©atives en plein air.

Période d’incubation

La pĂ©riode d’incubation de la tularĂ©mie dĂ©pend de la virulence de la souche infectieuse, de la taille de l’inoculum (dose) et du type de contact avec la personne. Cette pĂ©riode varie entre 1 et 21 jours, mais elle dure gĂ©nĂ©ralement de 3 Ă  5 jours. On connaĂ®t environ 5 Ă  10 organismes qui sont Ă  l’origine de la maladie par voie respiratoire, et de 106 Ă  108 organismes qui transmettent la maladie par ingestion.

Réservoir et transmission

Les réservoirs comprennent plus d’une centaine d’espèces d’animaux sauvages, notamment le lapin, le lièvre, le rat musqué, le castor, plusieurs tiques dures, la mouche à chevreuil, le moustique et les oiseaux. Divers arthropodes sont connus pour transmettre la maladie entre des hôtes mammifères. Les tiques sont considérées comme un vecteur important à l’est des Rocheuses aux États-Unis.

La transmission peut se produire à partir de sang ou de tissus d’animaux infectés, de liquides de mouches infectées, de tiques, de piqûres d’arthropodes (mouche à chevreuil, moustique) et de tiques qui entrent en contact avec la peau ou la muqueuse oropharyngée. La transmission peut également survenir lors de l’ingestion d’aliments ou d’eau potable contaminés et de l’inhalation de poussière contaminée. La transmission par morsures d’animaux est rare. La tularémie ne se transmet pas directement d’une personne à l’autre.

Chez une personne qui ne reçoit aucun traitement, l’agent infectieux se trouve dans le sang pendant les deux premières semaines de la maladie et dans les lĂ©sions pendant un mois. Les mouches sont infectantes pendant 14 jours, et les tiques le sont tout au long de leur vie (2 ans).

Diagnostic en laboratoire

Des analyses sanguines et des cultures peuvent confirmer le diagnostic. Les spĂ©cimens cliniques appropriĂ©s incluent des Ă©chantillons prĂ©levĂ©s par Ă©couvillonnage ou par grattage des lĂ©sions cutanĂ©es, des aspirats ou des biopsies de ganglions lymphatiques, des Ă©chantillons prĂ©levĂ©s par Ă©couvillonnage pharyngĂ©, des prĂ©lèvements d’expectoration et des aspirats gastriques. La confirmation de l’infection par le laboratoire est Ă©galement notĂ©e s’il y a une augmentation importante (par un facteur de quatre ou plus) du titre des anticorps spĂ©cifiques contre l’antigène de F. tularensis, ou si l’acide nuclĂ©ique de F. tularensis peut Ăªtre dĂ©tectĂ© par rĂ©action en chaĂ®ne de la polymĂ©rase (RCP) ou par analyse des sĂ©quences.

Mesures de prévention et de lutte

La prévention comprend principalement la prise de mesures de protection individuelle.

Pour les randonnĂ©es, le camping ou le travail Ă  l’extĂ©rieur, il est recommandĂ© de porter un pantalon long, des manches longues et des chaussettes longues pour empĂªcher tout contact des tiques et des mouches Ă  chevreuil avec la peau, de ne pas boire d’eau de surface non traitĂ©e et d’éliminer les tiques rapidement avec une pince Ă  Ă©piler Ă  pointe fine. Lors des travaux d’amĂ©nagement paysager, il est recommandĂ© de ne pas passer la tondeuse sur des animaux malades ou morts. Lors des activitĂ©s de chasse, de piĂ©geage ou de dĂ©pouillage d’animaux, il est recommandĂ© de porter des gants pour manipuler les animaux (en particulier les lapins, les rats musquĂ©s, les chiens de prairie et autres rongeurs) et de bien faire cuire la viande de gibier avant de la consommer.

L’hypochlorite de sodium Ă  1 %, l’éthanol Ă  70 %, le glutaraldĂ©hyde et le formaldĂ©hyde sont des dĂ©sinfectants efficaces.

Vaccination

Un vaccin contre la tularémie est à l’étude au Secrétariat américain aux produits alimentaires et pharmaceutiques (FDA), mais aucun n’est actuellement disponible.

Traitement

Le traitement aux antibiotiques se rĂ©vèle efficace. La streptomycine est le mĂ©dicament que l’on privilĂ©gie par expĂ©rience, en raison de son efficacitĂ©. La gentamicine est considĂ©rĂ©e comme une solution de rechange car son taux d’efficacitĂ© demeure plus faible. Un traitement aux aminosides est recommandĂ© pendant 10 jours. Les tĂ©tracyclines peuvent remplacer les aminosides chez les patients moins gravement atteints.

