Hantavirus

Le présent bulletin se concentrera sur le SPH/SCPH, car il s’agit de la maladie la plus répandue en Amérique du Nord.

Les Points saillants du CCNMI offrent aux praticiens et cliniciens canadiens de la santé publique des revues actualisées sur les renseignements essentiels liés aux maladies infectieuses importantes, de manière à ce qu’ils servent à la pratique en santé publique au Canada. Bien qu’ils ne constituent pas des revues de littérature formelles, les Points saillants sont rédigés à partir de sources clés dont des revues scientifiques évaluées par les pairs, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), les centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (Centers for Disease Control and Prevention, CDC) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Le présent bulletin a été préparé par Bannet Brar. N’hésitez pas à nous faire part de vos questions, commentaires et suggestions le concernant à l’adresse suivante : nccid@manitoba.ca.

Que sont les Points saillants ? Pour en savoir plus sur la manière dont nous recueillons l’information, veuillez consulter notre page dédiée Points saillants.

Questions abordées dans le présent bulletin :

  1. Quelles sont les principales caractéristiques des hantavirus ?
  2. Où en est la situation concernant l’actuelle éclosion des hantavirus ?
  3. Quel risque les Canadiens ont-ils d’être infectés par un hantavirus à l’heure actuelle ?
  4. Quelles sont les mesures à prendre en cas de suspicion de cas de hantavirus ou de contact ?

Caractéristiques

Les hantavirus sont un groupe de virus appartenant à la famille des Buynaviridæ. Ce sont des virus enveloppés dont le génome est composé de trois segments d’ARN monocaténaire à polarité négative, enfermés dans une capside sphérique. Les hantavirus sont classés en trois groupes (Muridæ, Arvicolinæ, Sigmodontinæ) en fonction de la taxinomie de l’hôte principal. On dénombre 36 espèces reconnues de hantavirus. La principale cause des infections à hantavirus au Canada est l’espèce Sin Nombre portée par la souris sylvestre. Cette souche appartient à la famille des Sigmodontinæ qui est répandue en Amérique du Nord. L’infection par cette souche peut entraîner un syndrome pulmonaire à hantavirus (SPH), également appelé syndrome cardio-pulmonaire à hantavirus (SCPH).

Cause

Les humains peuvent développer une maladie à hantavirus à la suite d’une infection par n’importe quelle souche d’hantavirus. Les hantavirus du « Nouveau Monde » (Amérique du Nord et du Sud) sont responsables du SPH, tandis que ceux de l’« Ancien Monde » (Asie de l’Est et Europe) sont connus pour être à l’origine de la fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR). À chaque sérotype de hantavirus pathogène pour l’homme correspond un hôte spécifique (espèce de rongeur). Les différents types de hantavirus sont transmis par différents types de rongeurs. En Amérique du Nord, cinq rongeurs sont connus pour être porteurs de hantavirus : la souris sylvestre, le rat des cotonniers, l’oryzomys, la souris à pattes blanches, et le campagnol à dos roux. La souris sylvestre est l’hôte le plus courant au Canada. L’espèce Sin Nombre est la principale responsable du SPH en Amérique du Nord.

Signes et symptômes

Le SPH (en Amérique du Nord et du Sud) et le FHSR (en Europe et en Asie) sont les deux principales maladies causées par les hantavirus.

L’apparition des symptômes du SPH peut survenir entre une à huit semaines après l’exposition au virus. L’évolution clinique de l’infection par ce virus se découpe en quatre phases :

  • la phase prodromique dure de trois à six jours ;
  • la phase cardio-pulmonaire se caractérise par une évolution rapide ;
  • la phase diurétique est marquée par la résorption de l’œdème pulmonaire et la résolution de la fièvre et de l’état de choc ;
  • la phase de convalescence est marquée par le rétablissement du patient.

Les symptômes associés à chacune de ces phases sont les suivants :

  • phase prodromique :
    • fièvre, myalgie et malaise, céphalées, étourdissements, douleurs abdominales et symptômes gastro-intestinaux ;
  • phase cardio-pulmonaire :
    • œdème pulmonaire non cardiogène, hypoxémie et toux, épanchement pleural, symptômes gastro-intestinaux, tachypnée et tachycardie, dépression myocardique et choc cardiogène, parfois accompagnés d’hypotension et d’oligurie. Les symptômes graves comprennent la sensation d’essoufflement et de graves difficultés respiratoires.

