Stratégies de traitements optimales à l’intention des communautés éloignées et isolées

Publication Summary

Ce rapport résume les résultats d’un projet de recherche portant sur les « stratégies de traitements optimales à l’intention des communautés éloignées et isolées », lesquelles visent à réduire l’impact des nouveaux virus de grippe susceptibles de causer une pandémie. Une modélisation mathématique, des simulations et des analyses statistiques ont été réalisées dans le cadre de cette recherche. Des recommandations concernant les modèles et l’utilisation efficace des médicaments antiviraux, en lien avec le traitement et la prophylaxie, sont émises.

1. Introduction

Ce rapport résume les résultats d’un projet de recherche portant sur les « stratégies de traitements optimales à l’intention des communautés éloignées et isolées », lesquelles visent à réduire l’impact des nouveaux virus de grippe susceptibles de causer une pandémie. Une modélisation mathématique, des simulations et des analyses statistiques ont été réalisées dans le cadre de cette recherche. Des recommandations concernant les modèles et l’utilisation efficace des médicaments antiviraux, en lien avec le traitement et la prophylaxie, sont émises.

2. Information de fond

Les premiers foyers de la pandémie de la grippe H1N1 en 2009 ont affiché des taux d’incidence variables, avec une transmissibilité supérieure et des effets plus graves sur la santé (p. ex. hospitalisation et admission en USI) dans plusieurs communautés éloignées et isolées du Canada (1,2,3,4,5). Les mécanismes derrière les incidences et les effets différentiels sur la santé dans les communautés canadiennes ne sont pas bien cernés mais ils pourraient être liés au niveau d’efficacité des programmes de lutte contre la maladie en place (p. ex. le traitement antirétroviral) ainsi qu’à des facteurs environnementaux, y compris la prévalence de logements insalubres et de logements surpeuplés (6), à l’exposition à des polluants atmosphériques intérieurs, à un manque d’accès à des infrastructures essentielles, à la prévalence de problèmes de santé et à une comorbidité favorisant une prédisposition.

Il existe des preuves croissantes qui établissent un lien entre la rapidité avec laquelle le traitement antiviral est initié après les premiers symptômes cliniques, et l’ampleur et les effets de la maladie chez les patients gravement atteints de la grippe (4,5). Dans la vague pandémique qui a déferlé au printemps de 2009, les communautés autochtones du Nord canadien ont été touchées de façon disproportionnée, avec de graves conséquences qui ont entraîné de fréquentes hospitalisations et admissions en USI (3,4,5). Des analyses antérieures de la répartition selon l’âge des personnes atteintes de H1N1 en 2009, dans la province canadienne du Manitoba, indiquent des taux d’infection et d’hospitalisation largement supérieurs chez les Premières Nations, comparativement aux populations non autochtones. Ces taux sont jusqu’à 12 fois (pour les infections) et 22 fois (pour les hospitalisations) supérieurs chez les jeunes enfants des Premières Nations âgés de 0 à 4 ans, comparativement au même groupe d’âges chez les populations non autochtones (3). Notre recherche sur les effets du traitement antirétroviral indique que l’amorce d’un traitement précoce est un facteur plus important pour ce qui est de la diminution du taux d’attaque général (c.-à-d. une incidence cumulative d’infections cliniques avec symptômes pendant toute l’éclosion) dans une communauté éloignée et dotée d’une population dont l’âge moyen est peu élevé, en comparaison aux populations urbaines.

3. Nouvelles données probantes et nouveaux modèles

Dans le cadre de notre recherche, nous avons évalué chez diverses populations les taux d’incidence cumulatifs et relatifs, selon l’âge. Nous nous sommes penchés sur quatre principaux groupes d’âges dans la composition démographique d’une communauté éloignée. Ces groupes incluent : des enfants d’âge préscolaire (0 à 5 ans); des enfants d’âge scolaire (6 à 18 ans); des adultes (19 à 49 ans); et des adultes plus âgés (50 ans et plus). Des résultats simulés indiquent que les enfants d’âge scolaire ont des taux d’attaque largement supérieurs pour tous les scénarios simulés, quel que soit le moment auquel les soins sont amorcés (après l’apparition des symptômes) chez les patients cliniquement malades. Le groupe d’adultes plus âgées affiche le plus faible taux d’attaque pour tous les scénarios. Nous avons observé que l’augmentation de la couverture thérapeutique (le taux de patients traités) n’a qu’un effet marginal quant à la réduction des taux d’attaques cumulatifs selon l’âge (le rapport entre les infections dans un groupe d’âges précis et le nombre total d’infections) chez le groupe d’adultes plus âgés, mais le délai d’amorce de traitement n’a pratiquement aucune incidence sur l’ampleur de cette réduction. Toutefois, une augmentation de la couverture thérapeutique peut entraîner un effet relativement modeste quant à la réduction des taux d’attaque chez d’autres groupes d’âges, notamment chez les adultes.

En comparant les scénarios simulés à des stratégies semblables chez une population urbaine, nous avons constaté que les enfants d’âges préscolaires affichent les taux d’attaque les plus faibles, alors que les taux d’attaque chez les groupes âgés de 50 ans et plus sont semblables à la fourchette de taux relevée dans la population d’une communauté éloignée. Il importe de souligner que contrairement à ce qui a été observé dans la communauté éloignée, le taux d’attaque chez les adultes est supérieur à celui relevé chez les enfants d’âge scolaire aux taux de traitement relativement faibles. Par ailleurs, chez une population urbaine aux taux de traitement élevés, ces taux diminuent et deviennent inférieurs ou égaux aux taux relevés chez les enfants d’âge scolaire. De façon générale, la diminution des taux d’attaque selon l’âge est comparable aux scénarios correspondants, tant chez les communautés éloignées que chez les populations urbaines.