La tularĂ©mie est une maladie rare au Canada, car seuls quelques cas ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s. Selon l’Agence de la santĂ© publique du Canada, 9 cas de tularĂ©mie ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s en 2013 et 10 cas en 2014.

Manitoba

Quatre cas ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s Ă  SantĂ©, AĂ®nĂ©s et Vie active au Manitoba en 2013 et deux cas par annĂ©e ont Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©s en 2014 et en 2015. On n’a dĂ©clarĂ© aucune Ă©closion chez les humains.

Ontario

Aucun cas n’a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© en 2019, mais 6 cas en tout ont Ă©tĂ© confirmĂ©s de 2005 Ă  2018.

Colombie-Britannique

Il y a eu 16 cas de tularĂ©mie entre 1991 et 2007.

Le lien ci-dessous mène Ă  une carte des États-Unis montrant les cas dĂ©clarĂ©s en 2018 [en anglais].

https://www.cdc.gov/tularemia/statistics/index.html

La tularémie est rare au Canada, mais elle pose un risque accru en été en raison de l’augmentation du nombre de tiques et de mouches à chevreuil. Les personnes qui chassent en hiver courent également un risque plus élevé. Par conséquent, les Canadiens qui travaillent ou qui passent beaucoup de temps à l’extérieur courent un risque accru d’infection et doivent prendre des précautions pendant leurs activités de plein air.

Recommandations liées aux voyages

Les voyages ne posent pas de danger car il est possible de prendre de nombreuses mesures de prĂ©vention, notamment l’utilisation d’un insectifuge contenant du DEET sur la peau et les vĂªtements, et le port de gants pour manipuler des animaux malades ou morts. Il est aussi recommandĂ© de bien faire cuire les aliments et de vĂ©rifier que l’eau provient d’une source sĂ»re. Les personnes qui voyagent aux États-Unis devraient savoir que les endroits oĂ¹ la tularĂ©mie est la plus rĂ©pandue sont l’Arkansas, le Kansas, le Missouri et l’Oklahoma (plus de 15 cas par État en 2018).

Prise en charge des cas et gestion des contacts

L’ASPC et les CDC ont élaboré de brèves lignes directrices pour aider les fournisseurs de soins de santé à prendre en charge une personne atteinte de tularémie. Ces lignes directrices concernent le diagnostic, les signes et symptômes cliniques, les moyens de lutte, la prévention, les tests, la vaccination et la déclaration. Toute personne qui présente les symptômes énumérés doit communiquer avec un fournisseur de soins de santé. Le bureau de santé publique devrait connaître les symptômes de la tularémie et les praticiens des soins primaires devraient poser des questions sur les sources de contact afin de demander les analyses pertinentes.

Un formulaire général de réquisition d’analyses se trouve sur le site Web de Santé publique Ontario.

Définitions de cas

L’OMS applique la dĂ©finition de cas Ă©largie associĂ©e aux « IRAS Â» pour la surveillance en milieu hospitalier des infections Ă  VRS graves, et la dĂ©finition de cas associĂ©e aux « IAVR Â» pour la surveillance communautaire des infections Ă  VRS. L’OMS a Ă©galement amorcĂ© la phase 2 de la surveillance mondiale du VRS.

Ces définitions de cas sont strictement destinées à la détection des cas, aux déclarations et à l’estimation du fardeau de la maladie.

Détection et déclaration

La tularĂ©mie Ă©tant une maladie Ă  dĂ©claration obligatoire Ă  l’échelle nationale, tous les cas doivent Ăªtre signalĂ©s aux autoritĂ©s locales de santĂ© publique en temps opportun.

L’ASPC recommande à toute personne présentant des symptômes et ayant été en contact avec des vecteurs potentiels de communiquer avec un médecin et de lui mentionner toute exposition potentielle.

Conformément aux directives de Santé publique Ontario, les résultats des analyses sont communiqués au fournisseur de soins de santé qui présente la réquisition d’analyses. Les résultats positifs sont signalés au médecin-hygiéniste, comme l’exige la Loi sur la protection et la promotion de la santé.

Contrôle et prévention des infections

Puisqu’il n’existe pas de vaccin contre la tularémie, la prévention et le contrôle dépendent entièrement des mesures de protection individuelle qui sont prises pour réduire toute exposition aux rongeurs, aux tiques et aux moustiques infectés. La meilleure précaution consiste à prévenir tout contact direct avec des vecteurs infectés.