Quels sont les raisons pour lesquelles les partenaires doivent être notifiés?
La notification aux partenaires (NP) constitue une intervention essentielle dans le domaine de la santé publique pour assurer le contrôle des infections transmissibles sexuellement (ITS).
Idéalement, lorsque des patients reçoivent un diagnostic d’ITS, leurs partenaires sexuels sont avertis qu’ils ont été exposés à l’infection et sont encouragés à se faire examiner, à recevoir des services de counseling et, si nécessaire, à suivre un traitement. La notification aux partenaires a pour but d’assurer le traitement des individus touchés et de réduire la propagation des ITS. La NP est une pratique importante pour toutes les ITS, mais elle est essentielle lorsqu’il s’agit d’infections qui sont souvent asymptomatiques, comme la chlamydia. Dans un tel cas, les partenaires impliqués ne savent pas qu’ils doivent subir des tests et être traités.
Les chercheurs suggèrent que la NP chez les populations à risque élevé, comme les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes (HRSH), peut mener à un changement de comportements et donc réduire la propagation des infections ainsi que le risque de réinfection.
Y a-t-il des normes concernant la notification aux partenaires?
Actuellement, la notification aux partenaires est hautement recommandée dans le document Lignes directrices canadiennes sur les infections transmises sexuellement, mais celle-ci n’est pas requise dans la plupart des provinces et territoires.
Par conséquent, la NP varie considérablement, selon le territoire de compétence. La recherche démontre également qu’il existe des écarts importants entre les lignes directrices en matière de NP et les pratiques à cet égard. Par exemple, une étude rapporte que seulement 60 pour cent des médecins de famille disent recommander la plupart du temps la NP à leurs patients atteints de chlamydia et dépistés, alors que seulement 42 pour cent des patients masculins dépistés et 26 pour cent des patients féminins dépistés disent avoir été avisés de l’importance de notifier les partenaires sexuels actuels et récents.
Qui doit notifier les partenaires?
Les approches en matière de NP peuvent être classées selon la personne qui prend la responsabilité d’informer les partenaires exposés à une ITS. Dans le cas d’une notification par le patient, le patient dépisté notifie les partenaires sexuels actuels ou récents du risque d’infection et de la nécessité de subir un examen médical. Dans le cas d’une notification par le prestataire, un travailleur de la santé ou un agent de santé publique formé demande au patient dépisté de l’information concernant ses partenaires sexuels, puis notifie ces partenaires tout en respectant la vie privée du patient dépisté. La notification par contrat, connue aussi sous le terme de notification conditionnelle, est une combinaison des deux méthodes précédentes.
Le patient dépisté prend la responsabilité de notifier les partenaires et un prestataire intervient seulement si le patient dépisté ne fait pas le suivi dans le délai convenu (habituellement 24 à 48 heures).
Comment la notification aux partenaires est-elle faite?
La NP peut être faite par divers moyens de communication. Les discussions en face-à-face, les appels téléphoniques et les envois par la poste sont traditionnellement les moyens utilisés pour notifier les partenaires. Toutefois, dans les dernières années, la technologie a ouvert de nouvelles voies en matière de NP. Les sites Web spécialisés, les forums Internet, les blogues, les médias sociaux, le courrier électronique et la messagerie texte en font partie. Ces approches sont souvent regroupées sous l’appellation notification aux partenaires par Internet (NPI).
Quelle est la « meilleure » approche de notification aux partenaires?
Il n’existe aucune méthode de NP qui peut être utilisée pour tous les patients ou par toutes les agences de santé publique. Le choix d’une approche dans toute situation donnée repose sur plusieurs facteurs, y compris : les préférences, l’aisance et la sécurité des patients dépistés; les défis liés à l’identification et à la localisation des partenaires; la capacité des agences de santé publique; le coût et le rapport coûtefficacité de différentes approches.
