TRANSCRIPTION
Rick Harp : Bienvenue à « Infections en question », une série de baladodiffusions sur la santé publique réalisée par le Centre de collaboration nationale des maladies infectieuses. Le CCNMI aide à faire le lien entre les personnes qui posent des questions sur les maladies infectieuses et celles qui offrent des réponses à ces questions.
Bonjour, je m’appelle Rick Harp.
Shivoan Balakumar : Et moi, Shivoan Balakumar. Dans cet épisode, nous poursuivons la discussion sur le virus Zika. Dans notre entretien précédent, nous avons traité du lien bien établi entre le virus Zika et les déficiences congénitales. Aujourd’hui, notre experte invitée répondra à une question sur l’amniocentèse et les femmes enceintes qui ont séjourné dans une région où le virus du Zika est endémique.
Harp : Ce n’est là qu’une question parmi celles que nous ont fait parvenir les stagiaires en santé publique de l’Université de la Saskatchewan. Restez à l’écoute pour savoir comment nous faire parvenir vos questions. Cette semaine, notre invitée est la Dre Vanessa Poliquin, au département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université du Manitoba. Dre Poliquin, bienvenue à « Infections en question ».
Dre Vanessa Poliquin : Merci à vous de m’avoir invitée.
Harp : Si vous le permettez, j’aimerais d’abord que nous commencions par une mise à jour sur la situation. Depuis la diffusion en avril dernier de notre dernière balado sur le sujet, de nouveaux faits ont été découverts à propos du virus Zika. À votre avis, lesquels sont les plus importants pour la santé publique?
Poliquin : Eh bien, c’est une excellente question. Je suppose que vous faites allusion aux rapports publiés en début d’année, qui ont forcé la communauté scientifique à admettre qu’il existait un lien de causalité entre l’infection par le virus Zika pendant la grossesse et les déficiences congénitales. L’un des constats qui devraient préoccuper les prestataires de soins prénatals en particulier, c’est que le virus peut se transmettre au fœtus même lorsque la femme ne présente aucun symptôme.
L’autre sujet qui nous préoccupe, c’est qu’on a observé des répercussions sur le fœtus sans égard au trimestre de grossesse. Les données recueillies en Polynésie française nous laissaient supposer que les conséquences étaient plus importantes durant le premier trimestre. Or les données obtenues au Brésil confirment bel et bien qu’elles ne sont pas limitées à un trimestre en particulier.
Depuis le printemps dernier, le développement le plus notable concerne toutefois la transmission sexuelle du virus Zika. Des cas ont été signalés dans un éventail de circonstances. On a recensé un grand nombre de cas d’hommes symptomatiques, des hommes qui ont transmis la maladie à leurs partenaires sexuels féminins. La clé semblait alors résider dans le fait pour l’homme infecté de présenter des symptômes.
Toutefois, on a rapporté en France des cas de transmission de l’homme à la femme même si l’homme infecté était asymptomatique. Et depuis l’été dernier, on a relevé des cas isolés qui laissent croire à la possibilité d’une transmission de la femme à l’homme, et d’une transmission pendant les relations sexuelles orales et anales.
Qui plus est, il peut s’écouler pas mal de temps entre le moment de l’infection et la transmission sexuelle du virus Zika. On rapporte un cas où cela s’est produit 41 jours après le début des symptômes. On pense que ce phénomène s’explique par la persistance du virus dans le sperme, mais on ne sait pas encore combien de temps il peut y demeurer. Des tests très sensibles ont permis de détecter des fragments d’ARN du virus Zika dans le sperme jusqu’à 180 jours après l’infection.
Devant la présence persistante de virus détectable dans le sperme, ainsi que les rapports qui se multiplient sur la transmission sexuelle longtemps après l’apparition des symptômes, l’Organisation mondiale de la Santé a revu récemment ses lignes directrices sur la transmission sexuelle du virus Zika.
Pour l’instant, on conseille aux couples vivant au Canada qui ont séjourné dans une région touchée par le virus Zika d’utiliser un condom jusqu’à six mois après leur retour. Et on conseille aux couples qui envisagent une grossesse d’attendre au moins six mois après leur retour avant d’essayer de concevoir un enfant.
De plus, on conseille fortement aux partenaires sexuels des femmes enceintes revenant d’une région touchée par le virus Zika, d’utiliser un condom ou de s’abstenir de toute activité sexuelle jusqu’à la fin de la grossesse. À mon avis, c’est la mesure la plus efficace à prendre, en particulier en ce qui concerne les femmes enceintes et leurs partenaires.
Harp : Abordons maintenant la question présentée par les stagiaires du programme de santé publique et de médecine préventive de l’Université de la Saskatchewan : « Faut-il proposer l’amniocentèse, qui consiste essentiellement à vérifier le liquide amniotique, aux femmes enceintes ayant séjourné récemment dans un pays où le virus Zika est endémique? ».
