Modélisation multi-agents de la transmission de Chlamydia trachomatis au sein d’une sous-population canadienne

Publication Summary

L’objectif de ce projet était d’utiliser un modèle mathématique multi-agents de la transmission de CT pour évaluer les stratégies possibles d’intervention et optimiser l’emploi des ressources limitées des services de santé et de santé publique afin de réduire au minimum l’infection à CT. À défaut de pouvoir se substituer aux essais cliniques à répartition aléatoire (ECR), les modèles mathématiques sont un outil utile pour examiner les politiques de santé lorsque les données probantes des ECR manquent ou sont insuffisantes, que les critères sanitaires et économiques importants concernent des sujets n’ayant pas participé aux essais, et que les échéances visées par les politiques dépassent les délais de réalisation d’un essai clinique. Ces modèles peuvent aussi servir à déterminer des zones d’incertitude stratégiques, appelées à faire l’objet de recherches ultérieures.

Contexte

Chlamydia trachomatis (CT) est un pathogène transmissible sexuellement qui est à l’origine de la maladie infectieuse à déclaration obligatoire la plus courante au Canada, rendant compte à lui seul de > 50 % de toutes les déclarations (1). Les répercussions médicales de l’infection à CT incluent la maladie inflammatoire pelvienne (MIP), les douleurs pelviennes chroniques, les grossesses ectopiques et l’infertilité tubaire chez la femme, l’épididymo-orchite chez l’homme, une vulnérabilité à la transmission et à la contraction du VIH, des maladies oculaires et pulmonaires chez les nourrissons (2). Les infections sont le plus souvent asymptomatiques (3), ce qui peut avoir des effets insidieux plus marqués sur la santé et l’économie de la santé que lorsqu’elles sont manifestes sur le plan clinique.

Au Canada, le taux rapporté d’infections par CT a grimpé depuis 1997, passant de 113,9 cas à 258,5 cas pour 100 000 en 2009 (1), alors que l’incidence de l’infection est de 2 % dans certaines collectivités du Nord (4). La chlamydiose est théoriquement évitable par le dépistage et répond à tous les critères de Wilson et Jungner retenus pour la définition d’une maladie dépistable par des mesures de santé publique (5). Bien que l’Agence de la santé publique du Canada encourage les femmes sexuellement actives à subir régulièrement un test de dépistage de CT (6), les programmes de dépistage, largement subventionnés et répandus dans le pays, n’ont eu qu’un impact limité sur les taux de CT qui continuent d’augmenter alors que les bureaux de santé publique locaux bénéficient de plus en plus de temps et de ressources pour la recherche des contacts et la notification aux partenaires. Après une baisse initiale, la prévalence de l’infection a fait un bond de 57 % entre 1991 et 2009, période durant laquelle le dépistage était généralisé (6). Un « rebond » analogue a été observé dans d’autres régions, ce qui a suscité des appels à la réduction, voire à l’abandon, des programmes de dépistage (7-9).

La recrudescence des taux de CT malgré la généralisation du dépistage a été attribuée en grande partie à l’augmentation du nombre de cas dépistés, à l’exacerbation du risque d’infection imputable à un phénomène de « compensation comportementale » (10), et au « rebond » immunologique dû au nombre croissant de personnes redevenues vulnérables à la maladie à la suite du traitement (7). Compte tenu du lien établi entre le taux rapide de réinfection et l’échec du traitement des partenaires sexuels infectés (11-13), la notification aux partenaires et le traitement sont de plus en plus considérés comme la pierre angulaire des efforts visant à contrôler la propagation de la maladie. Au Canada, la notification aux partenaires sexuels est principalement effectuée par les patients euxmêmes, les professionnels de la santé ou les services de santé publique qui orientent les personnes infectées vers les services adéquats de dépistage et de traitement (6). Le traitement accéléré des partenaires [TAP, aussi appelé « notification par le patient avec  délivrance du traitement au partenaire » (NPDTP)] est une autre stratégie de notification qui diffère de la méthode classique où le patient dépisté fournit directement le traitement aux partenaires sexuels sans que ceux-ci soient examinés au préalable par un professionnel de la santé. Plusieurs essais cliniques à répartition aléatoire ont montré que le TAP était associé à un taux de réinfections par Chlamydia plus faible que celui obtenu par la notification classique (14, 15), bien que son impact soit modeste selon certaines études (16, 17) et que ses effets réels n’aient pas été clairement établis (18).

L’objectif de ce projet était d’utiliser un modèle mathématique multi-agents de la transmission de CT pour évaluer les stratégies possibles d’intervention et optimiser l’emploi des ressources limitées des services de santé et de santé publique afin de réduire au minimum l’infection à CT. À défaut de pouvoir se substituer aux essais cliniques à répartition aléatoire (ECR), les modèles mathématiques sont un outil utile pour examiner les politiques de santé lorsque les données probantes des ECR manquent ou sont insuffisantes, que les critères sanitaires et économiques importants concernent des sujets n’ayant pas participé aux essais, et que les échéances visées par les politiques dépassent les délais de réalisation d’un essai clinique. Ces modèles peuvent aussi servir à déterminer des zones d’incertitude stratégiques, appelées à faire l’objet de recherches ultérieures.