En général, les patients dépistés préfèrent informer eux-mêmes leurs partenaires qu’ils ont été exposés à une ITS. Cependant, il se peut qu’une NP par le patient ne soit pas souhaitable dans des circonstances particulières. Lorsqu’un patient dépisté contracte une infection dans un contexte d’agression sexuelle ou qu’il craint des représailles émotionnelles ou physiques, la notification par le prestataire est la méthode indiquée.
Les patients dépistés ont aussi tendance à préférer les approches de NP traditionnelles, les discussions en face-à-face et au téléphone étant perçues comme une façon de procéder plus attentionnée, respectueuse et courageuse que le recours à des moyens de communication électronique. Par contre, la notification aux partenaires par Internet est de plus en plus acceptable. Selon une étude américaine, 92 pour cent des HRSH qui utilisent les sites Web pour trouver des partenaires sexuels étaient aussi disposés à notifier leurs partenaires d’une ITS par Internet. D’autres recherches indiquent que la NP par courrier électronique est appréciée de façon constante, tant chez la population générale que chez les HRSH. La NP par messagerie texte semble être la moins appréciée, bien qu’elle soit probablement plus populaire chez les hommes de moins de 25 ans qui ont accès à un téléphone cellulaire et qui sont plus scolarisés.
Les méthodes traditionnelles de NP sont peut-être plus appréciées des patients, mais elles ne s’appliquent pas lorsque les partenaires sexuels sont anonymes, c’est-à-dire lorsqu’il n’y a aucune échange de noms ou de coordonnées. Par exemple, des individus qui se rencontrent par Internet peuvent avoir pour seule coordonnée une adresse courriel ou un pseudonyme (nom électronique). Historiquement, les HRSH constituent la population qui affiche le nombre le plus élevé de partenaires anonymes, mais le sexe anonyme est pratiqué aussi par d’autres populations. Soixante pour cent des personnes atteintes d’ITS disent avoir déjà eu des relations sexuelles avec un partenaire anonyme. Dans de tels cas, la notification aux partenaires ne peut se faire que par Internet ou d’autres technologies connexes.
La notification par le prestataire est généralement considérée comme plus efficace que la notification par le patient, notamment pour ce qui est des partenaires antérieurs ou des partenaires occasionnels ou anonymes. Les agents de suivi des maladies transmissibles (DIS, pour Disease Intervention Specialist), qui sont des travailleurs non médicaux dotés d’une formation spécialisée pour mener des activités de suivi dans le domaine des maladies transmissibles, semblent avoir le plus haut taux de réussite pour ce qui est de retracer les partenaires. Cela est peut-être dû au fait que, contrairement aux prestataires de soins, ils n’ont pas à répartir leur temps et leurs énergies entre la NP et d’autres responsabilités cliniques.
La notification par le prestataire est plus efficace que la notification par le patient, mais elle est plus coûteuse. Un examen de recherches réalisé aux États-Unis a constaté que la notification par le prestataire est quatre à huit fois plus coûteuse que la notification par le patient. Il est difficile à déterminer avec certitude laquelle des méthodes de notification affiche le meilleur rapport coûtefficacité puisque les calculs doivent tenir compte de plusieurs facteurs : l’incidence de l’ITS chez les populations à faible et à haut risque; le nombre de partenaires recensés par patient dépisté; le nombre de partenaires infectés découverts au moyen de la NP; le coût d’utilisation de divers moyens de communication; le nombre d’heures passées pour chaque patient dépisté et ses partenaires; et la rémunération horaire du personnel chargé des NP.
Dans un même temps, les coûts liés à la notification par le patient et par le prestataire doivent être mesurés par rapport aux coûts des soins dispensés aux personnes qui auraient pu éviter une infection s’il y avait eu NP. Par exemple, une étude réalisée en 2006 au Canada estimait que les programmes de notification aux partenaires des patients infectés par le VIH coûtent 6 100 $ par infection évitée, comparativement aux 385 200 $ qu’il en coûte pour traiter une infection au VIH de niveau moyen. La notification par contrat peut être un compromis efficace et offrir un bon rapport coût-efficacité puisqu’elle combine les avantages économiques de la notification par le patient avec en soutien l’assurance d’une notification par le prestataire.