Gravité et complications

Le taux de létalité du SPH se situe entre 30 et 38 %. Selon les CDC, les patients rétablis d’un SPH ne souffrent pas de complications à long terme.

L’ASPC indique que selon la souche du virus en cause, environ 40 % des personnes atteintes d’un SPH ne se rétablissent jamais de la maladie.

Épidémiologie

Généralités

Les hantavirus sont présents dans le monde entier, et la distribution des différentes espèces dépend de l’habitat de l’hôte rongeur. On dénombre quelque 200 cas de SPH en Amérique du Nord et du Sud chaque année. Les infections sont plus fréquentes en milieu rural, mais peuvent également se produire en milieu urbain. La plupart des cas d’infection à hantavirus concernent des personnes exerçant une profession de type trappeur, chasseur, travailleur forestier, agriculteur ou militaire. Les hommes âgés de 20 à 40 ans ont plus de risques d’être infectés que les femmes. Cette différence tient aux professions mentionnées plus haut.

Canada

Au 1er janvier 2020, 143 cas de SPH avaient été confirmés au Canada par des tests en laboratoire. On recense en moyenne quatre à cinq nouveaux cas par an au Canada. On observe une recrudescence des cas de SPH liée à l’augmentation saisonnière des populations de souris sylvestres au printemps et en été, du fait d’une reproduction accrue. Le SPH se développe au contact d’excréments de rongeurs infectés par le hantavirus Sin Nombre. La plupart des cas sont recensés dans les régions rurales du sud du Manitoba, de la Saskatchewan, de l’Alberta et de la Colombie-Britannique.

Période d’incubation

La période d’incubation des hantavirus varie de deux à quatre semaines, et de 14 à 17 jours pour le SPH.

Réservoir et transmission

Chez l’homme, l’infection par le virus se produit au contact d’un certain nombre de rongeurs. La souris sylvestre porteuse de la souche Sin Nombre est la plus répandue au Canada. La transmission du hantavirus se fait par l’inhalation de particules virales (particules aérosolisées) provenant d’excréments, de poussières ou de toute matière organique infectée par le virus. La transmission peut également s’opérer en touchant ou ingérant des aliments contaminés par l’urine, les excréments ou la salive de rongeurs infectés, ou par contact direct avec le virus par le biais de lésions cutanées ou de muqueuses. Dans de rares cas, la transmission se produit par la morsure d’un rongeur infecté.

Le tableau ci-dessous répertorie les espèces de hantavirus les plus courantes causant le SPH en Amérique du Nord :

(tableau adapté [source en anglais])

EspèceRéservoirLocalisation du virus
Prospect HillCampagnol des champsÉtats-Unis, Canada
• Alaska, Terre-Neuve-et-Labrador, Île-du-Prince-Édouard, montagnes Rocheuses, nord du Nouveau-Mexique, Grandes plaines, Appalaches, nord de la Géorgie
Sin NombreSouris sylvestreÉtats-Unis, Canada
• Alaska du Sud-Est, tout le nord du Nouveau-Mexique, États-Unis continentaux à l’exception des côtes sud-est et est, partie la plus méridionale de la Basse-Californie du Sud
New YorkSouris à pattes blanchesÉtats-Unis
• Centre et est des États-Unis, Alberta du Sud, sud de l’Ontario, Québec, Nouvelle-Écosse

La transmission de personne à personne n’est pas habituelle, et n’a été observée que dans le cas du virus des Andes lors d’une éclosion dans le sud de l’Argentine.

Les petits rongeurs sont le réservoir des hantavirus. La transmission se fait de rongeurs à hommes. Il n’existe aucun vecteur connu.

Diagnostic en laboratoire

Les diagnostics de hantavirus sont vérifiés par des tests en laboratoire. Un ou plusieurs des trois marqueurs diagnostiques doivent être positifs pour que l’infection par un hantavirus soit confirmée. Le seul laboratoire au Canada effectuant un dépistage diagnostique de l’infection à hantavirus chez l’homme est le laboratoire national de microbiologie.