Méthodes

Aperçu du modèle de transmission

Nous avons mis au point un modèle d’analyse multi-agents d’un noyau d’hommes et de femmes hétérosexuels étroitement liés (19). Ces personnes forment un réseau de contacts sexuels au sein duquel la transmission de CT peut se produire. Les modèles multi-agents permettent de simuler la propagation des maladies infectieuses au sein d’une population en considérant chaque individu (« agent ») comme une entité distincte (20, 21). Ils fournissent une modélisation explicite de la dynamique des partenariats sexuels, y compris de la concomitance des relations avec les différents partenaires et de la complexité des réseaux sexuels, et permettent d’enregistrer les antécédents sexuels d’individus particuliers au sein de populations. Ils tiennent compte des réinfections entre partenaires, et rendent possible une modélisation formelle de la notification aux partenaires. Les inconvénients de ces modèles incluent l’absence de résolubilité mathématique et le caractère intensif du traitement informatique exigé, ce qui les rend moins compétitifs pour simuler la transmission de maladies au sein de populations très vastes. Nous avons utilisé un modèle multi-agents permettant d’évaluer l’efficacité et l’attractivité économiques des stratégies de lutte contre les maladies fonctionnant en réseaux, par exemple, la remise de médicaments aux partenaires par le patient, ou les mesures de sensibilisation visant à identifier et à traiter des individus « centraux » étroitement liés au sein d’une population.

La population du modèle était constituée de 2 000 hétérosexuels, le rapport femmehomme étant de 1:1. Deux composantes principales permettaient de représenter l’état de chaque individu au sein du modèle : la transmission de l’infection et le partenariat. Une description plus détaillée de chacune de ces composantes est fournie ci-dessous.

Composante du partenariat

La composante liée au partenariat représente le réseau sexuel d’un individu, mesuré par le nombre de partenaires sexuels à un moment donné dans le temps. Chaque individu a reçu un nombre cible de partenaires souhaités par an (suivant une répartition, voir Tableau 1) et a formé des partenariats avec d’autres individus recherchant un partenaire au sein de la population du modèle, à raison d’un taux déterminé par la valeur cible. Les partenariats pouvaient être concomitants ou séquentiels. Nous avons également établi une distinction entre les partenariats réguliers (qui durent au moins un mois) et les partenariats occasionnels (1 à 30 jours), de manière à pouvoir appliquer diverses caractéristiques comportementales comme la fréquence des contacts sexuels et la probabilité de notification aux partenaires.

Composante de la transmission de l’infection

La composante liée à la transmission de l’infection décrit l’état de santé d’un individu en y intégrant l’histoire naturelle de l’infection à CT (Figure 1). La structure du modèle était la suivante : Vulnérable-Infecté-Rétabli-Vulnérable (VIRV), les individus vulnérables devenant infectés (et infectieux pour les autres) après un contact avec un partenaire infecté.

IMAGES

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Figure 1. Schéma simplifié d’un (a) modèle de transmission et de (b) l’histoire naturelle de l’infection à CT. Les infections symptomatiques et asymptomatiques se distinguent par leurs probabilités différentes de traitement.

Suivant l’élimination naturelle de l’infection, les individus évoluaient vers un état de « rétablissement » immunitaire transitoire. Les modèles animaux mathématiques et expérimentaux indiquent que l’élimination naturelle de l’infection à CT est suivie d’un état immunitaire transitoire (7, 22, 23) qui correspond à un « rebond » épidémiologique de l’infection observé dans les provinces ayant adopté des programmes de dépistage à grande échelle (7, 9). À l’issue de cette période d’immunité transitoire, les sujets redevenaient vulnérables à la maladie et pouvaient se réinfecter. On a présumé que le traitement des sujets infectieux (à la suite de la recherche active d’un traitement, d’un dépistage ou de la notification de l’infection aux partenaires) empêchait l’apparition d’une immunité protectrice, puisque les sujets redevenaient vulnérables à l’infection après avoir reçu un traitement efficace.

L’histoire naturelle de l’infection à CT a été modélisée au moyen d’une méthode déjà décrite (9, 24), dans laquelle les sujets présentant une infection symptomatique des voies urinaires inférieures étaient rapidement identifiés et traités conformément aux lignes directrices canadiennes (6) (Figure 1). Les personnes asymptomatiques pouvaient être identifiées par dépistage avant l’apparition d’une MIP. Les femmes atteintes d’une infection asymptomatique des voies génitales inférieures avaient un risque d’évoluer vers une MIP symptomatique ou asymptomatique et de présenter des séquelles chroniques (douleur pelvienne chronique, grossesse ectopique et infertilité tubaire). Nous avons présumé que les femmes qui avaient évolué vers une MIP l’avaient fait au milieu de la phase asymptomatique de l’infection. Chez l’homme, les complications de l’infection à CT, comme l’épididymite par exemple, ont été évaluées par la méthode de Mehta et coll. (25). Bien que les coûts et les répercussions additionnels de l’infection incluent la transmission verticale de la bactérie aux nouveau-nés et l’augmentation des cas de contamination par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ces effets indésirables n’ont pas été intégrés au modèle en raison de difficultés d’estimation.

