Point saillants : Legionella
Dernière mise à jour le October 20, 2019
Les Points saillants du CCNMI offrent aux praticiens, aux cliniciens et aux conseillers canadiens en santé publique des revues actualisées sur les renseignements essentiels liés aux maladies infectieuses importantes de manière à ce qu’ils servent à la pratique en santé publique au Canada. Bien qu’ils ne constituent pas des revues de littérature formelles, les Points saillants sont rédigés à partir de sources clés dont des revues scientifiques évaluées par les pairs, l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC), les centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis (Centers for Disease Control and Prevention – CDC) et l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).
Nous acceptons volontiers vos questions, commentaires et suggestions concernant le présent compte rendu; vous pouvez nous les envoyer à l’adresse suivante : ccnmi@umanitoba.ca.
En quoi consistent les Points saillants sur les maladies? Pour en savoir davantage sur l’information qui est recueillie, consultez notre page But et méthodes des Points saillants produits par le CCNMI.
Quelles sont les principales caractéristiques de l’infection à Legionella?
CAUSE
La légionellose est causée par des espèces Legionella petits bacilles Gram négatifs aérobiques qui se trouvent dans les milieux naturels et artificiels comme des tours de refroidissement, des systèmes de distribution d’eau, des lacs, des rivières et des cours d’eau. Legionella spp. se retrouve également dans le sol.
Cette maladie a été ainsi nommée après qu’une éclosion de pneumonie eut touché 182 délégués présents à un congrès de la légion américaine à Philadelphie, en 1976. De ce nombre, 146 ont été hospitalisés et 29 (16 %) en sont décédés. Bien que l’origine de la bactérie n’ait pas été trouvée, l’analyse épidémiologique laisse supposer une exposition potentielle dans le hall de l’hôtel ou les environs. Après cette éclosion, on a reconnu un nouveau microorganisme, Legionella pneumophila, et une nouvelle entité, la maladie dite du légionnaire, a été reconnue en 1977.
Depuis 1977, 60 espèces différentes de Legionella ont été décrites, et 26 d’entre elles ont été associées à des maladies chez l’homme. Cependant, les infections sont principalement attribuables à L. pneumophila (en particulier du sérogroupe 1) et, moins souvent, à des organismes non pneumophila tels que L. micdadei, L. bozemanae ou L. longbeachae.
- Legionella – Agence de la santé publique du Canada (ASPC)
- Legionella – Centers for Disease Control and Prevention (CDC) (centres pour le contrôle et la prévention des maladies), É. U.
- Organisation mondiale de la Santé – Légionellose
SIGNES ET SYMPTÔMES
La légionellose peut se manifester sous deux formes de syndromes distincts : la maladie du légionnaire (une forme de pneumonie atypique) et la fièvre de Pontiac.
La maladie du légionnaire se développe dans les 2 à 14 jours après l’infection. Les symptômes ressemblent souvent à ceux causés par les pathogènes bactériens typiques, notamment une toux, de la fièvre, une céphalée, une diarrhée, un essoufflement, une myalgie, une forme hyperaigüe, un choc septique, une maladie initiale des voies respiratoires supérieures suivie d’une détérioration aigüe, le nombre de globules blancs supérieur à 15 000 ou 6 000 cellules/ml cube, ou encore une consolidation lobaire dense ou segmentaire.
La fièvre de Pontiac se manifeste par une affection grippale caractérisée par de la fièvre, des frissons et un malaise, mais par l’absence de pneumonie. La maladie est habituellement de courte durée, soit en moyenne 3 jours.
- Legionella – (ASPC)
- Legionella – Manifestations cliniques (CDC)
- Organisation mondiale de la Santé – Légionellose
GRAVITÉ
La légionellose est associée à une fréquence élevée d’hospitalisation et d’admission au service de soins intensifs. À l’occasion, on voit des symptômes extrapulmonaires, y compris des changements d’état mental, une ataxie, des crises ou une encéphalite. Le taux de mortalité est d’environ 10 % chez les patients hospitalisés confirmés.
Contrairement à la maladie du légionnaire, la fièvre de Pontiac nécessite rarement une hospitalisation. Le temps d’incubation est plus court, allant de 1 à 3 jours, et les symptômes durent en moyenne trois jours.
Parmi les facteurs de risque épidémiologiques, on dénombre les maladies chroniques telles que le diabète, les maladies rénales, les maladies pulmonaires, les tumeurs malignes, le tabagisme, un âge supérieur à 50 ans et un système immunitaire affaibli (en raison d’une maladie ou de la prise d’immunosuppresseurs, en particulier les inhibiteurs du facteur de nécrose tumorale). De manière disproportionnée, la légionellose touche davantage les hommes que les femmes. Le risque de contracter la bactérie Legionella augmente avec l’exposition à des à remous, la réparation ou l’entretien de la plomberie intérieure et un séjour dans un établissement de soins de santé.