Lorsque nous considérons les taux d’attaque relatifs (le taux d’individus atteints dans chaque groupe) pour tous les scénarios présentés ci-dessus), nous constatons que les enfants d’âge scolaire affichent les taux d’attaque les plus élevés, et ce chez les populations tant éloignées qu’urbaines.

Nous avons étudié l’impact de la prophylaxie antivirale ciblant les contacts étroits (prophylaxie post-exposition). L’étude de taux de traitement conservateurs se situant dans une fourchette de 10 à 40 pour cent indique que la prophylaxie antivirale ciblant les contacts étroits a peu d’impact sur la réduction des taux d’attaque, et ce dans l’ensemble de la population et selon l’âge. Cette fourchette (10 à 40 pour cent) est très plausible et peut relever de plusieurs facteurs, y compris des incertitudes quant au diagnostic dans les cas de grippe, les lignes directrices en matière de traitement portant sur l’utilisation de médicaments antirétroviraux, le degré de connaissances en matière d’agents antirétroviraux, l’accès à des stocks de médicaments ou le degré de connaissances des risques de gravité et des possibles effets de l’infection (6,7).

4. Conséquences pour la santé publique

Nous constatons que, pour ce qui est de la prestation d’une prophylaxie antirétrovirale au sein de la communauté, le maintien d’une réponse soutenue de la part des autorités de santé publique axée sur un suivi auprès des contacts étroits de cas index entraîne un important gaspillage de médicaments. Une stratégie axée sur la prophylaxie à l’échelle de la communauté (peu importe la grandeur de la communauté) entraîne une charge de travail importante au sein d’un système de santé qui, en situation d’éclosion, est déjà surchargé. Dans le cadre d’une stratégie axée sur les médicaments antirétroviraux, le traitement précoce des cas index (patients déclarés cliniquement malades) est de loin plus important que la prestation d’une prophylaxie ciblée, pour ce qui est de l’efficacité des médicaments. Dans la fourchette de taux de traitement antiviral plausible, nos constats ne révèlent aucune donnée probante convaincante qui justifie la mise en place de mesures de prophylaxie ciblant les contacts étroits à l’échelle communautaire.

Des données probantes suggèrent que le temps d’amorce du traitement est étroitement lié aux taux d’états graves. Nos résultats affichent un délai de début de traitement important après l’apparition de symptômes chez les cas de H1N1 traités dans plusieurs communautés éloignées (p. ex. la région sanitaire de Burntwood dans le nord du Manitoba), avec en moyenne 3,5 jours de délai avant l’amorce d’un traitement après l’apparition des symptômes. Bien que nous ayons observé un délai semblable avant le début d’un traitement chez les populations urbaines (p. ex. la région sanitaire de Winnipeg), les issues différentielles de l’infection dans les communautés éloignées confirment le fait que d’autres facteurs peuvent influencer les taux de fardeau de la maladie, y compris les disparités en matière de santé et la prévalence de maladies concomitantes et de troubles d’immunodépression.

5. Conclusion

Résultats de l’étude de modèle : Une plus grande disponibilité (une couverture plus étendue) et une distribution en temps opportun de médicaments antirétroviraux pour traiter les individus cliniquement malades sont des mesures clés qui contribueraient à réduire le fardeau de la maladie dans les communautés éloignées. Une stratégie axée sur la prophylaxie pourrait entraîner un gaspillage de médicaments particulièrement élevé.

Bibliographie

1) Mostaco-Guidolin, L.C., Bowman, C.S., Greer, A.L., Fisman, D.N., Moghadas, S.M. Transmissibility of the 2009 H1N1 pandemic in remote and isolated Canadian communities: a modelling study, British Medical Journal – Open, 2: e001614.

2) Mostaco-Guidolin, L.C., Greer, A.L., Sander, B., Wu, J., Moghadas, S.M. Variability in transmissibility of the 2009 H1N1 pandemic in Canadian communities. BMC Research Notes 4: 537.

3) Mostaco-Guidolin, L.C., Towers, S.M.J., Buckeridge, D.L., Moghadas, S.M. Age distribution of infection and hospitalization among Canadian First Nations during the 2009 H1N1 pandemic, Am J Public Health 2013; 103: e39-e44.

4) Kumar, A., Zarychanski, R., Pinto, R. et autres. Critically ill patients with 2009 influenza A(H1N1) infection in Canada. JAMA 2009; 302: 1872-1879.

5) Zarychanski, R., Stuart, T.L., Kumar, A., et autres. Correlates of severe disease in patients with 2009 pandemic influenza (H1N1) virus infection. CMAJ 2010; 182: 257-264.

6) Agence de santé publique du Canada. Les conditions de logement comme facteurs de risque d’infection tuberculeuse et de tuberculose active. Relevé des maladies transmissibles au Canada, volume 33: DCC-9, 1er octobre 2007. http://www.phac-aspc.gc.ca/publicat/ccdr-rmtc/07vol33/acs-09/index-fra.php

7) Kondro, W. Dispensing antivirals in underserved communities, CMAJ 2009; 181: E199-E200.

8) Rodriguez-Noriega, E., Gonzalez-Diaz, E., Morfin-Otero, R., Gomez-Abundis, G.F., Briseño-Ramirez, J., et autres. (2010) Hospital Triage System for Adult Patients Using an Influenza-Like Illness Scoring System during the 2009 Pandemic – Mexico. PLoS ONE 5(5): e10658.

9) Azziz-Baumgartner, E., et autres. Early Detection of Pandemic (H1N1) 2009, Bangladesh, Emerg Infect Dis 2012; 18(1): 146-149.