Les Points saillants du Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses (CCNMI) fournissent aux praticiens et aux cliniciens de la santé publique canadienne des analyses à jour de l’information essentielle sur les principales maladies infectieuses. Bien qu’elle ne soit pas tirée d’examens exhaustifs officiels, l’information provient de sources importantes, nommément l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) des États-Unis, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et la documentation évaluée par des pairs.
Nous sommes heureux de recevoir des questions, des commentaires et des suggestions ayant trait au présent bulletin à ccnmi@manitoba.ca.
Que sont les Points saillants? Pour en savoir davantage sur la manière dont l’information est recueillie, consultez notre page consacrée aux Points saillants.
Questions abordées dans le présent bulletin :
Quelles sont les principales caractéristiques du paludisme?
Où en est la situation concernant les éclosions actuelles de paludisme?
Quel risque les Canadiens ont-ils d’être infectés par du paludisme à l’heure actuelle?
Quelles sont les mesures à prendre en cas de suspicion d’un cas du paludisme ou de contact?
Quelles sont les principales caractéristiques du paludisme?
Cause
Le paludisme est une infection parasitaire qui est transmise aux personnes par la piqûre d’un moustique femelle Anopheles. Les parasites monocellulaires appartiennent au genre Plasmodium. Quatre parasites du paludisme infectent généralement les humains : Plasmodium falciparum, P. vivax, P. ovale et P. malariae. P. Knowlesi, un type de paludisme qui infecte naturellement les macaques en Asie du Sud-Est, peut également infecter les humains et causer le paludisme transmis d’un animal à un humain.
Dans de rares cas, la transmission peut également se produire entre humains des manières suivantes : de la mère au fœtus, par transfusion sanguine et par l’échange d’aiguilles.
CDC : Paludisme – Foire aux questions
OMS : Paludisme – Vue d’ensemble
Signes, symptômes et gravité
Les symptômes typiques du paludisme ressemblent à ceux de la grippe : fièvre, diarrhée, maux de tête, sueurs ou frissons, nausées et vomissements, douleurs musculaires et maux d’estomac. Dans les cas de paludisme avec complications, les symptômes peuvent comprendre une grave anémie, une hémoglobinurie et le syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), une réaction inflammatoire dans les poumons qui entrave l’échange d’oxygène. Le SDRA peut se produire après la diminution de la numération parasitaire en réaction au traitement et des anomalies dans la coagulation sanguine, une hypotension artérielle causée par un collapsus cardio-vasculaire, une lésion rénale aiguë, une hyperparasitémie, où plus de 5 % des globules rouges sont infectés par des parasites du paludisme ou une acidose métabolique (acidité excessive dans le sang et les liquides tissulaires), souvent en association de l’hypoglycémie, sont également signalées parmi les symptômes du paludisme grave. Le paludisme grave constitue une urgence médicale qui doit être traitée très énergiquement.
Dans la plupart des cas, la période d’incubation est de sept à trente jours. Des périodes plus courtes sont toutefois observées plus souvent en présence de P. falciparum, et des périodes plus longues, en présence de P. malariae. Une rechute peut se produire en présence de P. vivax et P. ovale. Certains parasites peuvent rester à l’état dormant dans le foie pendant plusieurs mois et jusqu’à quatre ans après une piqûre de moustique infecté.
Certains groupes de population sont beaucoup plus exposés que d’autres au risque de développer une maladie grave. Il s’agit notamment des enfants de moins de cinq ans, des femmes enceintes et des patients atteints du VIH/sida, ainsi que des migrants non immunisés, des populations mobiles et des voyageurs. Les enfants présentant un paludisme grave développent des symptômes suivants comme une grave anémie, une détresse respiratoire liée à une acidose métabolique, ou un neuropaludisme.
CDC : Paludisme – Foire aux questions
Diagnostic
Le parasite du paludisme peut se voir sur un frottis sanguin épais ou mince coloré au Giemsa, Wright.
Les personnes souffrant de paludisme grave peuvent être atteintes par l’un de ces troubles ou par les deux :
- Parasitémie asexuelle Plasmodium falciparum et aucune autre cause de symptômes évidente.
- Présence d’une ou de plusieurs manifestations cliniques ou d’un ou de plusieurs résultats de laboratoire figurant dans le tableau ci-dessous.
Plasmodium falciparum est le plus susceptible d’entraîner des infections graves et est responsable de la majorité des décès liés au paludisme à l’échelle mondiale.