PÉRIODE D’INCUBATION
La période d’incubation de la légionellose est d’environ 2 à 10 jours. Pour la fièvre de Pontiac, la période d’incubation est d’environ 36 heures.
RÉSERVOIR ET TRANSMISSION
La transmission se produit le plus souvent par l’inhalation d’aérosols contaminés, produits en conjonction avec des pulvérisations, jets ou nébulisations d’eau. L’aspiration d’eau contaminée peut également provoquer une infection chez des patients sensibles. Bien qu’elle n’ait pas été reconnue auparavant, une transmission présumée interhumaine a récemment été rapportée (1).
Dans l’eau, Legionella s’associe à des communautés de biofilms et à des espèces de protozoaires, telles que l’amibe. La bactérie Legionella parasite les protozoaires, leur permettant ainsi de se multiplier et de se répliquer dans leur hôte dans des environnements défavorables, notamment des températures extrêmes, des biocides et du chlore. Comme les protozoaires ressemblent aux macrophages alvéolaires humains que l’on retrouve dans les poumons et se comportent de manière similaire, Legionella peut confondre les macrophages avec leur hôte naturel, envahissant ces hôtes accidentels et entraînant une maladie importante.
Bien que Legionella soit généralement présente dans des sources d’eau, les concentrations bactériennes sont généralement trop faibles pour provoquer une maladie chez des patients en bonne santé. Les expositions les plus propices se produisent dans des bâtiments présentant des conditions favorables à la croissance des bactéries et de leurs biofilms, incluant l’eau stagnante et l’eau chaude qui se trouve dans les tours de refroidissement, les systèmes de plomberie et les humidificateurs.
- Fiche technique santé-sécurité : Agents pathogènes – Legionella (ASPC)
- Organisation mondiale de la Santé – Légionellose
TESTS DE LABORATOIRE
Des tests diagnostiques doivent être envisagés pour les patients qui n’ont pas répondu à un traitement antibiotique, ceux qui ont besoin de soins intensifs, les patients immunodéprimés, ceux qui souffrent de pneumonie attribuable à une flambée de légionellose connue et ceux qui ont de récents antécédents de voyage. De plus, des tests doivent être envisagés s’il y a eu de récents changements dans la qualité de l’eau pouvant favoriser la croissance de Legionella.
Bien qu’il existe plusieurs tests de diagnostic disponibles, la culture des sécrétions des voies respiratoires inférieures et le dépistage par antigènes urinaires de Legionella sont à privilégier. Le dépistage des antigènes urinaires est le plus couramment utilisé. Bien qu’il soit rapide, ce test ne cible que L. pneumophila du sérogroupe 1 (la cause la plus fréquente de la légionellose). Comme le test de l’antigène urinaire a une faible sensibilité pour les autres espèces de Legionella, la culture des sécrétions des voies respiratoires inférieures est recommandée et doit être ordonnée simultanément.
L’isolement de Legionella à partir de spécimens cliniques (y compris la culture d’expectoration, le liquide pleural ou le tissu pulmonaire) permet d’identifier les espèces et les sérogroupes, ce qui peut aider à repérer les sources d’exposition et à prévenir de nouvelles éclosions.
D’autres tests de diagnostic ne sont pas effectués dans la pratique courante en raison de défis techniques et de limitations inhérentes. La sérologie, par exemple, nécessite des sérums appariés (nécessitant un prélèvement de 3 à 6 semaines après l’échantillonnage initial). La coloration par immunofluorescence directe est hautement spécifique, mais techniquement difficile à réaliser, car elle est généralement effectuée sur le tissu pulmonaire. Enfin, la réaction en chaîne par polymérase (PCR) est rapide et peut être effectuée sur le tissu pulmonaire, cependant, la qualité du dosage varie selon le laboratoire, et la sensibilité et la spécificité globales demeurent inconnues.
PRÉVENTION
La clé de la prévention des épidémies de légionellose réside dans un bon entretien des systèmes de distribution d’eau dans lesquels Legionella peut se développer. Dans les établissements de soins de santé, il faut effectuer un entretien régulier et des tests fréquents du réseau d’alimentation en eau. En cas de test positif, des protocoles officiels de contrôle des infections devraient être mis en place pour éliminer les bactéries et minimiser les risques pour les patients. À la maison, on peut réduire le risque de transmission de Legionella en entretenant bien tous les appareils générateurs de brume, comme les pommes de douche et les humidificateurs. La température du chauffe-eau devrait être maintenue à au moins 60 °C pour réduire le risque de croissance de Legionella.