Poliquin : C’est une excellente question, et il est plutôt compliqué d’y répondre si l’on tient compte de tous les algorithmes qui circulent. Il ne fait aucun doute que toutes les femmes enceintes revenant d’une région où la transmission du virus est avérée devraient être évaluées par un professionnel de la santé. De plus, selon le temps qui s’est écoulé depuis leur voyage et selon qu’elles présentent ou non des symptômes de l’infection, elles devraient également subir une analyse de sang suivant les critères observés par les laboratoires dans leur province.
Dans le cas d’un résultat positif, la femme enceinte devrait être évaluée par un prestataire de soins prénatals ou un périnatalogiste ayant une expertise en matière d’exposition au virus Zika durant la grossesse. Dans ce genre de situation, on conseille très certainement de faire subir des échographies séquentielles.
Dans certains cas, en particulier si les résultats de l’échographie montrent un microcéphalie, c’est-à-dire une petite tête ou des calcifications cérébrales, il pourrait être indiqué de faire subir une amniocentèse dans le cadre des examens de suivi. Cependant, en raison des risques que cet examen comporte, on doit évaluer son utilité au cas par cas. Il pourrait s’avérer utile pour confirmer ou écarter d’autres diagnostics, selon le tableau clinique. Quoi qu’il en soit, il est absolument essentiel de faire évaluer chaque cas par un périnatalogiste.
Harp : Dre Poliquin, vous avez évoqué jusqu’ici la situation du fœtus et de la mère. Que faire dans les cas où ce n’est pas la femme qui a visité une région touchée par le virus du Zika, mais son partenaire? Quel examen faudrait-il conseiller?
Poliquin : Selon la politique en vigueur au Canada, les tests s’adressent aux individus symptomatiques. Par exemple, un homme qui présente des symptômes a le droit de subir le test pour détecter la présence du virus, ou encore, une femme enceinte asymptomatique.
À l’heure actuelle, le test n’est pas autorisé dans le cas d’un homme qui revient d’un pays ou d’une région où la transmission du virus est avérée. Cela s’explique en grande partie par le fait que les analyses… qu’il nous reste beaucoup à apprendre sur le test à notre disposition et sur son efficacité lorsqu’il y a présence de symptômes, par rapport à ce que nous appelons une situation de dépistage, où il peut y avoir absence de symptômes.
Nous ne savons pas avec certitude si le test est suffisamment fiable. Nous ne connaissons pas précisément les faux positifs ou les faux négatifs auxquels il peut aboutir. Et jusqu’à ce que les paramètres d’examen soient mieux compris, il ne pourra pas être administré comme examen de routine chez les individus asymptomatiques.
Balakumar : Donc, en théorie, il pourrait y avoir un risque qu’une femme soit exposée au virus Zika sans sortir du pays. C’est-à-dire, si c’est son partenaire, plutôt qu’elle, qui a séjourné à l’étranger. Les algorithmes de dépistage tiennent-ils compte de ce scénario?
Poliquin : En ce moment, lorsqu’il y a un risque d’exposition de la femme enceinte, nous évaluons la situation au cas par cas. Elle doit être vue par un spécialiste en soins prénatals, qui interviendra auprès du laboratoire. Compte tenu du risque théorique de transmission dans une telle situation – s’il y a eu des relations sexuelles sans condom – il pourrait alors faire valoir le bien-fondé de lui faire subir le test.
Harp : Merci, Dre Poliquin.
Poliquin : Merci à vous de m’avoir accueillie.
Harp : Voilà qui conclut cet épisode de notre série. À venir dans notre prochaine balado, d’autres questions présentées par les stagiaires du programme de santé publique de l’Université de la Saskatchewan. Nous parlerons entre autres de la marche à suivre en vue d’évaluer les enfants ayant obtenu un résultat positif ou non concluant dans un test de dépistage du virus Zika.
Balakumar : Et nous nous demanderons si les femmes qui ont contracté l’infection pendant leur grossesse devraient allaiter.
Vous avez une question de santé publique sur le virus Zika dont vous aimeriez connaître la réponse? Envoyez-nous un courriel à ccnmi@umanitoba.ca. Ou téléphonez sans frais au 1-844-847-9698 et laissez votre question sur notre répondeur.
Harp : « Infections en question » est une réalisation du Centre national de collaboration des maladies infectieuses. La production de cette balado a été rendue possible grâce à une contribution financière de l’Agence de la santé publique du Canada.
Balakumar : Veuillez noter que les points de vue exprimés ici ne reflètent pas nécessairement ceux de l’Agence.
L’Université du Manitoba est l’organisation d’accueil du CCNMI. Pour en savoir plus, consultez ccnmi.ca.