Aperçu du modèle économique de la santé

Le modèle de transmission incluait une composante économique dans laquelle le nombre d’infections, les tests de dépistage effectués, les infections traitées et les séquelles d’infections non traitées ont été consignés et utilisés pour estimer le coût total des infections à CT au sein de la population sélectionnée. Nous avons employé une perspective sociétale modifiée prenant en compte l’estimation de tous les coûts, indépendamment de leur source, à l’exception de ceux liés au temps et aux déplacements. Les principaux coûts variables se rapportaient aux tests et aux médicaments. Nous avons présumé que les coûts des tests de dépistage et des traitements pour les patients atteints d’une infection symptomatique des voies génitales inférieures étaient les mêmes que pour les sujets asymptomatiques. Nous avons retenu les estimations de Hu et coll. (24) pour ce qui est du coût moyen pondéré du traitement, en milieu hospitalier ou externe, des cas de  MIP symptomatiques, et de l’impact des séquelles à long terme des MIP symptomatiques et asymptomatiques (24). Les données détaillées relatives aux coûts pris en compte dans le modèle sont présentées au Tableau 2. Les coûts associés à la recherche des contacts et à la notification des partenaires étaient basés sur les estimations tirées de l’article de Gift et coll. (26). Tous les coûts ont été convertis en dollars canadiens de 2009, en se reportant à la composante « Santé et soins personnels » de l’Indice des prix à la consommation canadien (27), et ont été corrigés en appliquant un taux d’inflation annuel de 3 % (28).

Établissement des paramètres du modèle

Les paramètres décrivant l’histoire naturelle de l’infection à CT, de même que les coûts associés à l’infection, au dépistage et au traitement, proviennent de publications (Tableaux 1 et 2). Compte tenu de la taille limitée de la population susceptible d’être modélisée à l’aide d’une approche multi-agents, le modèle convient à l’étude de la transmission de maladies au sein de petits groupes dans lesquels les taux d’infection sont élevés du fait de la dynamique du groupe principal (p. ex., groupes ayant des comportements à risque élevé comme le changement fréquent de partenaires). Nous avons utilisé les données issues d’une enquête générale sur l’activité sexuelle de la population hétérosexuelle de la province de Québec, et en particulier les données relatives aux individus ayant signalé au moins deux partenaires au cours des 12 derniers mois pour modéliser le comportement sexuel de la population canadienne (29).

Étalonnage et analyse du modèle

Chaque répétition du modèle représente une réalisation parmi les nombreuses trajectoires épidémiques possibles. Nous avons examiné les taux rapportés d’infections annuelles projetés par le modèle pour nous assurer que celui-ci produisait des profils réalistes d’infection dans la population représentée, pour chaque répétition. En l’absence de données spécifiques sur l’infection à CT portant sur des groupes centraux de population, nous avons utilisé les taux de déclaration de CT de 2009 dans la population générale canadienne âgée de 20 à 24 ans (le groupe d’âge associé aux taux de CT déclarés les plus élevés au Canada) afin d’estimer la limite inférieure du nombre de cas de CT prévus dans notre échantillon (1). Nous avons cependant prévu une incidence d’infections beaucoup plus élevée au sein de la sous-population modélisée dans ce projet. À titre de comparaison, la prévalence de la gonorrhée parmi une population principale de Toronto- Centre est environ 100 fois plus élevée que dans la population canadienne masculine en général (30). Nous avons considéré que les répétitions du modèle étaient « crédibles » si elles produisaient des nombres de cas incidents jusqu’à cinq fois supérieurs à ceux prévus pour l’ensemble de la population canadienne pendant la période d’analyse du modèle (c.- à-d. que les simulations étaient recevables si le nombre d’infections rapportées annuellement dans la période précédant l’intervention était inférieur à 140). Un total de  1 000 répétitions soigneusement étalonnées du modèle ont servi pour l’analyse de chaque intervention.

Nous avons évalué l’efficacité et la rentabilité relatives des stratégies concurrentes de lutte contre les infections à CT décrites au tableau 3. Pour chaque répétition, nous avons appliqué le modèle sur un total de 15 ans. Pour les cinq premières années (période précédant l’intervention), toutes les simulations ont été effectuées sur la base des hypothèses du scénario « traitement standard plus notification aux partenaires » (intervention 4, Tableau 3). Les simulations soigneusement étalonnées ont été sélectionnées en fonction de cette durée. Après cinq ans, les interventions spécifiques décrites au Tableau 3 ont été appliquées sur une période de 10 ans, une durée considérée comme potentiellement significative pour les décideurs en santé publique.