Il n’existe aucun vaccin pour la prévention de la légionellose.
TRAITEMENT
Les cas limités à la forme non pneumonique de la maladie (c’est-à-dire la fièvre de Pontiac) durent généralement de 2 à 5 jours et ne nécessitent pas de traitement spécifique. Cependant, des traitements de soutien pour soulager les symptômes peuvent aider. Aucun décès n’a été signalé avec ce type d’infection.
En cas de maladie pulmonaire confirmée (légionellose), des macrolides et des quinolones plus récents peuvent être utilisés en monothérapie. Il n’existe pas d’études randomisées sur le traitement des patients atteints de Legionella confirmée; cependant, des analyses rétrospectives non contrôlées laissent supposer moins de complications et une réponse plus rapide chez les patients traités par quinolones. Pour les patients ayant subi une transplantation, les quinolones sont privilégiées, car les macrolides peuvent interagir avec les immunosuppresseurs comme le tacrolimus et la cyclosporine. Pour les patients en soins intensifs, la polythérapie peut inclure un macrolide, une quinolone et la rifampine, cependant, pour la plupart des patients, la monothérapie est suffisante. Dans le cas de patients immunodéprimés, un traitement prolongé est généralement recommandé.
Dans la pratique, même si une confirmation du diagnostic est toujours en attente, le traitement est souvent initié si l’on suspecte une legionellose. Pour les patients ambulatoires, l’azithromycine (ou une quinolone telle que la lévofloxacine ou la moxifloxacine) suffit généralement, tandis que pour les patients hospitalisés, l’azithromycine (ou la lévofloxacine ou la moxifloxacine) peut être combinée à un traitement initial par bêta-lactamines.
Quel est l’état de la situation actuelle en lien avec les éclosions de Legionella?
L’incidence de Legionella est en hausse au Canada et en Amérique du Nord.
Au Canada, le nombre de cas déclarés de légionellose est généralement inférieur à 100 par année, bien que le nombre réel de cas soit probablement beaucoup plus élevé, car de nombreux patients sont souvent traités de manière empirique et ne font pas l’objet d’un test de dépistage de Legionella.
Bien que la transmission de la légionellose d’une personne à une autre soit rare, elle peut se produire et a été signalée pour la première fois en 2016 (1). Beaucoup plus souvent, les infections surviennent de manière sporadique ou lors d’épidémies qui sont généralement dues à l’exposition à une source d’eau contaminée dans des tours de refroidissement ou des systèmes de plomberie complexes.
Aux États-Unis, environ 5000 cas de légionellose sont signalés annuellement. On continue de rapporter des éclosions en lien avec les établissements de soins de longue durée, les centres de villégiature et les systèmes municipaux d’approvisionnement en eau.
- Recent Legionnaires’ Disease Outbreaks (récentes épidémies de légionellose)
- Fiche technique santé-sécurité (ASPC)
- Legionella Outbreaks (CDC)
- https://globalnews.ca/news/5859180/legionnaires-disease-moncton-outbreak/
Quelles sont les mesures à prendre pour un cas de Legionella ou un contact soupçonné?
L’Agence de la santé publique du Canada fournit des directives cliniques sur Legionella. Les cliniciens doivent également se référer aux directives provinciales ou territoriales.
La suspicion clinique et l’initiation rapide du traitement sont essentielles pour obtenir des résultats favorables dans le traitement des infections à Legionella. Par conséquent, Legionella doit être envisagée lorsqu’une personne présente une pneumonie acquise dans la communauté et si les signes et les symptômes sont compatibles avec des agents pathogènes bactériens typiques (présentation hyperaiguë, choc septique, absence de symptômes des voies respiratoires supérieures ou consolidation lobaire dense ou segmentaire); ces agents doivent alors être sérieusement envisagés. La confirmation de cas nécessite une confirmation objective, notamment par l’antigène urinaire de Legionella, ainsi que la culture de sécrétions des voies respiratoires inférieures.
Au Canada, la légionellose est une maladie à déclaration obligatoire à l’échelle nationale depuis 1986.
Dans les cas associés aux établissements de soins de santé, les services de contrôle des infections doivent être immédiatement avisés et participer à la prise de décision ultérieure. Les éclosions doivent être analysées pour localiser la source de l’infection et prévenir d’autres expositions. Il doit y avoir un avis public émis en coordination avec les responsables régionaux de santé publique.
OUVRAGES CITÉS
(1) Correia A.M., Ferreira J.S., Borges V., et al. (2016) Probable Person-to-Person Transmission of Legionnaires’ Disease. New England Journal of Medicine. 374(5):497-498. doi:10.1056/NEJMc1505356.