Tableau 1 : Critères du paludisme grave Falciparum
Manifestation clinique | Résultats d’analyses de laboratoire |
Prostration ou trouble de conscience | Grave anémie chez des enfants de moins de 12 ans : Une hémoglobine inférieure ou égale à 5 g/dL ou un hématocrite inférieur ou égal à 15 %. Chez les adultes : une hémoglobine de moins de 7 g/dL et un hématocrite de moins de 20 %. |
Détresse respiratoire | Hypoglycémie (glucose sanguin de moins de 2,2 mmol/L) |
Multiples convulsions | Acidose (pH artériel de moins de 7,25 ou bicarbonate de moins de 15 mmol/L) |
Collapsus circulatoire | Insuffisance rénale (taux de créatinine supérieur à 265 umol/L) |
Œdème pulmonaire (radiologique) | Hyperlactatémie |
Saignements anormaux | Hyperparasitémie (taux plus élevé que 10 %) |
Ictère | Bilirubine totale plus élevée que 50 µmol/L |
Hémoglobinurie | Macroscopique |
ASPC : Pour les professionnels de la santé : paludisme
CDC : Paludisme : diagnostic en laboratoire
ASPC : Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du paludisme
Traitement
Le traitement varie selon l’espèce de parasite du paludisme et la gravité ou la complexité du paludisme. L’administration de quinine par voie parentérale est préférable pour les personnes qui ne sont pas atteintes d’un paludisme grave et qui ne peuvent tolérer une médication orale. Autrement, l’administration d’artésunate par voie parentérale est préférable à la quinine par voie parentérale :
- pour le traitement des cas graves de paludisme
- lorsqu’il y a :
- défaillance
- intolérance
- contre-indication à la quinine
Un patient dont l’état se détériore soudainement devrait être évalué et traité immédiatement et soupçonné d’être atteint d’hypoglycémie ou d’autres complications liées aux cas graves de paludisme (l’hypoglycémie peut survenir dans les cas graves de paludisme et peut être potentiellement exacerbée par le traitement à la quinine, qui stimule la libération d’insuline).
Traitement des cas graves de paludisme
Les patients atteints d’une infection paludique grave ou compliquée (habituellement causée par Plasmodium falciparum) nécessitent une :
- hospitalisation immédiate
- prise en charge médicale intensive et urgente, idéalement par une unité de soins intensifs
Ils devraient recevoir un traitement initial dans une unité d’observation afin de :
- s’assurer que le traitement peut être toléré
- confirmer que le traitement fait diminuer la parasitémie
Il existe deux classes de médicaments qui sont efficaces pour le traitement par voie parentérale des cas graves de paludisme :
- Alcaloïdes du quinquina :
- quinine
- quinidine
- Dérivés de l’artémisinine :
- artémotil
- artésunate
- artéméther
Un diagnostic de paludisme grave exige un traitement par voie parentérale. Ce traitement nécessite l’un des médicaments par voie parentérale suivants dans l’heure qui suit le diagnostic :
- quinine
- quinidine
- artésunate
ASPC : Pour les professionnels de la santé : traitement du paludisme
ASPC : Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du paludisme
Épidémiologie
L’épidémiologie du paludisme est complexe et variée au sein de petites régions géographiques.
Voici les principaux déterminants épidémiologiques qui ont été déterminés :
- en présence de température plus élevée (température de plus de 20 °C (68 °F), Plasmodium falciparum (qui cause le paludisme grave) peut compléter son cycle de croissance dans le moustique anophèle et le paludisme peut alors être transmis);
- le niveau des précipitations;
- la répartition des sites de reproduction des moustiques;
- la constitution immunologique et génétique de la population;
- les espèces de parasites et de moustiques dans la collectivité à risque;
- l’utilisation de médicaments antipaludiques et l’application d’autres mesures de contrôle.
ASPC : Surveillance du paludisme
CDC : Régions où le paludisme se produit
Prévention
Il n’existe actuellement sur le marché aucun vaccin pour prévenir le paludisme. Les personnes doivent prendre des précautions pour éviter d’être infectées.
On conseille aux voyageurs de se rendre dans une clinique de santé-voyages ou de consulter un fournisseur de soins de santé six semaines avant de partir afin de discuter des meilleurs antipaludéens prophylactiques. Ils doivent prendre ceux-ci avant, pendant et après leur voyage pour prévenir la maladie. On conseille aussi aux voyageurs d’éviter les piqûres de moustiques, particulièrement à l’aube et au crépuscule.
ASPC : Prévention du paludisme
ASPC : Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du paludisme
Déclaration et surveillance
Le paludisme est une maladie à déclaration obligatoire dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Les cas de paludisme sont déclarés par les ministères provinciaux ou territoriaux au gouvernement fédéral s’ils répondent aux critères de définition nationale.
Seuls les cas confirmés devraient être déclarés.
Case classification:
Cas confirmé – mise en évidence de Plasmodium sp. dans un frottis sanguin (frottis mince et goutte épaisse).
Cas probable – détection d’antigènes de Plasmodium sp. dans un échantillon clinique approprié.
Les définitions de cas probable sont fournies à titre indicatif pour faciliter la recherche de cas et la gestion de la santé publique et ne doivent pas être utilisées pour la déclaration à l’échelle nationale.
Les cas de paludisme sont classés dans les catégories suivantes :
- Induit : un cas confirmé de paludisme contracté par une transfusion sanguine provenant d’un donneur chez qui la parasitémie a été confirmée.
- Indigène : un cas confirmé de paludisme contracté par une piqûre de moustique au Canada.
- Importé : un cas confirmé de paludisme contracté à l’extérieur du Canada.
- Congénital, confirmé : un cas confirmé de paludisme chez un nourrisson âgé de < 3 mois qui n’a pas quitté le Canada depuis sa naissance et pour lequel on a confirmé la présence du parasite chez la mère.