Nous avons traité un total de 1 000 répétitions pour chaque scénario du modèle; la valeur moyenne et les intervalles de confiance à 95 % avec amorçage sont rapportés ici. Le principal critère d’évaluation était le nombre prévu d’infections à CT et de complications en regard des différentes stratégies. Nous présentons les cas signalés (c.-à-d. identifiés par le dépistage des patients symptomatiques se présentant pour recevoir des soins médicaux, par le dépistage opportuniste ou la recherche des contacts) et les cas totaux (c.-à-d. le nombre total de cas de CT dans la population). Nous avons également évalué les rapports coût-efficacité différentiels (RCED) des interventions; les critères d’évaluation et les coûts d’un scénario « sans intervention » (stratégie 1 : traitement des infections symptomatiques seulement) ont été comparés avec les résultats d’autres scénarios afin d’estimer le coût par année de vie ajustée en fonction de la qualité (AVAQ). D’après nos estimations, la MIP a entraîné la perte d’environ une année de vie ajustée en fonction de la qualité, principalement à cause de l’infertilité et de la douleur pelvienne chronique (31).

Résultats

La prévalence projetée par le modèle de l’infection à CT sur une période de 10 ans est présentée à la Figure 2 pour le scénario « traitement standard plus recherche des contacts » au sein du groupe principal d’hommes et de femmes sélectionné. Comme nous avons présumé que seule une partie des cas asymptomatiques étaient détectés par le dépistage et la notification aux partenaires, nous avons également estimé la prévalence sous-jacente de l’infection à CT dans la population (c.-à-d. toutes les infections symptomatiques et asymptomatiques, prévalence totale prévue par le modèle).

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Figure 2. Nombre annuel d’infections à CT rapportées (lignes continues) et total (lignes pointillées) prévus par le modèle au sein d’une population de 1 000 hommes et 1 000 femmes, suivant le scénario « traitement standard plus recherche des contacts » (stratégie 4). Les résultats reposent sur la moyenne de 1 000 répétitions. Les cas rapportés incluent les infections symptomatiques et la proportion d’infections asymptomatiques détectées par le dépistage et la notification aux partenaires; les cas totaux regroupent l’ensemble des infections symptomatiques et asymptomatiques.

Impact prévu des différentes interventions sur les infections par Chlamydia trachomatis

Nous avons comparé le nombre d’infections par CT prévu par le modèle en fonction de différentes interventions possibles (Figure 3). Par rapport aux conditions du scénario de référence (stratégie 1) et en couvrant une période de 10 ans, toutes les autres stratégies ont été projetées de manière à augmenter aussi bien le nombre de cas rapportés (compte tenu de l’intensification des efforts de dépistage par rapport au scénario de référence) que de cas totaux dans la population modélisée.

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Figure 3. Nombre prévu par le modèle d’infections à CT (a) rapportées et (b) totales en fonction des différentes stratégies de lutte contre Chlamydia, sur une période de 10 ans. Les résultats représentent la moyenne de 1 000 répétitions par stratégie, et les intervalles de confiance à 95 % sont indiqués par un contour gris.

NP : notification aux partenaires; TAP : traitement accéléré des partenaires

Nous avons évalué l’impact des diverses interventions sur les séquelles des infections à CT non traitées en comparant pour chaque intervention le nombre cumulatif de cas de MIP prévu par le modèle durant la période d’intervention, ainsi que le nombre de cas de MIP pour 1 000 infections touchant des femmes (Figure 4). Bien que le fardeau total des MIP montre la même tendance que pour les infections (c.-à-d. augmentation du nombre de cas et de l’intensité des interventions), les prévisions du modèle indiquent que le risque de MIP par infection diminue lorsqu’on intensifie les interventions et atteint le niveau le plus faible lorsqu’on y associe le TAP.

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Figure 4. Impact des différentes stratégies de lutte contre CT sur le risque de maladie inflammatoire pelvienne (MIP). Le nombre total de cas de MIP sur une période d’intervention de 10 ans est présenté pour chaque stratégie (barres). Le risque de MIP pour 1 000 infections par CT chez les femmes est indiqué par des cercles. Les valeurs moyennes se rapportent à 1 000 répétitions par stratégie. Les barres d’erreur représentent les intervalles de confiance à 95 %.

NP : notification aux partenaires; TAP : traitement accéléré des partenaires

Projection de la rentabilité des interventions

Toutes les interventions ont coûté plus cher et prévenu moins d’infections que la celle visant à traiter les cas symptomatiques seulement (c.-à-d. coûts accrus pour moins d’AVAQ gagnées). Ces interventions ne constituent donc pas des options de choix pour les décideurs. De même, lorsque nous avons utilisé l’intervention 2 (dépistage aux taux actuels) comme agent de comparaison, celle-ci a dominé toutes les autres interventions.