Les marqueurs diagnostiques comprennent :

– la détection d’IgM dirigés contre le hantavirus ou d’une élévation du titre d’IgG ;

– la détection de l’ARN du hantavirus par RT-PCR ;

– la détection de l’antigène du hantavirus par immunohistochimie.

Prévention et contrôle

La première mesure de prévention à prendre contre les infections à hantavirus doit être la lutte contre les rongeurs. Il s’agit de limiter les populations de rongeurs à proximité des zones d’habitation. Les personnes doivent éviter tout contact avec l’urine, les excréments, la salive et les matériaux de nidification des rongeurs. Les mesures de sécurité pour un nettoyage et une désinfection appropriés des zones infestées de rongeurs doivent être respectées (conformément aux indications de l’ASPC).

Les hantavirus se propagent par contact avec l’urine, les excréments ou la salive de rongeurs infectés, ce qui peut se faire par l’air, par contact direct ou par l’alimentation. Il n’existe actuellement aucun vaccin contre l’infection à hantavirus. Selon l’ASPC, la clé pour prévenir la maladie consiste à éviter l’infestation de rongeurs et à nettoyer et désinfecter adéquatement les endroits contaminés par des excréments de rongeurs.

Pour éliminer la présence de rongeurs chez soi, sur son lieu de travail ou dans tout autre lieu de vie, il convient d’obstruer les ouvertures par lesquelles les rongeurs seraient susceptibles de s’introduire ; de conserver les aliments et les ordures dans des contenants hermétiquement fermés ; d’installer des pièges à souris ; et d’entretenir les jardins. Le virus peut survivre de 12 à 15 jours dans les litières contaminées, de 5 à 11 jours dans des surnageants de culture cellulaire à température ambiante, et de 18 à 96 jours dans des surnageants de culture cellulaire à 4 °C.

Les techniques de désinfection efficaces sont les suivantes :

  • S’équiper d’un masque filtrant adapté (disponible en magasin de fournitures de sécurité), de gants en caoutchouc et de lunettes de protection.
  • Aérer tout espace fermé pendant 30 minutes avant de procéder à son nettoyage.
  • Utiliser un désinfectant d’usage général (un volume d’eau de Javel pour neuf volumes d’eau) ou un produit de nettoyage ménager.

L’inactivation physique du virus peut se faire par exposition à la chaleur à une température de 56 °C, pendant 15 minutes pour les virus dans un milieu de culture cellulaire et deux heures pour les virus séchés.

Vaccination

Il n’existe actuellement aucun vaccin contre les hantavirus.

Traitement

L’infection à hantavirus peut être mortelle et aucun remède n’est disponible à l’heure actuelle. Certains traitements permettent toutefois d’atténuer les symptômes du patient, notamment les soins de soutien, le maintien des niveaux d’oxygène par aide médicalisée, et les mesures visant à prévenir la déshydratation.

L’ASPC suggère d’envisager le recours à un système extracorporel d’élimination du CO2 pour traiter le SHP, afin de prévenir l’apparition d’un œdème pulmonaire et d’un choc cardiogène.

S’agissant du SPH, la détection précoce de l’infection est cruciale pour l’obtention de meilleurs résultats cliniques. Les personnes infectées peuvent être prises en charge dans une unité de soins intensifs, où elles bénéficient d’une oxygénothérapie qui les aide à surmonter la grave détresse respiratoire que ce virus peut provoquer.

Au Canada, les hantavirus font l’objet d’une surveillance active depuis 1994.

Figure :

Figure:

Manitoba

Cinq cas de SPH ont été recensés depuis 2019.

Ontario

Aucun cas de SPH n’a été recensé en Ontario.

Alberta

Seize cas confirmés de SPH ont été recensés en Alberta de 2014 à 2018, dont un cas mortel. Au total, 77 cas de SPH ont été recensés depuis 2019.

Colombie-Britannique

D’après le BCCDC, trois cas de SPH ont été enregistrés pour la première fois en Colombie-Britannique en 1994. Depuis 2019, 19 cas ont été recensés.

Saskatchewan

Depuis 2019, 35 cas de SPH ont été recensés.

Quebéc

Six cas de SPH ont été recensés depuis 2019, dont cinq dus à des déplacements dans les provinces occidentales ou à des exercices militaires.