- Congénital, probable : un cas confirmé de paludisme chez un nourrisson âgé de < 3 mois qui n’a pas quitté le Canada depuis sa naissance, mais pour lequel on n’a pas démontré la présence du parasite chez la mère.
Il convient de noter que:
- On compte un cas s’il s’agit du premier accès de paludisme observé chez ce sujet au Canada, indépendamment du fait qu’il ait eu ou non des accès antérieurs de paludisme à l’extérieur du pays.
- Un accès subséquent de paludisme chez le même sujet causé par une espèce différente de Plasmodium est compté comme un autre cas.
- Un accès répété dû à la même espèce n’est pas compté comme un nouveau cas à moins que la personne ait voyagé dans une région endémique depuis l’accès antérieur.
ASPC : Pour les professionnels de la santé : Paludisme
ASPC : Définition nationale de cas : Paludisme
Où en est la situation concernant les éclosions actuelles de paludisme?
On comptait environ 247 millions de cas de paludisme en 2021 contre 245 millions en 2020. Le nombre estimé de décès imputables au paludisme s’est élevé à 619 000 en 2021 contre 625 000 en 2020.
Ce pays connaît en moyenne 488 cas de paludisme par année disséminés dans l’ensemble du pays.
En date du 7 juillet 2023, on comptait sept cas de paludisme contractés localement dans deux États différents des États-Unis : six en Floride et un au Texas.
OMS : Paludisme : Charge de la maladie
ASPC : Surveillance du paludisme
Quel risque les Canadiens ont-ils d’être infectés par du paludisme à l’heure actuelle?
Tous les voyageurs courent des risques lorsqu’ils se trouvent dans des régions où le paludisme est endémique. Voici ces régions :
Asie – sud de l’Asie, sud-est de l’Asie, certaines parties de l’est de l’Asie
Afrique – la majeure partie de l’Afrique subsaharienne, des zones limitées dans le nord de l’Afrique
Caraïbes – Haïti, certaines parties du Mexique, certaines parties de la République dominicaine
Moyen- Orient – des régions limitées
Europe de l’Est – des régions limitées
Amérique du Sud et Amérique centrale
Pacifique Sud et région de l’Océanie – certaines petites îles, y compris la Papouasie Nouvelle-Guinée
La Région africaine de l’OMS continue de supporter une part importante et disproportionnée de la charge mondiale du paludisme.
Par conséquent, le risque de contracter le paludisme augmente si les déplacements comprennent la visite de régions à plus haut risque comme l’Afrique de l’Ouest et l’Océanie (risque le plus élevé), d’autres parties de l’Afrique, le sud de l’Asie et l’Amérique du Sud (risque modéré), les Caraïbes, l’Amérique centrale, le Mexique et d’autres parties de l’Amérique du Sud et de l’Asie (risque plus faible). De plus, il est bon de tenir compte de facteurs comme la durée du séjour, le lieu du séjour (région rurale ou région éloignée), la saison (été ou saison des pluies), l’exposition à l’extérieur, particulièrement au crépuscule ou à l’aube, le séjour dans des régions où un taux de décès élevé est dû au paludisme.
Population vulnérable
Les femmes enceintes, les jeunes enfants de moins de cinq ans et les personnes ayant un système immunitaire affaibli sont les plus à risque.
ASPC : Les risques du paludisme
OMS : Paludisme – Vue d’ensemble
Quelles sont les mesures à prendre en cas de suspicion d’un cas du paludisme ou de contact?
Si l’on soupçonne un cas de paludisme, un laboratoire canadien (microscopie des frottis sanguins, amplification en chaîne par la polymérase ou tests de diagnostic rapide) devrait être en mesure de confirmer la présence du parasite et, dans la plupart des cas, de déterminer l’espèce en cause, moins de 1 à 2 heures après la réception d’un échantillon sanguin. Dans de rares cas, lorsque la parasitémie est faible, un frottis initial peut être faussement négatif. Par conséquent, un ou deux frottis supplémentaires peuvent être requis toutes les 12 à 24 heures pour confirmer ou écarter le diagnostic. Il est important de répéter les frottis à intervalles réguliers plutôt que de retarder le diagnostic en tentant de planifier le prélèvement d’échantillons sanguins en fonction du cycle de la fièvre.
Tout cas soupçonné de paludisme doit être considéré comme une urgence médicale, particulièrement en présence du dysfonctionnement d’un organe, ainsi que d’un état mental altéré. On devrait soupçonner le paludisme chez tout patient qui revient d’une région impaludée et qui présente ou a présenté une fièvre.
Un échantillon de sang devrait être transmis immédiatement pour un examen de détection du paludisme si l’on soupçonne le paludisme. Si personne de compétent ne peut lire les frottis, on devrait avoir recours à un TDR pour le diagnostic et transmettre rapidement un échantillon de sang à un laboratoire de référence. Le résultat du TDR ou du frottis sanguin initial devrait être disponible dans les deux heures suivant le prélèvement de sang.
ASPC : Recommandations canadiennes pour la prévention et le traitement du paludisme