Effet de l’intensité de la recherche des contacts

Étant donné que les différentes provinces ont leurs propres politiques en ce qui a trait à la poursuite de la recherche des contacts au-delà d’une génération, nous avons voulu évaluer l’impact de la stratégie de poursuite de la recherche de cas sur plusieurs générations, jusqu’à ce qu’aucun contact infectieux ne puisse être identifié (voir Tableau 4 pour savoir en quoi ces scénarios diffèrent de ceux utilisés dans l’analyse principale). Même si le nombre de cas déclarés grâce à la notification aux partenaires et au TAP a légèrement diminué lorsque la recherche s’est poursuivie aux générations additionnelles, une baisse du nombre total de cas au sein de la population a également été observée lorsque la recherche a été interrompue après une seule génération (Figure 5).

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Figure 5. Nombre prévu par le modèle d’infections à CT (a) déclarées et (b) totales avec recherche des contacts sur une ou plusieurs générations, par notification classique aux partenaires (NP) ou traitement accéléré des partenaires (TAP) sur une période de 10 ans. Les résultats sont présentés sous forme de moyennes avec intervalles de confiance à 95 % pour 1 000 répétitions par stratégie au sein d’une population de 2 000 personnes.

Discussion

L’épidémiologie des infections génitales par Chlamydia trachomatis continue de représenter un défi de taille pour les responsables de la santé publique et les médecins canadiens et étrangers (31, 32). Même si les caractéristiques de cette maladie la rendent évitable par le dépistage et le traitement, les efforts intensifs de lutte déployés à ce jour sont restés associés à des taux d’infection élevés dans de nombreuses provinces, malgré un recul initial (7, 8, 31). Comme nous l’avons noté, plusieurs mécanismes peuvent expliquer les profils observés de la maladie, notamment : (i) une augmentation apparente du risque liée à la recherche accrue des cas, alors que le véritable fardeau de l’infection est stable ou en diminution; (ii) une augmentation effective du nombre de cas, possiblement due à un changement de la dynamique de la maladie résultant des activités de dépistage; ou (iii) certaines combinaisons de (i) et (ii). Ce dernier scénario est appuyé par les résultats de la modélisation rapportés ci-dessus.

Nous avons créé un modèle mathématique multi-agents pour retracer la dynamique de transmission de Chlamydia au sein d’un groupe central d’individus hétérosexuels très actifs, qui a ensuite servi de base pour évaluer plusieurs stratégies plausibles de lutte contre la maladie, actuellement à l’essai ou à l’étude par les autorités canadiennes de la santé publique. Les résultats que nous avons obtenus à partir de la modélisation de cette sous-population à haut risque indiquent que l’incidence accrue de CT récemment observée dans certaines provinces du Canada pourrait être causée par des changements de la dynamique de la maladie résultant des activités de dépistage. La principale observation de notre analyse est que le recours au dépistage intensif dans des populations caractérisées par une fréquence relativement élevée de changement de partenaires, avec ou sans recherche de contacts complémentaires, de notification aux partenaires ou de TAP, risque d’entraîner une hausse du nombre total d’infections et une réinfection des patients ayant perdu leur immunité contre CT, mais aussi de réduire la durée de l’infection, et par là même le risque d’apparition de séquelles. Le résultat net de ces changements serait une variation quasi nulle à l’échelle de la population du risque de séquelles graves telles que la maladie inflammatoire pelvienne.

Bien que ces résultats puissent sembler décourageants pour les organismes de santé qui ont lourdement investi dans la lutte contre CT, voire contradictoires pour certains, ils ne causeraient aucune surprise si l’identification et le traitement entraînaient le retour rapide des personnes les plus à risque au sein d’une population donnée vers la catégorie « vulnérable » après un traitement, lorsque le réseau de contacts sexuels est dense (7, 33). Nos prévisions semblent par ailleurs particulièrement alarmistes compte tenu de notre décision de baser nos estimations sur une stratégie « sans dépistage », alors que de nombreux modèles dynamiques récents sur l’infection à CT présupposent qu’un  dépistage de base aura lieu avec ou sans application de nouvelles stratégies (34, 35). Notre décision est conforme aux recommandations de l’U.S. Task Force, qui prescrivent d’inclure une stratégie « non interventionniste » à titre de référence pour la comparaison (28)

De plus, ces résultats corroborent les observations empiriques de la région de York, une autorité sanitaire publique de la région du Grand Toronto, qui possède des données très fiables sur l’incidence de la maladie inflammatoire pelvienne et de l’infection à CT (Figure 6). Ces données montrent des taux croissants de notification de CT sans variation du risque de MIP dans la population féminine entre 2003 et 2010, un profil qui évoque fortement un risque de MIP inférieur chez les femmes infectées.

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Figure 6. Tendances des infections à CT et des cas de MIP chez les femmes de 10 à 49 ans de la région de York (Ontario), 2003-2010. Les taux annuels d’infections par CT rapportées (violet) et de MPI (bleu) sont exprimés pour 100 000 femmes. Le rapport « cas de MIP/infections à CT notifiées » est illustré par les barres orange. Les cas de MIP incluent toutes les hospitalisations, les visites aux services d’urgence et les chirurgies de jour pour lesquelles une MIP constituait le diagnostic principal chez une population de patientes de la région de York.