Le risque d’être infecté par un hantavirus est faible. Toutefois, toute personne entrant en contact avec des rongeurs porteurs du hantavirus est à risque.

L’infestation de rongeurs à l’intérieur ou à proximité des habitations constitue le principal risque d’exposition. Tant les infestations que les expositions peuvent néanmoins se produire partout où les rongeurs sont présents, notamment les chalets, les sentiers et les abris de jardin.

Recommandations relatives aux déplacements

Il est possible de voyager sans danger dans toutes les régions déclarées sûres du point de vue de l’infection à hantavirus. La maladie à hantavirus étant rare, la plupart des touristes ne sont pas exposés à un risque accru d’infection. Les personnes qui se rendent dans des lieux de villégiature en pleine nature ou des zones rurales (c’est-à-dire les campeurs et les randonneurs) courent un risque plus élevé d’exposition aux excréments, à l’urine ou à la salive des rongeurs, et donc d’infection. Le fait de manipuler des matières contaminées puis de se toucher la bouche ou le nez peut entraîner l’infection. Pour limiter les risques d’infection, il convient d’éviter de toucher des rongeurs, d’aérer les cabanes inutilisées, de désinfecter les excréments et de les jeter dans un sac en plastique, d’éviter de dormir sur le sol nu et près des ordures, et de conserver les aliments dans des récipients hermétiques.

Un formulaire de demande d’analyse général est disponible sur le site Internet de Santé publique Ontario. Il est demandé d’y préciser le virus suspecté (FHSR ou SPH), la date d’apparition des symptômes, les symptômes et les antécédents de voyage. Les exigences en matière d’échantillons sont spécifiées sur le site. Seul le SPH a été recensé au Canada et aux États-Unis.

Le laboratoire de santé publique du BCCDC propose des tests environnementaux et diagnostiques. Il est possible de commander un contenant à échantillon ou un formulaire de demande d’analyse sur leur site Internet.

Cas et gestion des contacts

Toute personne ayant été en contact avec des rongeurs ou des excréments/de l’urine de rongeur ou présentant les symptômes répertoriés est tenue de se mettre en contact avec un fournisseur de soins de santé. Il lui sera demandé de fournir des détails quant à ce contact afin de permettre l’exploration de maladies spécifiques aux rongeurs telles que le syndrome pulmonaire à hantavirus et la fièvre hémorragique avec syndrome rénal.ASPC – Que faire si vous tombez malade ?

Définitions des cas

Le gouvernement canadien a la responsabilité d’informer la population au sujet des hantavirus et des maladies qu’ils causent. Le laboratoire national de microbiologie est le seul laboratoire au Canada à effectuer des tests de diagnostic pour les infections à hantavirus chez l’homme, à analyser les tendances des cas de syndrome pulmonaire à hantavirus au Canada, et à mener des enquêtes sur le terrain lors de cas d’infection à hantavirus dans tout le Canada.

La maladie clinique doit être confirmée en confirmant l’infection en laboratoire via l’une des trois méthodes suivantes : la détection d’anticorps IgM dirigés contre le hantavirus, l’élévation du titre d’anticorps d’IgG dirigés contre le hantavirus, la détection de l’ARN du hantavirus, ou la détection de l’antigène du hantavirus par immunohistochimie. La maladie clinique se caractérise par une maladie fébrile (température buccale > 38,3 °C) nécessitant une oxygénothérapie, des infiltrats diffus bilatéraux et une évolution de l’infection dans les 72 heures suivant l’hospitalisation.

Identification et déclaration

Le SPH est une maladie à déclaration obligatoire au niveau national depuis 2000.

L’ASPC recommande à toute personne manifestant des symptômes et ayant été en contact avec des excréments, de l’urine ou de la salive de rongeurs de se mettre en contact avec son médecin en lui signalant une possible exposition aux rongeurs.

D’après Santé publique Ontario, les résultats de test sont communiqués aux fournisseurs de soins à l’origine de la demande de test. Les résultats positifs sont signalés au médecin hygiéniste, comme l’exige la Loi sur la protection et la promotion de la santé.

Prévention et contrôle de l’infection

En l’absence de vaccin contre le hantavirus, la prévention est nécessaire. L’ASPC recommande de nettoyer et désinfecter adéquatement les endroits contaminés par des excréments de rongeurs.