Qu’y a-t-il de nouveau en matière de notification aux partenaires?
Plusieurs approches novatrices en matière de NP ont été mises sur pied au cours des dernières années. Parmi celles-ci, deux services en ligne de NP ont été créés : InSpot, lancé aux États-Unis en 2004, disponible partout aux États-Unis et maintenant au Canada; et Let Them Know, qui a été élaboré en Australie à peu près à la même époque. Ces sites Web permettent aux patients dépistés d’utiliser un éventail de modes de communication électronique pour joindre leurs partenaires sexuels, y compris des cybercartes, des courriels et des messages textes. Il existe des preuves encourageantes attestant de l’utilisation de ces outils en ligne, mais de plus amples recherches doivent être menées pour déterminer si ceux-ci entraînent une augmentation du taux de dépistage, de traitement et d’une diminution de la propagation des ITS.
La notification à des groupes ou réseaux désignés est une deuxième approche qui a vu le jour. Celleci, comme d’autres méthodes de notification, inclut la notification des partenaires sexuels du patient dépisté, mais aussi d’autres personnes de son réseau social et géographique, comme les amis, les connaissances et les associés. Cette approche a été lancée dans les années 1990 et est fondée sur le précepte selon lequel un réseau social dans lequel les membres interagissent sexuellement compte probablement des individus exposés à des infections provenant de diverses sources. La prise de contact avec les individus qui font partie du réseau social-sexuel des patients dépistés permet de recenser les individus infectés par une autre personne que le patient dépisté, ce qui augmente et améliore les possibilités de dépistage de cas. La notification à des groupes désignés menée par les pairs chez les personnes infectées au VIH a déjà été mise sur pied avec succès en Saskatchewan et offre des possibilités dans d’autres territoires de compétence et chez les personnes atteintes d’autres types d’ITS.
La notification par le patient avec délivrance du traitement au partenaire (NPDTP) constitue une troisième approche novatrice en matière de NP. La NPDTP est une stratégie selon laquelle on fournit aux patients dépistés les médicaments à remettre à leurs partenaires sexuels après les avoir informés qu’ils ont pu être exposés à une ITS. Cette approche à la NP vise à augmenter le taux de partenaires traités en éliminant les examens et le dépistage. Certaines recherches suggèrent que la NPDTP est particulièrement utile pour traiter les populations à risque élevé ou difficilement atteignables. Toutefois, elle demeure controversée puisqu’elle implique un diagnostic présomptif et la prescription d’une ordonnance sans examen médical, ce que certains territoires de compétence interdisent. Des questions portant sur la légalité de la NPDTP peuvent réduire chez les prestataires de soins l’intérêt envers cette méthode et la possibilité d’y recourir.
Quelles sont les prochaines étapes en matière de notification aux partenaires?
La notification aux partenaires est une dimension critique du processus de contrôle et de gestion des ITS au Canada. Il existe peu de consensus et les recherches portant sur la meilleure approche en matière de NP sont limitées. L’amélioration de la NP au Canada pourrait se poursuivre selon les étapes suivantes :
• établir des normes minimales en matière de NP;
• élaborer des mesures de résultats pour évaluer la NP;
• documenter les politiques et les pratiques en matière de NP dans tous les territoires de compétences;
• exercer une surveillance des pratiques et des résultats en matière de NP, dans le cadre d’une surveillance de routine des ITS;
• évaluer et contrer les préjudices potentiels associés à la NP;
• explorer les possibilités de mise en place de la NPDTP pour diverses ITS et les obstacles faisant entrave;
• comparer les coûts et le rapport coût-efficacité de diverses approches à la NP;
• créer des mécanismes pour partager des pratiques prometteuses en matière de NP;
• étudier diverses approches à la NP en contexte canadien.