Il est important de souligner que ces résultats auront des retombées différentes sur les programmes de lutte contre la maladie à l’échelle individuelle et de la population. Il serait par exemple souhaitable de pouvoir dépister les personnes atteintes d’une infection asymptomatique, car les données issues d’essais cliniques randomisés démontrent clairement que le risque de maladie inflammatoire pelvienne diminue chez les sujets traités (36). Nos modèles semblent indiquer que cette réduction du risque augmente paradoxalement la probabilité de transmission de l’infection à l’échelle de la population  en renouvelant le pool de sujets vulnérables dans les groupes à haut risque. En effet, le nombre reproducteur efficace pour une maladie infectieuse (le nombre d’infections secondaires causées par une infection primaire) est proportionnel à la fraction de la population vulnérable (37). On peut donc s’attendre à ce que la transmission de CT augmente lorsque la population développe une plus grande sensibilité à l’infection. Cette observation est non seulement validée de manière indirecte par des données telles que celles de la région de York, mais elle offre également un moyen de concilier des observations radicalement différentes sur l’épidémiologie de l’infection à CT. Si l’on suppose par exemple que la prévalence de Chlamydia dans le groupe témoin non dépisté de l’essai mené par Scholes et ses collaborateurs est équivalente à celle du groupe dépisté, la fraction de femmes infectées par CT chez qui une MIP est apparue serait estimée à > 20 % (36) alors que les estimations à l’échelle de la population effectuées aux Pays-Bas ont situé ce risque en deçà de 1 % (38). Ce paradoxe peut s’expliquer simplement par le fait que l’histoire naturelle d’une infection à CT de courte durée est très différente de celle d’une infection plus longue, l’infection de courte durée devenant plus probable, mais moins risquée lorsque le dépistage est plus répandu.

Cette disparité (c.-à-d. l’orthogonalité du risque individuel et du risque à l’échelle de la population résultant de la mise en place d’interventions de lutte contre des maladies) n’est certainement pas nouvelle. Par exemple, Lipsitch et Bergstrom ont démontré que certaines stratégies d’utilisation des antibiotiques en milieu hospitalier pouvaient avoir des effets contraires sur le risque d’acquisition d’une résistance microbienne tant à l’échelle de l’individu que de la population (39). Nous avons d’ailleurs constaté que les stratégies de lutte contre la gonorrhée les plus efficaces à l’échelle des individus pouvaient accélérer la transmission d’une résistance à l’échelle de la population (30). Une orthogonalité du même type pour ce qui est des bénéfices a également été rapportée dans le contexte de la vaccination (40). Cette divergence entre bénéfices individuels et collectifs représente un véritable enjeu éthique dans le domaine de la santé publique. Rendre cette opposition tangible dans le cadre d’un modèle mathématique permettra aux décideurs d’en prendre directement la mesure, malgré la complexité des décisions en jeu.

Nous avons délibérément intégré les coûts dans notre modèle, car nous voulions effectuer une analyse coût-utilité des stratégies concurrentes de lutte contre l’infection à CT. Cependant, les stratégies qui exigeaient plus de ressources se sont avérées moins ou à peine plus efficaces pour prévenir l’infection à CT et ses séquelles. Selon les prévisions de notre modèle, la plupart de ces stratégies seraient donc « dominées » par une stratégie de non-dépistage, ou considérées comme non rentables par rapport aux interventions sanitaires actuellement en place.

À l’instar de toute analyse basée sur un modèle, la nôtre est une représentation simplifiée d’un système complexe et adapté au monde réel qui présente donc certaines limites. L’intensité computationnelle du modèle nous permet d’évaluer les interventions en petits groupes de base, ce qui peut signifier que la dynamique et les effets des interventions projetés seraient différents de ceux obtenus pour l’ensemble d’une population. En effet, nous avons déjà modélisé l’impact du dépistage de CT à l’échelle du Canada, et les résultats de cette modélisation semblent indiquer qu’une telle stratégie serait rentable sur le plan de la santé et représenterait un bon investissement (31). Une deuxième limite de notre analyse fondée sur une petite population concerne l’instabilité relative des résultats liée à la variabilité stochastique. Nous avons plus ou moins réussi à surmonter cette limite en effectuant de nombreuses simulations. Le modèle présuppose l’existence d’une immunité transitoire contre une réinfection qui suit l’élimination naturelle de l’infection à CT, et disparaît après le traitement. Bien qu’une telle immunité ait été démontrée dans des modèles animaux (22) et humains (23), sa durée et son intensité n’ont pas été clairement établies.

En conclusion, nous avons utilisé un modèle multi-agents pour évaluer l’efficacité de diverses stratégies de lutte contre l’infection à Chlamydia trachomatis dans une population « de base » constituée d’individus étroitement liés sur le plan sexuel. Dans le contexte de cette population, l’impact d’un dépistage intensif, de la recherche des contacts et de la notification de l’infection aux partenaires ou du TAP s’est avéré décevant d’après les projections, puisque les réductions de la durée de l’infection ont entraîné une recrudescence du risque de transmission par la multiplication du nombre d’individus vulnérables au sein de la population. Les résultats de notre modèle semblent indiquer que les augmentations récentes et importantes de l’incidence de CT dans de nombreuses provinces du Canada pourraient résulter, au moins en partie, du renforcement du dépistage. Bien que ces stratégies aient permis de diminuer le risque de MIP par infection, l’augmentation globale du taux d’infections n’a pas permis de réduire le nombre total de MIP dans la population, fait que nous avons déjà observé dans certaines provinces du Canada. Compte tenu des implications potentiellement considérables de ces résultats, nous encourageons d’autres laboratoires de modélisation à réexaminer cette question en y intégrant une stratégie de comparaison ne comportant pas de dépistage initial. D’autres études sont nécessaires pour évaluer l’impact de ces stratégies sur les risques d’infection d’une population lorsque celle-ci regroupe des personnes à risque élevé et faible.


Tableaux

Tableau 1. Paramètres du modèle

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Paramètre,Valeur,Plage,Type de répartition,Références
Probabilité initiale de diagnostic de CT (probabilité d’infection symptomatique),,,,”(3, 41, 42) et meilleures estimations”
Femmes,”0,1″,,,,
Hommes,”0,08″,,,,
Probabilité de transmission (par jour),,,,(43)
Hommes → femmes,”0.154″,,,
Femmes → femmes,0,122″,,,
Durée du partenariat (jours),,,,Hypothèse
Occasionnel,14,1–30,Triangulaire,,
Régulier,300,31–3 000,Triangulaire,,
Répartition du nombre de partenaires au cours des 12 derniers mois (proportion de la population dans chaque catégorie),,,,(29)
1–2,”0,56″,,,,
3–4,”0,33″,,,,
5+,”0,11″,,,,
Fréquence des contacts sexuels (par jour),,,,Hypothèse
Occasionnel,”0,5″,,,,
Régulier,”0,25″,,,,
Probabilité d’un partenariat concomitant,”0,1″,,,Hypothèse
Probabilité de dépistage,,,,Estimée à partir des volumes de tests reçus par les Laboratoires de santé publique de l’Ontario
Femmes,”0,2″,,,,
Hommes,”0,05″,,,,
Fréquence des dépistages (par an),1,,,Hypothèse
Période de retraçabilité pour la notification de l’infection aux partenaires (jours),90,,,(6)
“Durée de l’infection à CT, sujets non traités (mois)”,12,10–16,Triangulaire,(44)
“Durée de l’immunité transitoire, cas de CT non traités (mois)”,6,3–10,Triangulaire,(7) et meilleures estimations estimates
Caractéristiques du TAAN,,,,”(2, 24, 45)”
Sensitivity,”0,90″,,,,
Specificity,”0,99″,,,,
Probabilité de MIP avec CT,”0,10″,,,(46-48)
Probabilité de MIP symptomatique,”0,40″,,,(24)
Probabilité d’infection à CT avec complication(s) chez les hommes,”0,02″,,,”(25, 49)”
Efficacité du traitement,,,,”(50, 51) et meilleures estimations”
Femmes,”0,9″,,,,
Hommes,”0,9″,,,,
Probabilité que les sujets recherchent un traitement en cas d’infection symptomatique,,,,(31)
Femmes,1,,,,
Hommes,”0,6″,,,,
Délai entre la notification et la consultation d’un médecin (jours),5,1–14,Triangulaire,(52)
Période réfractaire suivant le traitement (jours),14,,,(7)
Probabilité d’effet indésirable des médicaments,”0,04″,,,(24)
Perte d’AVAQ par cas de MIP,1,,,”(53,54)”

[/easy-table]

Tableau 2. Coûts associés à l’infection à Chlamydia trachomatis, au dépistage, à la notification de l’infection aux partenaires et au traitement

[easy-table]

Composantes du coût,Valeur ($ CAN de 2009),Références
Coûts des tests de dépistage,16,”(9, 24)”
Coûts du traitement (sans complications),,
Rencontre brève avec le patient,34,”(24, 25, 55)”
Traitement antimicrobien,13,”(24, 25, 56)”
Effet indésirable des médicaments,65,(24)
Coûts liés à la notification de l’infection aux partenaires (par cas dépisté),106,(26)
Coûts du traitement (avec complications),,
Maladie inflammatoire pelvienne symptomatique,”1,780″,”(24, 55)”
Épididymo-orchite,230,”(25, 55)”
Séquelles chroniques de la maladie inflammatoire pelvienne,”2 410″,(24)
Taux d’actualisation,”0,03″,(28)[/easy-table]

Tableau 3. Stratégies de lutte contre l’infection à Chlamydia trachomatis évaluées par le modèle

[easy-table]

Scénario,Description,Hypothèses
(1) Aucune intervention,Traiter les cas symptomatiques,”Chez les femmes, 10 % des infections sont symptomatiques”
,,”Chez les hommes, 8 % des infections sont symptomatiques”
(2) Dépistage,Dépistage opportuniste et traitement,Identiques à celles du scénario « sans intervention » plus :
,,20% de la population de femmes et 5 % de la population d’hommes passent un test de dépistage une fois par an
(3) Dépistage accru chez les hommes,Traiter les cas symptomatiques,”Identiques à celles du scénario « Dépistage », mais :”
,Dépistage opportuniste et traitement,20 % de la population de femmes et d’hommes passent un test de dépistage une fois par an
(4) Dépistage plus notification classique des partenaires,Traiter les cas symptomatiques,Identiques à celles du scénario « Dépistage » plus :
,Dépistage opportuniste et traitement,recherche des contacts du cas dépisté sur une génération
,Recherche des contacts et notification aux partenaires,”0,3 partenaire avisé et traité par cas dépisté (35, 52) ”
(5) Dépistage plus traitement accéléré des partenaires (TAP),Traiter les cas symptomatiques,”Identiques à celles du scénario « Dépistage plus Notification aux partenaires », mais :”
,Dépistage opportuniste et traitement,”0,6 partenaire avisé et traité par cas dépisté (52)”
,TAP,”25 % des partenaires recevant un TAP cherchent à recevoir des soins cliniques/sont testés (26)”
,,Seuls les partenaires testés sont inclus dans les estimations de la prévalence rapportée
(6) Notification de l’infection aux partenaires sur plusieurs générations,Traiter les cas symptomatiques,”Identiques à celles du scénario « Dépistage plus Notification standard de l’infection aux partenaires », mais :”
,Dépistage opportuniste et traitement,”la recherche des contacts couvre plusieurs générations, jusqu’à ce qu’aucun contact infectieux ne puisse être identifié”
(7) Traitement accéléré des partenaires sur plusieurs générations,Traiter les cas symptomatiques,”Identiques à celles du scénario « Dépistage plus TAP », mais :”
,Dépistage opportuniste et traitement,”Le TAP couvre plusieurs générations, sauf si aucun contact infectieux n’est identifié”
,TAP,

[/easy-table]


Annexe 1 : Rendement prévu de la recherche des contacts et de la notification de l’infection aux partenaires

La recherche des contacts et la notification de l’infection aux partenaires (RCNP) sont une stratégie courante dans la lutte contre les infections transmissibles sexuellement au Canada. En résumé, chaque fois qu’un cas d’infection par la gonorrhée, la syphilis, Chlamydia ou le VIH est dépisté, l’autorité de santé publique compétente effectue une entrevue auprès de la personne infectée et identifie ses contacts sexuels, qui sont à leur tour informés du risque encouru et encouragés à passer des tests et à recevoir un traitement, le cas échéant. L’application de la stratégie de RCNP varie au Canada; certaines provinces ne procèdent à la RCNP que sur une seule génération, alors que d’autres l’effectuent sur plusieurs générations. Chaque contact infecté identifié devient alors un cas dépisté qui doit être soumis à une nouvelle RCNP. D’après toutes les estimations empiriques connues du rendement de la RCNP, le nombre moyen de nouveaux cas infectieux identifiés par cas infecté est < 1, ce qui permet de prévoir la valeur de ce rendement à l’aide de simples opérations mathématiques. Par exemple, si p représente le nombre moyen de cas infectieux secondaires identifiés par cas dépisté infecté, le nombre de sujets à tester pour identifier un seul cas infectieux sera égal à 1/p. De plus, le nombre total d’infections (y compris le cas dépisté) pouvant être identifiés au moyen de la RCNP sur plusieurs générations est de 1/(1 – p) (autrement dit, la somme d’une série géométrique); le nombre de cas identifiés excluant le cas dépisté est simplement : [1/(1 – p)] – 1.

Cette méthode ne tient pas compte du fait que, pendant le délai nécessaire pour rejoindre chaque génération subséquente de contacts sexuels, les personnes contactées ont pu bénéficier d’une résolution spontanée de l’infection ou recevoir un traitement à partir d’autres sources. Cet effet est compensé dans une certaine mesure par la possibilité que les contacts non infectés aient contracté la maladie par d’autres voies au fil du temps. Quoi qu’il en soit, nous avons traité la probabilité d’infection des contacts des individus infectés comme une fraction fixe au cours du temps. La figure ci-dessous illustre le nombre de sujets à tester et le flux total futur des cas susceptibles d’être identifiés par RCNP sur plusieurs générations. Nous pouvons constater que l’efficacité de cette stratégie varie de manière exponentielle en fonction des fluctuations de la probabilité d’identifier un contact infectieux. Pour que la stratégie de recherche des contacts sur plusieurs générations permette d’identifier au moins un contact infectieux secondaire en moyenne, la probabilité d’identification d’une infection secondaire pour chaque cas primaire doit être supérieure ou égale à 0,5, ce qui suppose que l’identification soit confirmée par au moins deux tests.

chlamydia7fre
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Figure 7. Efficacité projetée de la notification de l’infection aux partenaires par la probabilité de contacts infectieux secondaires identifiés


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